La Vraie Primaire : l’initiative qui rêve de sortir par le haut d’un régime à bout de souffle | Think outside the Box | Scoop.it
Atlantico : Vous avez lancé l'initiative La vraie primaire, qui promeut l'idée d'un renouvellement de la gouvernance française ; vous vous appuyez, pour défendre votre projet, sur un sondage qui affirme que deux Français sur trois sont favorables à une primaire non partisane. La fin d'une politique partisane est-elle réellement envisageable aujourd'hui ?

Emile Servan-Schreiber : Oui, surtout quand on voit la façon avec laquelle se sont effondrés nos partis aujourd'hui.

La place qu'ils laissent ne peut être occupée que par une politique non-partisane. Les Français en expriment clairement le souhait, chaque sondage le confirme. Il ne reste plus que 10 à 15% des Français qui aiment leur classe politique et leur font confiance. Les 80% autres sont prêts à voter pour un candidat qui n'appartiendrait plus à un parti, un non-encarté, comme l'a révélé un sondage récent.

En pratique, les partis qui sont en déliquescence, à droite comme à gauche, jouent un rôle obstructionniste dans cette affaire, gardant le contrôle permanent sur la désignation des candidatures. Mais il y a une ouverture, un espace qui se dégage... Il ne reste plus qu'à mener le combat ! C'est aux mouvements non-militants, aux forces de propositions issues de la société civile de lancer ce grand mouvement.
Cependant, malgré la "triangulation" opérée par le pouvoir en place sur certains thèmes politiques traditionnellement abordés par la droite, et malgré cette volonté d'en finir avec la partisanisme, les Français semblent encore attachés au clivage droite-gauche, ce que révélait un sondage CSA (le retrouver ici) pour Atlantico publié en novembre 2014, notamment au travers des valeurs auxquelles sont attachées les électeurs. Comment analyser cette apparente contradiction ?

L'attachement aux valeurs est légitime, mais ne renvoie pas aux partis. On sait que ceux-ci sont accusés de façon permanente de trahir ces mêmes valeurs qu'ils défendent. Et là encore, à droite comme à gauche : le peuple de gauche se sent trahi par le gouvernement de gauche et le Parti socialiste. De la même façon, le peuple de droite ne se reconnaît plus dans la confusion qui règne chez les Républicains : entre l'autoritaire, le libéral, l'humaniste, le chrétien-démocrate et le gaulliste, il y a un monde ! Cette confiscation et défiguration des valeurs est permanente et néfaste. La question de la dichotomie gauche-droite est toujours trop vague si l'on veut saisir aujourd'hui les véritables enjeux, ce qui intéresse vraiment les Français.
En quoi la perspective d'une alliance au centre, entre modérés de tous bords, pourrait conduire à une plus forte émergence des partis les plus radicaux ? Le clivage actuel ne permet-il pas de contenir une telle situation ?

Les extrêmes sont déjà là ! On l'a vu aux régionales ; les forces républicaines sont prises d'assauts sur leurs valeurs essentielles sans que les partis soient capable d'endiguer un instant cet élan. Pire, ils l'aggravent souvent. Les divisions partisanes et intrapartisanes encouragent cette montée. Ce n'est que quand on est divisé qu'on laisse la place à ces discours.

C'est pourquoi il est essentiel de s'unifier autour de quelque chose de beaucoup plus consensuel et centré, avec des valeurs qui rassemblent finalement sans difficulté les valeurs portées par les partis de gauche comme de droite. Ce n'est pas pour rien que les élections se jouent au centre et que les gouvernements se centralisent de même : ceux de gauche tirent vers la droite, ceux de droite reviennent vers la gauche.

On arrive à une politique qui pourrait satisfaire, mais la façon dont ces opérations sont menées jette le discrédit sur l'ambition politique. C'est avoir une vision plus cohérente et assumée que faciliter l'apparition de personnes défendant ce positionnement-là.