Toulouse. Ce parasite tropical qui «sème la terreur» | Think outside the Box | Scoop.it

Un scientifique toulousain du CHU, le professeur Antoine Berry, vient de révéler la présence d'une maladie tropicale, la bilharziose, jusqu'alors inconnue en France. Huit vacanciers toulousains ont été infectés après des séjours en Corse.

C'est une découverte à la fois surprenante et inquiétante qu'a faite récemment le professeur Antoine Berry, chef de service parasitologie-mycologie au CHU de Toulouse. Cet éminent professeur a, en effet, révélé la présence en Corse, par le plus grand des hasards, du «parasite qui sème la terreur» selon le titre d'un quotidien local.

Comment labilharziose, cette maladie endémique des pays tropicaux, a-t-elle pu migrer sur l'île de beauté ?

L'histoire est singulière. «Un enfant était suivi en pédiatrie à Toulouse pour un problème de sang dans les urines. Le diagnostic tardait à venir et le pédiatre avait même évoqué un problème tumoral en raison d'un polype dans la vessie. L'examen de la biopsie a permis d'évoquer la possibilité d'une bilharziose. Nous avons alors analysé les urines et découvert qu'il y avait plein d'œufs de Schistosoma haematobium» explique le professeur.

Par quel hasard cette fillette, qui n'a jamais séjourné dans une zone d'endémique où ce parasite pullule, a-t-elle pu contracter la bilharziose ? Intrigués, les chercheurs lancent une enquête épidémiologique auprès de la famille. «Nous l'avons interrogé. Le père nous a dit que lui aussi avait parfois du sang dans les urines. Les analyses ont montré qu'il était infecté. Il nous a alors expliqué qu'il avait passé des vacances en Corse en 2011 et 2013 avec des membres de sa famille et des amis. Il s'est avéré que sur les douze vacanciers toulousains, huit étaient atteints de bilharziose» ajoute Antoine Berry.

Tous ont en commun d'avoir séjourné dans un camping proche de la rivière Cavu, près de Porto Vecchio.

D'autres indices viennent conforter l'hypothèse de la présence d'un foyer de transmission dans ce cours d'eau. Un spécialiste mondial de la maladie, qui travaille au CNRS à Perpignan, prévient en effet Antoine Berry qu'une famille allemande de Dusseldorf, en vacances dans la même région, est elle aussi infectée.

Le petit escargot par qui la maladie se transmet

Le ver de la bilharziose uro-génitale (ou infection à Schistosoma haematobium) est émis avec les urines, mais il a besoin d'hôtes intermédiaires, en l'occurrence des mollusques d'eau douce comme le bulin, que l'on trouve aussi en France, pour pouvoir être transmis à l'homme. «L'hypothèse la plus probable, c'est que quelqu'un qui était infecté a uriné dans ce cours d'eau et l'a ensemencé» explique Antoine Berry.

Une alerte est alors lancée le 24 avril dernier auprès de l'institut national de veille sanitaire, qui prend l'affaire très au sérieux, d'autant que les contaminations survenant sur le territoire français (hors DOM-TOM) sont tout à fait exceptionnelles. «La bilharziose, qui n'est pas une maladie immédiatement sérieuse, mais peut le devenir à la longue, n'existait pas en France jusqu'ici» confirme-t-il.

La crainte d'une propagation

Sans être alarmiste, le risque d'une propagation de cette parasitose, la deuxième pandémie parasitaire d'importance dans le monde après le paludisme, n'est pas écarté, notamment dans le sud de la France. «Il est vraisemblable qu'un bon nombre d'individus, en France et en Europe, qui ont séjourné dans cette zone d'endémique sont infectés sans le savoir, la maladie étant souvent asymptomatique. Si ces personnes se baignent et urinent dans une eau douce contenant des bulins, elles peuvent propager la maladie», souligne le Pr Berry qui estime qu'il «faudrait dépister puis traiter un maximum de personnes infectées avant la période estivale». Selon lui, des recommandations vont être transmises aux professionnels de santé afin d'enrayer, le cas échéant, le développement de cette maladie.

Après la dengue ou le chikungunya, transmis par les moustiques, la bilharziose s'ajoute au tableau de ces maladies autrefois cantonnées dans les pays chauds et dont on redoute l'arrivée en France.

Serge Bardy