UberPop vs. taxis : 5 contre-vérités passées au crible | Think outside the Box | Scoop.it

Dans le conflit qui oppose les taxis à UberPop, les contre-vérités se succèdent et s'accumulent. Essayons d'y voir un peu plus clair et de démonter la propagande.

Le débat actuel sur le conflit entre UberPop et les taxis commence à devenir pénible. Et comme c’est souvent le cas avec toutes les polémiques, on n’évite pas les postures un peu caricaturales, les effets de manche passionnés, les contre-vérités et les clichés, le tout saupoudré d’une bonne dose de mauvaise foi. Je n’y ai certainement pas échappé moi-même.

Si vous me suivez un peu sur Facebook, vous avez certainement compris que je ne suis pas un grand fan des taxis, et encore moins depuis que ces derniers utilisent des méthodes très discutables pour faire régner « leur » loi, avec malheureusement la bénédiction et même l’appui de préfets sans grand courage, des forces de l’ordre et du Ministère de l’Intérieur, ce qui évidemment leur donne ce sentiment de toute puissance et de légitimité.

Ce qui ne signifie pas pour autant que je défende Uber et UberPop à tout crin. Dans ce conflit fait d’invectives sans grand discernement, il ne m’a pas échappé que la pratique d’UberPop pose problème, pour différentes raisons, notamment – si j’entends les arguments des opposants à cette société – légales et fiscales.

Mais je lis régulièrement tellement de contre-vérités et – disons-le – de bêtises sur le sujet, et pas seulement de la part de responsables syndicaux des taxis, que j’aimerais apporter ma petite contribution au débat en rétablissant certaines vérités, que l’on n’entend pas très souvent. Pour cela j’ai contacté Uber France afin de vérifier point par point mes explications.

 

Voici 5 contre-vérités agaçantes sur Uber/UberPop vs. taxis et mon point de vue contradictoire.

 

1. UberPop c’est de la concurrence déloyale

Celle-ci je l’ai mise en premier car c’est probablement celle que l’on lit et entend le plus souvent. Le problème avec cette notion de « concurrence déloyale » c’est qu’on nous la sort à peu près à toutes les sauces et dans toutes les situations depuis l’avènement d’internet et de l’économie numérique, et qu’elle est à géométrie variable. En fait c’est souvent le seul argument qu’oppose l’économie traditionnelle à la nouvelle économie, plutôt qu’essayer de s’adapter et d’évoluer, d’innover et de se moderniser. Souvenez-vous ce qu’on entendait à propos du mp3 vs. CD, du téléchargement (légal) de films vs. les salles de cinéma, de l’achat d’eBooks vs. les libraires, éditeurs de presse vs. Google News, artisans vs. auto-entrepreneurs etc etc etc. Je me souviens même que dans des temps plus lointains, les professionnels du cinéma et les directeurs de chaines de TV avaient poussé les mêmes cris d’orfraie à la création de Canal Plus. En France, terre de monopoles et de rentes de situations adoubées par l’État, tout ce qui vient quelque peu bousculer un marché bien établi et fortement verrouillé à l’aide de petits arrangements entre amis est immédiatement taxé de « concurrence déloyale », un terme qui est devenu générique pour désigner toute forme de concurrence. Je ne dis pas que sous certains aspects, notamment si certains chauffeurs UberPop ne sont pas déclarés (ce qui reste à prouver) il n’y a pas une forme de concurrence déloyale, mais le terme est tellement galvaudé que c’est devenu une tarte à la crème vide de sens. D’autre part, d’un point de vue purement réglementaire, sachez que pour être chauffeur UberPop, il faut obligatoirement être enregistré sous le régime de l’auto-entrepreneur, c’est inscrit noir sur blanc dans les conditions générales. Si vous n’êtes pas auto-entrepreneur vous ne pourrez pas être chauffeur chez UberPop. Ce qui signifie que le chauffeur UberPop est assujetti à toutes les charges classiques d’un professionnel, même si sous le régime d’auto-entrepreneur ces dernières sont plus avantageuses, en tout cas lors des premiers mois d’activité.

