«Le procès de La Faute-sur-Mer n’est pas le procès de tous les maires ! » | Think outside the Box | Scoop.it

Corinne Lepage, avocate et ancienne ministre, défend les parties civiles dans le procès de la Faute-sur-Mer. Alors que l’audition des victimes de la tempête Xynthia se poursuit, elle insiste sur le particularisme de cette affaire.

 

Le procès du maire de La Faute-sur-Mer présente-t-il un enjeu national ?

Oui, mais dans la seule mesure où il existe d’autres cas dans lesquels des élus ont délibérément construit dans des zones à haut risque. Mais c’est d’abord  un procès très particulier, car les comportements reprochés aux élus dans cette dramatique affaire sont heureusement très peu fréquents. Ce procès n’est pas le procès des maires en général ! Nous sommes dans un cas d’école… de très mauvaise école !

Mais il pose plus largement la problématique du développement économique versus la protection des habitants, et de la mauvaise évaluation des intérêts de la commune, à court et long termes.

 

Quels sont les arguments des parties civiles ?

Contrairement à ce qu’écrit la grande presse, ce n’est pas un procès compassionnel. Bien sûr, la dimension humaine y est particulièrement forte et  tragique. Mais il s’inscrit dans du droit « dur », du droit pénal !

En étudiant l’immense dossier (des dizaines de milliers de pièces !), je suis atterrée de découvrir le comportement des personnes mises en cause. Nous allons défendre le fait qu’il s’agit non seulement de fautes pénales, mais aussi de fautes personnelles, et non de service.

 

Vous contestez l’argument selon lequel ce procès est aussi celui des services de l’Etat ?

Cet argument ne tient pas.

D’abord, même si l’Etat était reconnu aussi fautif, cela ne changerait rien à la responsabilité pénale des personnes mises en cause. Parce que chacun a des compétences et donc des responsabilités.

Ensuite, l’argument selon lequel une petite commune est démunie ne tient pas la route non plus. Ce n’est pas la vérité : La Faute-sur-Mer est une commune riche, surclassée, avec un budget de fonctionnement de 4,5 millions d’euros !

La Faute-sur-Mer s’est surdensifiée au cours des mandats de monsieur Marratier et ce dans des zones de plus en plus dangereuses.

 

L’Etat a-t-il insuffisamment contrôlé cette surdensification ?

L’opposition de la préfecture à cette surdensification a été constante. Depuis vingt ans, la mairie a bataillé contre la préfecture pour ne pas établir de plan de prévention des risques inondations (PPRI), pour ne pas subir de normes strictes, en évitant toute véritable communication et sans mettre en place de plan de sauvegarde. Elle a voté contre les travaux  sur la digue et a demandé à sursoir sur l’enquête publique sur ces travaux parce que la demande émanait de propriétaires privés…

La seule chose qu’on pourrait reprocher aux services de l’Etat, c’est de ne pas s’être montrés plus fermes  à l’égard de la commune de La Faute-sur-Mer. Mais la réduction des moyens de l’Etat a  pour effet de réduire ses moyens de contrôle. Visiblement, la structure du contrôle de légalité en Vendée est très modeste et pâtit d’une mauvaise organisation des services.

 

Il n’y a donc pas carence de l’Etat ?

La loi Littoral est en vigueur depuis le 3 janvier 1986 ; la jurisprudence est depuis bien fixée… De très nombreux élus de communes littorales sont sérieux ! Ils respectent la loi et ont mis en place de véritables mesures de protection des habitants. Quelques autres n’ont de cesse que de ne pas appliquer la loi Littoral. C’est le cas de la Faute-sur-Mer. Tous les espaces construits l’ont été non seulement  en violation de la loi littoral, mais au-delà, en dépit du bon sens !

M. Marratier, il faut le rappeler, n’est pas le seul mis en cause. Dans cette commune, la famille de la première adjointe joue un rôle ambigu à tous les niveaux : propriétaires de terrains, lotisseurs, agents immobiliers, président de l’association de la digue… Même si le délit de prise illégale d’intérêt n’a pas été retenu, cela fait beaucoup ! Il y a eu manifestement des intérêts dans les prises de décision, même s’ils n’ont pas été jugés suffisamment puissants, pour caractériser un délit.