Samedi 12 novembre 2011, 20 heures 30, auditorium de l’Institut du monde arabe, Ve arrondissement de Paris. À l’affiche, un grand maître de chant classique indien, que le programme présente comme « le prodige de l’Inde du Nord, virtuose du khyal dans le style kirana gharana, remarquable interprète du raga qui s’accompagne à chacun de ses concerts par le sarangi, vièle rustique du XVIè siècle ». Dans la grande salle presque comble, un silence recueilli se fait l’instant où les musiciens font leur apparition et prennent place devant les instruments, assis en tailleur sur les somptueux tapis disposés au centre de la scène. Je me contorsionne pour mieux voir, me lève pour prendre quelques photos pixellisées avec mon téléphone portable. Pourtant, avant de retirer ma place au guichet, je n’avais jamais entendu parler du grand maître : si je suis là ce soir, c’est que mon ami Abishak Roy l’accompagne aux tablas. De ma place, je vois Abishak de trois-quarts face, vêtu d’un pantalon de soie noire et d’une longue tunique brodée de fils d’or, un foulard jaune safran sur l’épaule. Pendant tout le concert, c’est lui que je regarde, ses doigts virtuoses qui courent sur les plateaux des trois petits tonneaux de bois de palissandre, ses mains qui bondissent et frappent la peau claire et veloutée des disques et semblent, malgré l’ampleur et la vivacité des gestes, toujours magiquement aimantées par la pastille noire tracée au centre des tablas. C’est à lui que je crie « Bravo ! » lorsque les lumières se rallument et que tonnent les applaudissements du public qui réclame un deuxième rappel...