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Les lectures de Charlie - Covid-19 : L’autre « étrange défaite »

Un désastre. C’est tout simplement un désastre que vit actuellement la France. Le mot « crise » ne suffit plus à définir la situation présente.
.
Lecture proposée par Coarly Zahonero et écrit par Riss a lire ici : https://charliehebdo.fr/2020/03/actualite/riss-article-coronavirus-france-covid-19-lautre-etrange-defaite-systeme-sante/

 

La France vit des heures de désillusion aussi profonde que celles qu’elle avait connues en mai 1940. La France pensait avoir le meilleur système de santé du monde, comme elle était convaincue d’avoir la meilleure armée du monde en 1940. Et puis, sous nos yeux, tout s’est effondré à une vitesse inimaginable. On se demandait pourquoi la France avait manqué d’avions efficaces, d’armements modernes comme des chars d’assaut, et pourquoi les soldats portaient encore des bandes molletières alors que les soldats allemands avaient des bottes en cuir.

Aujourd’hui, on s’interroge pour comprendre pourquoi il n’y a pas assez de masques, pourquoi il n’y a pas assez de respirateurs artificiels, pourquoi la France est obligée d’importer les produits réactifs pour fabriquer des tests de dépistage. On perd notre temps à discuter de problèmes d’intendance qui n’auraient pas dû exister si le système de santé français était vraiment le meilleur du monde. Mais le système de santé français n’est pas le meilleur du monde. La France n’est plus un grand pays, mais une petite nation mesquine, bouffie d’orgueil et de prétention. Et en face d’un virus microscopique, l’orgueil et la prétention, ça ne sert à rien.

Une injustice insupportable

Il faudra alors se poser la question de savoir pourquoi un tel désastre. On ne peut s’empêcher de se tourner vers la fameuse Étrange Défaite, de Marc Bloch, qui, ayant vécu la défaite de 40 de l’intérieur, se posait la question de savoir pourquoi cela avait été possible. Et cette catastrophe en cours nous amène inévitablement aux mêmes conclusions : incompétence, inorganisation, absence de vision à long terme, improvisation. En résumé : nullité de nos dirigeants, et en particulier de ceux en charge du système de santé français.

Cette génération de hauts responsables de la santé en France est en train d’entrer dans l’Histoire comme les généraux de l’armée française en 40. Une caste de petits chefs, de techniciens imbus de leur position, de leur suffisance, qui, face au coronavirus, avaient une guerre de retard, comme la plupart des généraux de 1940, qui se croyaient encore en 1918.

Ceux qui en payent le prix, ce sont les morts de plus en plus nombreux, mais aussi les médecins et soignants qui se sacrifient en y laissant leur peau, pour rattraper des erreurs dont ils ne sont pas responsables. C’est toujours le troufion de base qui paye de sa vie la nullité de sa hiérarchie.

La France n’est plus un grand pays, mais une petite nation mesquine, bouffie d’orgueil et de prétention

Cette injustice insupportable, il faudra en répondre d’une manière ou d’une autre. Le président de la République a très vite comparé cette épidémie à une guerre. Cela pouvait sembler habile, afin de mobiliser la nation entière contre le terrible ennemi. Mais cette comparaison se retourne déjà contre ceux qui croyaient en tirer parti. Car en face d’un tel désastre, on ne pourra pas se contenter de quelques gerbes de fleurs et d’une distribution de Légions d’honneur. Le besoin de justice est le sentiment qui structure une société. Quand il est bafoué, ce n’est pas seulement le système de santé français qui s’effondre, mais la totalité de l’édifice.

 

Riss · le 27 mars 2020
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Under attack

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Le 3 mai aura lieu la Journée mondiale de la liberté de la presse. Défendre dans un journal le droit des journalistes de faire leur travail n'est pas aussi facile qu'on pourrait le penser. En se mobilisant pour des membres de sa profession, on risque d'être accusé de corporatisme. Il est vrai qu'il n'existe pas de journée mondiale pour défendre les charpentiers qui se tuent en tombant de leur toit, ni de journée mondiale pour aider les marins pêcheurs qui coulent dans la tempête avec leur bateau, ou de journée mondiale pour les planteurs de cacao ruinés par l'effondrement des cours de la cabosse.

 

Mais on imagine mal un journal comme Charlie Hebdo passer devant cette journée en levant le nez en l'air pour faire semblant de ne pas l'avoir vue.

 

En France, un journaliste est actuellement poursuivi en justice pour avoir fait un doigt d'honneur à des policiers pendant une manif. Il n'a pas sa carte de presse, et même s'il a des opinions politiques tranchées, ce qui est son droit, on s'étonne qu'il lui soit interdit de manifester à Paris, comme n'importe quel citoyen. Depuis novembre, les émeutes ont mis les passions à vif, du côté de la police comme du côté des manifestants, mais aussi des journalistes, professionnels ou non. Les esprits s'enflamment comme des allumettes, et la violence, verbale ou physique, est de moins en moins contenue.

