Ces licornes potentielles qui ne sortent pas du bois | Toulouse networks | Scoop.it
Si on a officiellement atteint ce lundi le cap des 25 licornes avec trois ans d'avance sur l'objectif fixé, en 2019, par Emmanuel Macron, le nombre de startups tricolores valorisées plus d'un milliard d'euros pourrait être encore supérieur. Explications
 

Espèce rare mais qui prolifère à un rythme effréné, la licorne française, du nom de ces startups non cotées en Bourse et valorisées plus d’un milliard (de dollars ou d’euros), est au cœur de l’actualité économique de ce début d’année 2022.

En seulement deux semaines, Payfit (logiciel RH et de paie) et Ankorstore (marketplace connectant les marques avec les commerce indépendants) ont rejoint ce cercle fermé. Ce lundi, c'est Exotec (systèmes logistiques robotisés appliqués à la logistique) qui est devenu officiellement la 25e licorne française.

 

Ce chiffre n’est pas anodin puisqu’il correspond à l’objectif fixé, en septembre 2019, par Emmanuel Macron… à horizon 2025 – avant d’assurer en juin dernier que ce cap serait "largement dépassé". Entre-temps, Qonto (néobanque) et BackMarket (marketplace spécialisée en objets informatiques reconditionnés) ont établi deux nouveaux records de valorisation pour des licornes françaises en une seule journée, mardi dernier, respectivement à 4,4 et 5,1 milliards d’euros. À elles cinq, BackMarket, Qonto, Payfit, Ankorstore et Exotec ont ainsi levé 1,795 milliard d’euros (1,44 avant Exotec) depuis le 1er janvier.

Certaines startups préfèrent ne pas communiquer après de grosses levées de fonds

Bref, une certaine frénésie règne sur le marché français du capital-investissement. Pour des motivations qui leur sont propres, certaines sociétés préfèrent toutefois ne pas communiquer sur leur valorisation à l’issue de grosses levées de fonds.

C’est notamment le cas de DNA Script, pionnier de l'impression d'ADN à la demande, qui a annoncé l’extension de son tour de table de série C, dont le montant total a été porté à 200 millions de dollars (172 millions d’euros). S’il n’y a pas de règle absolue en la matière, une levée de fonds de série C (souvent la dernière) implique généralement la cession d’une part comprise entre 10 et 15% du capital. À titre d’exemple, Ankorstore a échangé 14,3% du sien contre du cash lors de son tour de table de série C bouclé le 10 janvier dernier. Si l’on s’en tient à cette fourchette de 10 à 15%, la valorisation de DNA Script serait comprise entre 1,15 et 1,72 milliard d’euros, ce qui ferait d’elle une licorne – et la société biotechnologique française la mieux valorisée. Il faudrait ainsi qu’elle ait vendu plus de 17,2% de son capital pour que sa valorisation ne dépasse pas un milliard d’euros.

BackMarket, Payfit et Qonto ont respectivement cédé 11%, 8,8% et 14% du leur lors de leur récent tour de table, qui étaient des levées de fonds de série D pour le premier cité et E pour les deux autres. Outre DNA Script, d’autres licornes potentielles se cachent donc peut-être parmi le vaste écosystème de la French Tech.

Une liste (non-exhaustive) de ces entreprises potentiellement déjà valorisées plus d’un milliard d’euros

Ornikar: Membre du Nex40 comme Back Market, Qonto ou Payfit, Ornikar est une auto-école en ligne, permettant de réviser le code de la route ainsi que de réserver des cours de conduite. Le groupe, fondé en 2013 et qui compte notamment Xavier Niel parmi ses actionnaires, revendique près de 2,5 millions d’utilisateurs depuis sa création, et prépare plus de 35% des conducteurs à l’examen du code de la route en France. Il a levé 100 millions d’euros en série C lors d’un tour de table mené par le fonds KKR (avec le soutien de Bpifrance notamment) en avril 2021 afin, entre autres, de "poursuivre son développement en France et à l’international" (sous la marque Onroad) et "d’élargir sa gamme de services aux conducteurs". Ornikar s’est notamment lancé sur le marché de l’assurance automobile en 2020

"Nous ne sommes pas encore une licorne, mais nous n'en avons jamais été aussi proches", se réjouissait son patron et fondateur à l’issue de la dernière levée de fonds.

S’il n’y en a pas eu de nouvelle depuis, cela ne veut pas pour autant dire que la valeur théorique de l’entreprise n’a pas augmenté au cours des 9 derniers mois.

