Rumeur : Voici la recette qui marche à tous les coups | Think outside the Box | Scoop.it

Mardi 6 décembre, le spécialiste de la formation professionnelle Demos organisait une conférence sur “L’influence par la rumeur”, animée par Laurent Gaildraud, consultant sur les techniques d’influence et auteur de Orchestrer la rumeur aux Éditions Eyrolles.

 

La puissance de la rumeur est sans limite. Dimanche, un homme armé d’un fusil d’assaut faisait irruption dans une pizzeria de Washington et tirait plusieurs coups de feu, sans faire de blessé. En cause, une rumeur née sur Internet : un réseau pédophile serait abrité par le restaurant et impliquerait un proche d’Hillary Clinton. Ce serait pour en découdre avec les salariés que l’homme aurait décidé d’intervenir. Voici un exemple parmi tant d’autres des proportions que peut prendre une rumeur et de sa force. Des conséquences également palpables à l’échelle de l’entreprise. Pour Laurent Gaildraud, peu importe si elle est vraie ou fausse, l’important est que la rumeur ait pu prendre et qu’elle soit la vérité pour un certain nombre de personnes. “La majorité des rumeurs ne sont pas manipulées au départ, elles sont spontanées, ne sont fondées sur rien hormis sur une anxiété générale”, précise-t-il.

 

Espérance de vie : 3 semaines

Fondée sur des faits ou non, quelle est la recette pour qu’elle prenne ? “La rumeur joue sur quatre émotions de base : le rire, le dégoût, la peur et la colère”, explique le spécialiste. Par exemple, l’affaire des matières fécales dans les tartes au chocolat d’Ikea provoquait le dégoût, ou encore Nike qui suscite la colère lorsqu’on l’accuse de faire travailler des enfants. “Bien sûr il faut choisir le bon moment, une période anxiogène. Prévisible par exemple, comme des élections présidentielles, un changement de Comex dans une entreprise. Ou imprévisibles comme des attentats, un krach boursier. Une rumeur ne prend pas lorsque tout va bien. Plus un individu est anxieux, plus il devient affiliatif”, assure le spécialiste. Ensuite, il propose d’ajouter un soupçon de stéréotype, pour être sûr que la rumeur prenne, mais aussi parce qu’il oblige l’auditeur à un jugement rapide et donc à ne pas chercher l’information. Parmi les exemples récurrents, les hommes politiques qui sont tous des escrocs, les médias qui sont des vendus… et autres idées reçues. Enfin, une rumeur se propagera davantage à des êtres conformistes, en entreprise le middle management. “Les rumeurs ont toujours tendance à se déplacer de bas en haut dans une organisation pyramidale. Elles ne descendent pas du ciel, mais montent depuis la terre”, pointe le spécialiste. Celles-ci doivent par ailleurs impérativement désigner un coupable et provoquer un effet “je le savais !” chez son auditeur. L’originalité n’est pas de mise en la matière puisqu’“une rumeur qui a marché dix fois a toutes les chances de fonctionner une onzième”. Heureusement, leur durée de vie n’est en moyenne que de trois semaines, lorsqu’elles sont bien gérées.

 

 

Ne jamais dire “non, ce n’est pas vrai !”

“Il n’y a pas de règle applicable à toutes les rumeurs pour se défendre. Cependant, pourquoi les démentis ne fonctionnent-ils quasiment jamais ? Parce qu’ils commencent tous par ‘Non, ce n’est pas vrai !’ En agissant ainsi vous allez refuser ses croyances à votre interlocuteur, vous détruisez sa vision sans lui en offrir d’autre. Résultat : il ne vous croit pas”, démontre Laurent Gaildraud. Mieux vaut ridiculiser la révélation pour la réduire à néant, comme l’avait fait François Mitterand au sujet des bruits de couloirs sur son cancer. À la question “êtes-vous malade ?”, il avait rétorqué qu’il lui arrivait parfois d’éternuer. Avant de devenir une information vérifiée, la rumeur a disparu pendant 10 ans, à la suite de cette réponse.
“Porter plainte contre X est un geste d’impuissance, indique le spécialiste. Le risque est d’en prendre pour des années là où cela aurait pu durer trois semaines. Comme par exemple, l’affaire Kerviel qui a duré huit ans et dans laquelle la Société Générale est passée de victime à coupable”. Il est donc impossible de démentir sans propager l’information. Ce fut le cas pour Dominique Baudis, accusé par le tueur en série Patrice Allègre de proxénétisme, de viol, de meurtre et d’actes de barbarie. En intervenant, en sueur, au journal de 20 heures sur TF1, il multipliera l’ampleur de la rumeur par 10.  “Le principal concerné ne doit jamais prendre la parole directement, il est trop impliqué émotionnellement, recommande Laurent Gaildraud. Et le temps de réactivité est cruciale !”

 

https://lh6.googleusercontent.com/-zif4kzWyNNU/AAAAAAAAAAI/AAAAAAAABLs/HWlZexmaC28/photo.jpg

 

Julie Tadduni
Journaliste Web et community manager pour Courrier cadres