Au menu : neutralité du Net, loyauté des plates-formes et droit à la connexion.
Ce n'est pas encore le texte définitif, mais on s'en approche. Evoqué depuis trois ans, le projet de loi numérique a été mis en ligne samedi, afin d'être discuté par tous ceux qui le souhaitent pendant trois semaines. Il pourra alors être modifié avant d'être présenté au Parlement, début 2016. Ces dernières semaines, le texte a connu quelques modifications, au gré des allers-retours entre Bercy et Matignon. Manuel Valls a toutefois rendu ses derniers arbitrages en début de semaine.
La loi Lemaire sera suivie d'une loi Macron 2, chargée d'adapter l'économie et le droit aux nouvelles technologies, et d'une loi Valter sur la gratuité des données publiques. Ce qui fait dire à la députée UMP Laure de la Raudière : « Trois textes, cela rend illisible la stratégie de la France en matière de numérique. D'autant qu'on légifère de notre côté, sans poids réel, sur des sujets que Bruxelles a pris en main. »
En attendant, parmi les points de la loi Lemaire discutés ces derniers jours figurait notamment la définition de la neutralité du Net. Les opérateurs télécoms espéraient obtenir des contreparties face à l'augmentation des taxes prévue pour financer l'audiovisuel public et disposer d'un peu plus de liberté pour gérer le trafic Internet, notamment face aux flux énormes générés par certains éditeurs de services. La définition n'a finalement pas changé, la version finale parlant du « traitement égal et non discriminatoire du trafic par les opérateurs dans la fourniture des services d'accès à Internet ». L'Arcep sera chargée d'appliquer la loi. Des obligations d'information des consommateurs sur les débits réels, montants et descendants, ont toutefois disparu du projet de loi.
Modalités de référencementAutre sujet sensible, qui a fait l'objet de débats au sein du gouvernement : le concept de loyauté des plates-formes. Alors que des réflexions existent sur le sujet au niveau européen, le gouvernement n'était pas certain d'inscrire ces obligations dans la loi. Après avoir disparu, elles sont finalement réapparues. Le texte indique ainsi que « toute plate-forme en ligne est tenue de délivrer une information loyale, claire et transparente sur les conditions générales d'utilisation du service d'intermédiation qu'elle propose et sur les modalités de référencement, de classement et de déréférencement des contenus, biens ou services. […] Elle fait notamment apparaître clairement l'existence ou non d'une relation contractuelle ou de liens capitalistiques avec les personnes référencées ». Google, par exemple, serait ainsi obligé d'indiquer sur les résultats de son moteur de recherche qu'il détient YouTube. Un décret devra toutefois préciser au-dessus de quelle audience les plates-formes sont concernées par ces mesures.
La loi Lemaire pose enfin plusieurs grands principes, comme l'ouverture par défaut des données publiques et la création d'un service public de la donnée, le droit au maintien d'une connexion Internet pour les personnes en difficulté ou encore le « droit de décider des usages qui sont faits de ses données à caractère personnel ». Dans ce domaine, la version finale supprime en revanche la possibilité de mener des actions de groupe en matière de protection des données personnelles.
Nicolas Rauline, Les Echos