Bigflo & Oli, les deux petits princes toulousain du rap | Toulouse networks | Scoop.it

Toulousains et frères, Bigflo & Oli partagent leur temps entre le quotidien classique des jeunes de leur âge et le tourbillon musical dans lequel les a entraînés leur talent précoce pour le rap.


À eux deux, ils n’ont pas 40 ans mais une centaine de scènes au compteur, dont des salles prestigieuses à faire pâlir d’envie ceux qui rament, et trois chansons disponibles sur YouTube. La première d’entre elles, intitulée C’est que le début était un présage. Car depuis la mise en ligne en 2011 de la vidéo, visionnée un million de fois, les vies de Florian, 20 ans, d’Olivio, son frère de 17 ans, et les carrières de Bigflo & Oli ont pris une autre dimension. D’ailleurs, il faut s’armer de patience pour obtenir un rendez-vous, avec la présence imposée du manager. Car depuis la signature de leur contrat l’été dernier avec le label Polydor, filiale du major Universal, (plus) rien n’est laissé au hasard. Le duo enchaîne les dates depuis des mois (Sziget festival de Budapest, Francofolies de la Rochelle, Printemps de Bourges, l’Olympia en première partie de Féfé), les rencontres avec la presse, l’enregistrement de cinq titres inédits. « Il faut remplir un calendrier, tout prévoir à l’avance. Car les professionnels attendent de nous des morceaux et des concerts », explique Florian. « Actuellement, on prépare les tournages des clips de deux morceaux ».

Les vidéos sont postées sur le web pour annoncer la sortie de l’EP (l’Extended Play est entre le single et l’album), un teaser pour préparer la sortie l’album fin 2014. Une vie précoce d’artistes, rattrapée néanmoins par la réalité des jeunes de leur âge. « Tout ça, ça fait bizarre quand même. En Belgique, on m’a demandé une photo. Ce qui ne m’empêche pas de me faire engueuler par ma prof d’histoire-géo » raconte Oli. Car en terminale ES, au lycée Saint-Sernin à Toulouse, le cadet prépare le bac, la « priorité » des prochains mois. Et c’est maman qui veille au grain. Mieux, elle met « la pression ». « De toute façon, on ne fait rien sans le bac. Il faut qu’il l’ait. Tout dépend de lui. On verra, après », ajoute l’aîné, inscrit en première année d’AES, Administration économique et sociale, à l’université Toulouse 1 Capitole.

Du rap conscient

Il faut dire que rien, dans leur environnement, ne les prédestinait à la musique urbaine. De parents argentin et algérien, bercés par une bonne dose de salsa avec un papa chanteur, les deux garçons ont étudié au Conservatoire de musique de Toulouse. Batterie pour l’aîné, et trompette pour le cadet. Une solide formation musicale, accompagnée d’une expérience théâtrale. Pourquoi le rap ? « En CM2, on écrivait des poèmes. Notre père jouait de la guitare et nous, on slamait nos textes. Puis on a entendu du rap, du rap français. Un coup de foudre. On a écouté en boucle IAM et l’album L’école du micro d’argent, ainsi que Diam’s, Booba et Eminen. On l’a vu au Stade de France et on avait même la larme à l’oeil… », poursuit Bigflo.

Batterie et trompette donc constituent aujourd’hui la marque de fabrique de leur musique, un rap intelligent, drôle, décomplexé. « On se place comme des observateurs et nos textes disent de vraies choses. Car nous sommes des gens normaux et on ne veut pas se donner une image qu’on n’a pas ». À contre-courant de l’industrie, Bigflo & Oli sont (très) loin des clichés du « gansta rap », parlent de leurs doutes, de leurs envies avec une plume efficace et acerbe, parfois.

Une écriture qui taille dans le vif

Auteur et compositeur, le duo a pour l’heure signé trois singles qui sont trois « facettes de (leur) univers », jouant « sur les paradoxes ». Si C’est que le début, est un rap tranché, Pourquoi pas nous ? », le deuxième titre, est plus « réfléchi ». Le refrain ne laisse aucun doute d’ailleurs : « J’suis perdu, perdu dans mes songes Perdu entre les rêves, les promesses et les mensonges Mec c’est l’enfer, l’avenir est flou Ils ont pu le faire, alors dis-moi : pourquoi pas nous ? Je doute et j’m’écroule J’veux pas finir à l’usine Tenter l’saut dans la foule Et réussir dans la musique Alors j’rappe mais j’reste cool Pour pas péter un fusible Et j’y crois jusqu’au bout, dis-moi : pourquoi pas nous ? »

Tandis que le troisième titre « l’Héritage », une performance artistique d’ailleurs très rythmée, donne une leçon aux rappeurs d’une autre génération. Dans le clip, Bigflo, affublé d’un sac à dos Pokémon, lâche sans sourciller : « Moi j’kick comme un ouragan, parce qu’on faisait du lourd avant. On prenait le mic, on foutait des claques, et on faisait ça couramment. Les rappeurs ne pensent qu’à se taper. Ils parlent, ils clashent, mais ils oublient de rapper », avant qu’Oli lui réponde : « Loin de ces égoïstes autistes aux fils horribles. Arrête tes storys débiles, au cro-mi j’m’égosille, j’ai vu tes clips pathétiques. Ton rap stérile dérive c’est comique ».
Johanna Decorse