Le PS et l'UMP ont scellé un pacte pour l'ennui | Think outside the Box | Scoop.it
Hervé Gattegno, rédacteur en chef au "Point", intervient sur les ondes de RMC du lundi au vendredi à 8 h 20 pour sa chronique politique "Le parti pris".

 

Le premier tour des législatives se tient dimanche et la campagne ne passionne pas - dans un sondage Opinion Way publié hier, 58 % des Français disent qu'ils s'en désintéressent. Vous avez une explication osée. Votre parti pris : le PS et l'UMP ont scellé un pacte pour l'ennui. C'est-à-dire ?

Ça peut paraître insensé mais c'est tout simple : les deux grands partis ont un intérêt objectif à ce que la campagne soit la plus barbante possible. Le PS parce qu'il baigne dans cette ambiance de béatitude et de frilosité qui est la marque du hollandisme - un goût d'eau tiède légèrement sucrée : on ne risque ni de se brûler, ni de grossir, ni... d'y prendre goût. L'UMP, parce que la défaite est à peu près sûre et que le seul but de ses chefs, c'est de limiter la casse en préparant la succession de Nicolas Sarkozy. Rien de tout cela n'est fait pour mobiliser l'électorat. Ça tombe bien, puisque ce n'est pas le but poursuivi... Au passage, on mesure déjà à quel point la mise en retrait de Nicolas Sarkozy a un effet anesthésiant sur notre vie politique : on disait qu'il était "clivant", qu'il hystérisait le débat. De ce point de vue, on pourrait aller jusqu'à dire qu'il manque même à ses adversaires.

Mais est-ce que le désintérêt général pour l'élection ne risque pas de se retourner contre eux en favorisant les autres partis - notamment le FN et le Front de gauche ?

Politiquement, on pourrait le penser ; arithmétiquement, c'est moins sûr. La clé du scrutin, c'est le seuil de 12,5 % des inscrits qu'il faut atteindre pour figurer au second tour. Plus il y a d'abstention, plus ces 12,5 % correspondent à un pourcentage élevé des suffrages exprimés. En clair : la difficulté augmente pour les moyens et les petits partis, y compris le FN qui ne pourra sans doute pas maintenir des légions de candidats pour faire battre l'UMP. Au soir du 6 mai, on envisageait 350 triangulaires : de quoi réduire la droite en lambeaux. Les experts n'en entrevoient pas plus d'une centaine aujourd'hui.

Au-delà de ces calculs tactiques, est-ce qu'il n'y a pas tout simplement une lassitude des électeurs après la campagne présidentielle ?

Des électeurs et des politiques eux-mêmes. D'autant que cette présidentielle aura duré un an - à partir des primaires du PS - et qu'avec la crise et ses effets anxiogènes, la France en est sortie un peu groggy, dans une sorte d'état post-traumatique. S'ajoute à cela un besoin naturel de cohérence, renforcé par l'ordre des scrutins (qui donne la prédominance à la présidentielle) et qui fait que beaucoup d'électeurs de Sarkozy admettent qu'il vaut mieux laisser Hollande gouverner plutôt que d'espérer la confusion. Au total, il aurait fallu des vitamines pour doper cette campagne : mis à part le match Mélenchon-Le Pen (qui ferait croire à l'étranger que Hénin-Beaumont est la capitale de la France), on nous a mis sous tranquillisants... Effet garanti !

Est-ce qu'une surprise est quand même possible à la fin ?

L'UMP ne renversera pas la vapeur. Le FN peut faire un gros score mais aura peu d'élus (s'il en a). La vraie surprise serait que le PS n'ait pas la majorité à lui seul. Qu'il doive composer avec les écologistes et les radicaux voire avec les communistes et Jean-Luc Mélenchon - dans le premier cas, ce serait inconfortable pour François Hollande ; dans le second, insupportable. Mais il y aurait sûrement plus d'animation que pendant la campagne. D'ici là, entre la présidentielle et les législatives, c'est le jour et... l'ennui.