Alors ensuite on va nous parler de la fameuse licence obligatoire et au prix exorbitant pour devenir taxi. Je n’ai jamais vu un argument aussi fallacieux. D’une part, il ne s’agit pas de licence mais « d’une autorisation de stationnement délivrée gratuitement par les préfectures ». Bien sûr, en raison de la pénurie organisée par l’État sous la pression de certaines compagnies de taxi, le prix de ces fameuses « licences » a flambé avec la complicité des taxis en exercice, pouvant atteindre parait-il jusqu’à 200.000 euros. Et alors ? D’une part, personne n’oblige personne à acheter une licence et à s’endetter (en plus du prix de la voiture) lourdement pendant des années pour exercer une profession qui ne rapporte soi-disant plus rien. Et puis les taxis ne sont pas les seuls à devoir payer un droit d’entrée au montant prohibitif pour lancer leur affaire. N’importe-quel commerçant doit aussi débourser des dizaines, voire des centaines de milliers d’euros pour pouvoir ouvrir boutique. Ça s’appelle le droit-au-bail et c’est aussi le fruit de la pénurie (ou de la rareté des bons emplacements) et d’une économie spéculative. Quand on fait ces choix de carrière, de vie, il faut savoir les assumer ensuite, et ne pas crier à la concurrence dès qu’un nouvel acteur plus malin et proposant un meilleur service vient s’installer à côté. Si j’avais pleurniché chaque fois qu’un nouveau blog Tech de talent ouvrait sur la Toile et nous faisait un peu de concurrence en nous piquant des lecteurs, si j’avais manifesté chaque fois que je voyais notre audience baisser parce-que Facebook aspirait peu à peu notre lectorat, je n’aurais plus assez de larmes depuis longtemps pour les vraies émotions, croyez-moi.

Enfin, on le voit à l’usage, la plupart des utilisateurs d’UberPop sont une clientèle qui de toute façon ne prendrait jamais un taxi en raison du prix, notamment les jeunes qui rentrent de soirée et dont les parents sont rassurés de les savoir en Uber plutôt que passagers de la voiture d’un copain avec 3 grammes de RedBull Vodka dans le sang…

Et puis apparemment les taxis ne se gênent pas non plus pour marcher sur les plate-bandes des autres, hein…

Donc, la concurrence déloyale, désolé mais argument bidon. Concurrence, certes, déloyale, non.

 

2. Uber et UberPop, économie du partage ou « économie collaborative » ?

Certains considèrent que Uber et UberPop sont représentatifs de l’économie du partage. A contrario j’en vois d’autres s’insurger contre cet argument, considérant qu’une boîte comme Uber, dont la valorisation frôle les 50 milliards de dollars est tout sauf un symbole de l’économie collaborative. En gros Uber c’est le mal, le Monsanto du numérique, le nouveau Microsoft. Vous savez quoi ? Personnellement je n’ai jamais considéré que Uber était dans l’économie du partage, et franchement je m’en fous, car ce n’est pas vraiment un sujet à mon avis. Le sujet c’est comment une boîte qui n’existait pas il y a 7 ans et qui s’est bâtie sur le simple constat d’une carence (pas assez de taxis à Paris et un service dégueulasse) a su tirer profit des nouveaux outils SoLoMo (Social, Localisé, Mobile) et de l’explosion des applications sur smartphones pour bâtir rapidement une offre pertinente et correspondant à un besoin. Dans les premiers mois de son existence, Uber était dans l’économie du partage (je partage une place dans ma voiture contre quelques euros pour emmener les gens d’un point A à un point B). Aujourd’hui, clairement ce n’est plus le cas (ou alors le partage avec les actionnaires).

 

3. UberPop favorise le travail au noir

Généralement, pour qu’il y ait travail au noir il faut que plusieurs conditions soient réunies. La première d’entre elles, fondamentale et incontournable : que l’argent circule en liquide. A partir du moment où il peut y avoir paiement en espèces il peut y avoir dissimulation et donc travail au noir. Ce qui concerne beaucoup de monde, mais aussi surprenant que cela puisse paraitre, pas UberPop. Car avec les sociétés de VTC c’est à la base impossible puisqu’il n’y a aucun argent liquide échangé entre le client et le prestataire, toutes les transactions étant réglées via les plateformes sur les comptes cartes de crédit des clients. Après, il se peut que certains chauffeurs « oublient » de déclarer leurs revenus au fisc et à l’URSSAF mais la situation est la même pour toutes les professions libérales, ni plus ni moins. En revanche, les taxis, eux, sont la plupart du temps payés en espèces, car bizarrement leurs terminaux de paiement carte bleue sont souvent en panne (je l’ai personnellement vécu tellement souvent). Je dis ça je dis rien, hein.

