Obsolescence programmée : les fabricants d’imprimantes dans la tourmente | Toulouse networks | Scoop.it

Le parquet de Nanterre a ouvert une enquête préliminaire contre le fabricant japonais d'imprimantes Epson pour obsolescence programmée et tromperie sur l'aptitude à l'emploi.

 

Ce jeudi 29 mars, l’émission Envoyé spécial consacre un reportage au marché de l’imprimante soupçonnée d’obsolescence programmée. Une enquête préliminaire est en cours contre le japonais Epson, suite à la plainte de l’association HOP. Décryptage avec Laetitia Vasseur, co-fondatrice de cette association.

 

Rien de mieux qu’un reportage à la télévision à heure de grande écoute pour sensibiliser la population à un problème important. Cette fois-ci, il s’agit de l’obsolescence programmée, un principe appliqué par certains industriels pour s’assurer que les consommateurs renouvellent fréquemment leurs produits. Un phénomène dénoncé par l’association Halte à l’obsolescence programmée (HOP), mais qui semble concerner de nombreux secteurs de la consommation grand public : matériel informatique, imprimantes, téléphonie, textile, électroménager…

 

Ce jeudi 29 mars, le reportage "Imprimantes : le coût de la panne" qui sera diffusé sur France 2 dans le magazine "Envoyé spécial" concerne le secteur des imprimantes, un marché mondial aux 100 millions de produits. Et plus particulièrement le fabricant nippon Epson, accusé de réduire volontairement la durée de vie des cartouches d’encre alors qu’elles sont encore remplies d’encre (de 20 à 40 %) et de provoquer la fin des imprimantes grâce au blocage des tampons absorbeurs.

Une première plainte de l’association HOP

 

Pour la première fois, une association a franchi le pas en attaquant dès septembre dernier Epson via le dépôt d'une plainte, dans laquelle sont également cités les fabricants HP, Canon et Brother. HOP a collaboré pendant plusieurs mois avec les journalistes sur ce sujet. Le reportage présente les dessous de l’enquête préliminaire visant Epson, qui a été ouverte par le Procureur de la République pour obsolescence programmée et tromperie.

"Nous avons de forts soupçons concernant plusieurs industriels du secteur de l’imprimante, mais nous avons vraiment développé et approfondi le cas d’Epson, car nos moyens ne nous permettent pas de mener plusieurs procédures en même temps, précise Laetitia Vasseur, co-fondatrice et déléguée générale de l’association Halte à l’obsolescence programmée (HOP), à L’Usine Nouvelle. Nous avons déposé une plainte en septembre et l’enquête a été ouverte fin décembre."

L’association et son avocat Maître Emile Meunier ont été entendus récemment par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). "Cela semble aller dans le bon sens, nous avons senti des agents impliqués et motivés, se réjouit Laetitia Vasseur. L’idée est de se porter partie civile quand l’affaire sera jugée."

L’encre vendue plus chère... que le parfum haut de gamme

HOP a également de fortes présomptions concernant les autres industriels du secteur, d’après les éléments qu’elle a pu obtenir, et évoque même – avec tout le conditionnel qui s’impose - la possibilité d’une "entente" entre ces marques. Elle rappelle également le prix exorbitant auquel est vendu le prix du litre d’encre : plus de 2 000 euros en moyenne. "Deux fois plus cher que du parfum haut de gamme, dénonce la déléguée générale de HOP. Et le tampon absorbeur, une pièce anodine qui récupère le surplus d’encre, arrive rapidement en fin de vie alors qu’il est difficile à remplacer."

Bien entendu, Epson n’a pas attendu l’émission de ce jeudi soir pour riposter. L’industriel a répliqué dans le journal Le Monde, qui lui a ouvert ses colonnes le 26 mars dernier, par la voix de Thierry Bagnaschino, le directeur marketing de la filiale française, pour "pouvoir démontrer qu’il n’a jamais eu l’intention de voler [ses] clients". Il indique également, à propos des cartouches inutilisables alors qu’une quantité d’encre non négligeable n’a pas été consommée, que "pour bien fonctionner, celle-ci doit toujours être baignée dans du liquide, de telle sorte qu’il n’y ait pas d’air qui rentre dedans. Sinon l’impression commence à se dégrader et, à la fin, la tête d’impression est irrécupérable. Or, remplacer cette pièce, avec le coût de la main-d’œuvre, peut coûter plus cher que racheter une imprimante d’entrée de gamme". Ces déclarations n’ont pas manqué de faire réagir Laetitia Vasseur lors de notre entretien.

 

Après les imprimantes, Apple et peut-être les fabricants de collants

"C’est un peu fort de café, s’exclame la co-fondatrice de l’Association. Ses arguments ne sont pas convaincants. Le responsable interrogé reconnait implicitement que leur intérêt est de vendre toujours plus de cartouches." Si Epson venait à être condamné, il faut rappeler que l’obsolescence programmée est reconnue comme un délit depuis la loi sur la Transition énergétique de 2015. Un délit passible d’une peine de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 300 000 euros qui peut être portée jusqu’à 5% du chiffre d’affaires.

L’association HOP est particulièrement active dans les débats sur la future feuille de route de l’économie circulaire. "Nous sommes globalement satisfaits des messages, mais ils sont un peu édulcorés, tempère Laetitia Vasseur. Nous demandons au gouvernement d’aller jusqu’au bout pour avoir des produits réparables et éco-conçus."

Mais la lutte de HOP est loin d’être terminée malgré un texte adopté au parlement européen et en attente d’une réponse de la Commission européenne. Elle a également engagé une action contre le géant Apple, soupçonné de ralentir ses smartphones avec des mises à jour, "au moment de la sortie des nouveaux modèles." Et l’association lance une enquête auprès des consommatrices de collants. "Nous verrons si nous portons plainte", prévient HOP. Certains industriels ont tout intérêt à revoir leur stratégie s’ils veulent pouvoir éviter de futures convocations par la justice.

 

Olivier Cognasse

@OlCognasse