Le Nouvelliste - Survivances africaines et indiennes dans le parler haïtien
Le 8 août 2012, Claude Agège, linguiste de nationalité française, était l’invité de Caroline Lachowsky, talentueuse animatrice du magazine «Autour de la question» sur Radio France Internationale. Il vient de publier un essai : «Contre la pensée unique/Plaidoyer pour la diversité des pensées, des cultures et des langues». Avec chaleur et un bel enthousiasme, M. Agège a fait découvrir la beauté sonore des modes d’expression orale ici et là. Polyglotte, il a mené des recherches sur les cinq continents. Il lui est arrivé, pendant le programme, de parler l’arabe, le japonais, le chinois, le portugais et des langues africaines. J’ai capté de lui une phrase pleine de signification et de positivité : «Derrière l’amour des langues, il y a l’amour des gens et des communautés qui les façonnent.» Ce n’est pas moi qui apporterai un démenti à cette assertion qui, en fait, est une confession sortie du fond du cœur. Le contact avec une langue fait découvrir une culture, c’est-à-dire une façon de vivre.En évoquant les mots du parler haïtien, j’invite l’observateur, le visiteur, l’étranger qui a fait d’Haïti sa patrie d’adoption à pénétrer la culture haïtienne pour mieux comprendre notre façon d’agir et notre mode de pensée. Un exemple : Un étranger capte autour de lui un juron du genre : «Vouzan !», il comprendra la contraction : «Allez-vous en !» En clair, «Foutez le camp !», ou «Décampez !» ou encore «Débarrassez le plancher !» Evidemment, l’invitation est disgracieuse. En accolant ainsi les mots du parler local, je ne prétends pas faire œuvre de linguiste, tout juste je suis un locuteur. Il se trouve que le journal est un espace où l’on peut échanger. Ainsi je me fais fort de partager mes observations.
En faisant le reportage du dialogue mené par Yvan Amar avec deux «natif natal», je n’avais nullement la prétention de faire le tour des subtilités du parler d’Haïti. D’ailleurs, une telle entreprise aurait été au-dessus de mes forces. Néanmoins, si un lecteur qui est resté sur sa soif veut déborder le cadre, je veux bien le suivre. Un congénère me fait remarquer que je n’ai pas fait mention des survivances africaines dans mon reportage. Il a raison. Sauf que je suivais à la trace les deux compatriotes devenus sapeurs de la langue pendant la demi-heure de «La danse des mots».