 

4. Les véhicules UberPop ne sont pas assurés pour le transport de passagers

J’ai lu ça aussi à maintes reprises, souvent sur un ton très alarmiste (parfois de la part de personnes qui par ailleurs râlent sur Facebook contre les radars et les limitations de vitesse, c’est assez drôle). Selon eux, se déplacer en UberPop serait super dangereux car les chauffeurs ne seraient pas assurés pour le transport de personnes, et en gros on risquerait gravement notre vie à chaque trajet. J’ai également vérifié auprès d’Uber : pour être chauffeur UberPop il faut, je cite « une assurance responsabilité civile professionnelle (couvrant véhicule, conducteur, passagers, tiers) ». Je pense que c’est assez clair. J’ajouterai mon point de vue, sur la base de mon expérience personnelle : étant sans voiture pendant environ un mois en février dernier, j’ai utilisé fréquemment UberPop pour de petits déplacements urbains. Pas une seule fois je ne me suis senti en danger. Généralement les chauffeurs roulent tranquille, avec de petites voitures citadines en bon état. C’est d’ailleurs probablement l’usage largement majoritaire d’UberPop : petits déplacements urbains de quelques kilomètres en dépannage. Pas le contexte le plus dangereux, assurément. En outre, n’oublions pas que le client a la possibilité de noter le chauffeur à chaque course, de poster un commentaire libre, et que les chauffeurs mal notés sont limogés sans préavis. C’est peut-être brutal mais c’est le prix à payer pour un service irréprochable. Après on est libre de jouer le jeu ou pas. Mais en tant que pourfendeur d’Uber et des VTC, on peut difficilement reprocher une chose (l’absence de sécurité) et son contraire (la sélectivité dans les chauffeurs et donc une certaine précarité).

 

5. N’importe-qui peut devenir chauffeur UberPop, sans aucun contrôle

Complètement faux. Encore une fois, j’ai vérifié auprès d’Uber. Pour devenir chauffeur UberPop, il faut avoir plus de 21 ans et permis B de plus d’un an, posséder un véhicule de 4 portes de moins de 8 ans et une carte grise au nom du chauffeur, présenter un casier judiciaire vierge et une visite médicale d’aptitude à la conduite, et suivre une formation sur la qualité et la sécurité sanctionnée par un test de 90 questions. Certes tout cela peut paraitre pour certains assez léger et représenter un minimum, mais ces quelques règles permettent déjà de filtrer sérieusement l’accès à cette activité.

 

Voilà. Encore une fois je n’ai pas d’action chez eux et je ne prétends pas défendre Uber ou UberPop contre les taxis mais seulement rétablir quelques vérités car je suis las d’entendre autant de conneries sur le sujet. Bien sûr les détracteurs (qui sont souvent des taxis qui avancent masqués) viendront dire que j’ai été payé par Uber pour écrire ça, etc. Qu’ils le fassent si cela leur permet de penser que c’est un argument solide qui va leur donner plus de crédibilité dans leur combat, cela m’importe peu. Pourquoi je prends parti dans ce débat ? Parce-que je ne supporte pas de voir certains lobbies mener une véritable guérilla contre les acteurs de la nouvelle économie, avec qui plus est l’aval des autorités. Comme je ne supportais pas à une certaine époque pas si lointaine les saillies ridicules, bouffies d’arrogance et de mauvaise foi d’un Pascal Nègre ou de tout représentant des majors contre l’émergence du mp3 et du téléchargement. Comme je ne supportais pas les DRM, les HADOPI et toutes ces stupidités érigées en barrières de mousse contre une déferlante qui de toute façon allait tout emporter sur son passage, et à laquelle il eut été plus intelligent de s’adapter plutôt que sortir les fourches et les banderoles. Je sais que tout n’est pas rose du côté d’Uber et que nous sommes loin des Bisounours, mais n’oublions pas que nous ne sommes qu’aux balbutiements de nouveaux usages et que tout va rapidement s’organiser, rentrer dans l’ordre (et dans les mœurs) et que le confit actuel nous paraitra bien désuet d’ici quelques années.

 

J’aurais pu encore faire cinq paragraphes de plus sur le sujet (la radicalisation et la violence, les taxis qui pleurnichent au volant de leur Merco ou de leur Porsche à 100.000 balles, les accusations d’esclavagisme moderne etc) mais j’ai préféré me concentrer sur l’essentiel, et ça fait déjà pas mal.