Toulouse. McDo a fermé : "On a jeté leur drogue sans le savoir" et cela a mis le feu aux poudres | Toulouse networks | Scoop.it

C’est dans ces poubelles, à droite de cette image, que les dealers ont eu la lumineuse idée de planquer de la drogue, jetée sans le savoir par des employés du McDo

 

Étouffé par les dealers, le McDo de Jeanne d'Arc a définitivement fermé jeudi 30 novembre 2023 à Toulouse. Aussi ébranlés que soulagés d'en finir, des salariés racontent l'enfer.

 

C’était le jour J. Nettoyage, inventaire… avant de tout vider. Presque soulagés d’en finir, les employés du McDonald’s de Jeanne d’Arc ont assuré leur tout dernier service, ce jeudi 30 novembre 2023, sous les yeux… des dealers qui, à peine le dos des policiers tournés, ont repris possession du quartier, et de la terrasse du restaurant.

 

À 21 heures pétantes, les 13 salariés du McDo ont éteint la lumière. À jamais. Comme l’avait révélé Actu Toulouse mi-octobre, le fast-food a définitivement baissé le rideau, sous la pression des dealers qui faisaient leur marché aux portes du resto depuis des années, jusqu’à faire plonger « de 35 à 40 % » son chiffre d’affaires, avait glissé Michel Réglat, le patron de nombreux McDo dans la Ville rose. Ses employés témoignent de l’enfer qu’ils ont vécu à Jeanne d’Arc.

« Le resto a survécu au Covid, pas aux dealers », dit un manager

Asma, Morgan et Rudolph étaient les trois managers aux commandes de ce restaurant. Équipiers modèles, avant d’être promus encadrants, tous les trois affichent plus de 20 ans d’ancienneté chez McDo. Comme tous leurs collègues, ils ont été recasés dans différents établissements exploités par le franchisé à Toulouse : « Il nous a laissé choisir le McDo où nous voulions travailler », raconte Asma, satisfaite.

 

« Le restaurant a survécu au Covid, mais pas aux dealers », embraye Morgan, regardant une dernière fois les cuisines, la boule au ventre. « C’est tellement triste », ajoute Asma. « J’ai fait l’ouverture du restaurant, je ne pensais pas faire sa fermeture un jour ».

 

S’il a envie de tourner la page, le trio en veut quelque peu aux autorités, trop sourdes à leurs cris d’alarme : « Cela fait des années qu’on alerte, depuis la fin du Covid, on a même fait une pétition, mais tout cela n’a servi à rien. On n’était plus en sécurité ici », souffle Asma.

« Le franchisé a protégé les salariés et les clients »

À l’unisson, tous trois se disent reconnaissants envers leur patron : « Fermer était une décision difficile à prendre, pour l’équipe comme pour lui, mais le franchisé a protégé les salariés et les clients ».

 

« Les dealers se sont réinstallés à demeure »

La situation, justement ? Depuis l’annonce de la fermeture du McDo, police et préfecture communiquent à tour de bras… Se montrant engagées dans une course effrénée après les dealers – qui ont migré d’Arnaud-Bernard à Jeanne d’Arc –, elles multiplient depuis les actions coup de poing, jusqu’à dépêcher des drones sur place. « Cela a été efficace plusieurs semaines, pendant lesquelles on a enfin connu des jours meilleurs, mais depuis quelques jours, les dealers se sont réinstallés à demeure ».

 

« Tiens, regardez ce qu’il se passe », lance soudainement Morgan, pointant du doigt le manège de jeunes hommes juste devant l’entrée du restaurant. « Rien n’a changé, ils sont toujours là ». Un peu plus tard, en cette dernière fin d’après-midi, un seul client se retrouve un temps attablé dans la petite salle en ce dernier jour : âgé d’une vingtaine d’années, il n’était visiblement pas là pour consommer (que ?) du McDo.

 

« On m’a menacé et suivi jusque chez moi », témoigne un manager

« C’est tellement dommage de fermer à cause de ça », ajoute Rudolph, qui garde en travers de la gorge de nombreux épisodes de tensions avec les dealers. « Ils cherchaient en permanence à planquer de la drogue chez nous, dans les poubelles, dans les toilettes, mais on les empêchait de le faire ».

Jusqu’au jour où, raconte-t-il, ça a failli déraper, bien malgré lui : « Une fois, on a vu débarquer dans le restaurant une dizaine de dealers extrêmement furieux et menaçants ».

 

Cet énième épisode a mis le feu aux poudres avec les dealers. À partir de là, les problèmes avec les trafiquants de drogue qui « étaient contre nous » sont allés crescendo. « Il y en a dix qui ont débarqué dans le restaurant, ils m’ont entouré et m’ont dit : on va te faire la peau », confie ce manager. « Plus tard, on m’a suivi jusque chez moi ».

 

« Ils l’ont planté de huit coups de couteau juste devant moi »

Ce climat délétère à Jeanne d’Arc va bien au-delà de la terrasse du fast-food. En témoignent les règlements de compte récurrents sur place, entre bandes rivales qui tentent de régner sur le marché de la drogue.

En septembre dernier, un homme a été grièvement blessé à l’arme blanche aux portes du McDo, glaçant le sang des employés du restaurant. « Ils l’ont planté de huit coups de couteau juste devant moi, un midi », atteste l’un d’eux. Comme un rappel de la menace qui planait sur leurs épaules jour et nuit… Mais qui est désormais, pour ces salariés désabusés, de l’histoire ancienne. McDo a tombé le rideau, étouffé par les dealers aux portes du métro.

 

 

Par Guillaume Laurens Publié le 1 Déc 23