Younited Credit: Anciennement Prêt d'Union, Younited Credit est une "fintech" spécialisée dans le crédit à la consommation qui a levé 170 millions de dollars (144 millions d’euros) le 8 juillet 2021, lors d’une opération qui a notamment vu entrer Goldman Sachs à son capital et porté à 400 millions de dollars le montant des fonds récoltés depuis son lancement en 2012. Si la startup ne communique pas sur sa valorisation, l’Agefi croit savoir que celle-ci flirtait déjà avec le seuil du milliard de dollars de valorisation en décembre 2020. Les fonds récoltés en juin dernier devaient lui servir à consolider sa présence en Europe, notamment en Italie, Espagne, Allemagne et au Portugal, 4 pays représentant 40 % des revenus (produit net bancaire), et lui permettre de déployer son offre B2B pour conquérir de nouveaux marchés et étoffer son réseau de partenaires avec le lancement d’un moyen de paiements dédié aux e-commerçants (Younited Pay). À l’issue de son dernier tour de table, Younited Credit indiquait avoir déjà octroyé plus de 2,6 milliards d’euros de crédits depuis sa création.

Spendesk: Autre candidat potentiel au statut de licorne, Spendesk a développé une plateforme de gestion des dépenses (notes de frais, factures, etc.) à destination des entreprises, et a levé 100 millions en série C en juillet 2021 "pour accélérer le déploiement à l'ensemble des entreprises en Europe". Fondée en 2016, la société compte plus de 3.000 clients (parmi lesquels d’autres membres de la French Tech comme ManoMano et BackMarket), et se félicitait d’avoir doublé ses revenus et son nombre de collaborateurs (passé de 150 à 300) en 2020. Déjà implanté à Paris, Londres, Berlin et San Francisco, le groupe a encore l’intention de doubler ses effectifs d’ici fin 2022.

Ynsect: Assurément l’une des startups les plus attendues au tournant, le spécialiste de l’élevage d’insectes puis de leur transformation en ingrédients à destination de l’alimentation animale a annoncé avoir porté son financement de Série C à 372 millions de dollars en octobre 2020, "soit la levée de fonds la plus importante jamais réalisée par une entreprise non américaine dans le secteur agricole", se targuait-il alors, sans dévoiler sa valorisation. Cette manne a permis au groupe de finaliser la construction de la plus grande ferme (verticale) d’insectes au monde à Amiens, dont la production est estimée à 100.000 tonnes par an, ainsi que de se développer en Amérique du Nord. S’il a réalisé un chiffre d’affaires de 10,5 millions d’euros en 2020, Ynsect indique avoir déjà signé des contrats d’une valeur globale de 105 millions de dollars avec des clients tels que Torres, Skretting ou Compo Group.

Parmi les autres licornes potentielles, ou qui pourraient le devenir bientôt, on peut également citer le néoassureur Leocare, qui a levé 100 millions d’euros (série B) en novembre dernier avec l’Espagne en relais de croissance dans le viseur, ou encore l’ovni Sunday (solution de paiement par QR Code), lancé par le fondateur du groupe de restauration Big Mamma, parvenu à récolter 100 millions d’euros lors de la plus grosse série A jamais réalisée en France, en septembre dernier, soit 6 mois seulement après sa création. Ce dernier revendique déjà plus d'un million d'utilisateurs et plus de 1.500 partenariats avec des restaurants.

Dans la catégorie des startups qui ne perdent pas de temps, Verkor (société grenobloise de batteries électriques) a levé 100 millions d’euros en juillet dernier, soit moins d’un an après sa création. Le groupe compte notamment Schneider Electric, Renault ou Capgemini parmi ses partenaires et actionnaires.

Certaines licornes resteront cachées

Mais parmi toutes ces candidates au statut de licorne, certaines pourraient choisir de ne pas le revendiquer. En effet, certaines sociétés préfèrent ne pas communiquer sur leur valorisation à l’issue de grosses levées de fonds. D’abord pour des questions de confidentialité. Certains investisseurs préfèrent rester dans l’ombre, pour protéger leurs intérêts personnels.

Parmi les biotechs, certaines startups préfèrent aussi attendre le feu vert des autorités sanitaires avant de communiquer sur leurs levées de fonds. D’autres préfèrent pérenniser leur modèle économique avant d’annonce le milliard de capitalisation. C’est bien d’être une licorne, encore faut-il ne pas s’effondrer quelques mois après l’annonce.

Enfin, d’autres encore préfèrent passer sous les radars, on pense aux entreprises de cybersécurité. Car dans les faits, la licorne est un animal convoité mais qui n’apporte pas d’avantages financiers ou économiques. C’est avant tout de la communication, qui peut au final s’avérer pénalisante pour certaines entreprises.

 

 

Quentin Soubranne avec Nathan Cocquempot