Mais qu'est-ce que la violence, quand on fait le métier de journaliste ? Il y a quelques jours avait lieu à Vienne, en Autriche, organisé par l'OSCE1 , un colloque sur le sujet, intitulé « Journalists Under Attack » . « Attaque » est effectivement le mot qui convient.

Inga Sikorskaia, journaliste au Kirghizistan, nous a raconté comment le chauffeur de son taxi avait tenté de la tuer en s'éjectant de son véhicule après l'avoir lancé à pleine vitesse dans le décor.

Matthew Caruana Galizia nous a décrit comment il avait compris, en entendant une détonation énorme, que c'était la voiture où se trouvait sa mère qui venait d'exploser, après que celle-ci n'a eu de cesse de dénoncer une banque maltaise impliquée dans du blanchiment d'argent sale.

Nadezhda Prusenkova nous a expliqué que, malgré l'assassinat de six reporters de son journal depuis 2000, il y avait encore des jeunes qui postulaient pour travailler avec elle au Novaya Gazeta, rendu tristement célèbre quand Anna Politkovskaya fut exécutée dans le hall de son immeuble, à Moscou, en 2006.

Olivera Laki , journaliste au Monténégro, nous a montré comment elle fut touchée aux jambes par les tirs de tueurs, devant son domicile, probablement commandités par la mafia de son pays, sur laquelle elle enquêtait.

Tatyana Felgenhauer a regretté que les assassinats de journalistes chez elle, en Russie, n'aient jamais mobilisé l'opinion publique, comme en France après le 7 janvier 2015. Car selon elle, là-bas, en Russie, la vie d'un journaliste, tout le monde s'en fout. Un journaliste, ce n'est pas important. Un journaliste, ça n'a pas de valeur.

Dans les pays de l'Est, a précisé Inga Sikorskaia, un journaliste sait tout de suite s'il est suivi dans la rue. « On le sent derrière nous, on n'a même pas besoin de se retourner. »

Dans la salle du colloque s'étaient glissés des représentants des gouvernements mis en cause. Ils étaient venus jusqu'à Vienne pour surveiller les journalistes de leur pays. Même plus besoin de les suivre. Ils étaient devant nous, dans la salle, arrogants et menaçants : nous sommes là, nous vous surveillons, semblaient-ils nous dire. Non, la guerre froide n'est pas terminée. Elle a juste échangé ses manteaux de cuir et ses chapeaux en feutre de KGBistes contre des tailleurs imprimés et des chemisiers en soie.

Une représentante du gouvernement serbe prit la parole pour contredire la journaliste serbe qui dénonçait les pressions qu'elle avait subies. Cette officielle nous expliqua que les journalistes avaient aussi des responsabilités, qu'ils devaient faire attention à ce qu'ils écrivaient, et que pour cela, ils devaient être « objectifs ».

Un refrain qu'ici aussi, en France, nous avaient seriné en janvier 2015 les paillassons de la trouille et de la lâcheté. À la différence que ces donneurs de leçons n'étaient pas membres du gouvernement serbe ou kirghize, mais journalistes français.

 

La France. Vous voyez de quel pays je parle ? L'objectivité journalistique, c'est de la merde.

 

C'est ce que je leur ai expliqué, en termes mieux choisis, quand vint mon tour de parler. J'avais vraiment envie de lui casser la gueule, à cette officielle serbe venue surveiller et contredire ses compatriotes journalistes.

En France, la liberté de la presse est née pendant la Révolution, avec des journaux qui ne faisaient pas des enquêtes « objectives », mais qui exprimaient des idées, des valeurs, des opinions. Le premier stade de la liberté de la presse, c'est la liberté d'opinion. J'ai continué en martelant qu'il ne fallait surtout pas faire le journalisme « objectif » que réclamaient les autorités, mais au contraire, d'abord et avant tout, proclamer ses convictions. Et plus encore quand elles sont contraires à celles du pouvoir. Le journalisme « objectif » n'a rien à voir avec les règles de déontologie que doivent effectivement respecter les journalistes dans leur travail.

Le journalisme « objectif » est le cache-sexe de la censure.

 

Tatyana Felgenhauer, qui avait été poignardée dans le cou à Moscou, a conclu son intervention par ces mots d'une humilité intimidante : « Je ne suis pas une victime. Je ne veux pas être traitée comme une victime. Je ne veux pas qu'on ait pitié de moi. Je veux juste pouvoir faire mon travail. »

 

1. OSCE : Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe.

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Le retour des pue-la-sueur

Le retour des pue-la-sueur | Think outside the Box | Scoop.it

Cet article est disponible en format audio – Lu par Coraly Zahonero sociétaire de la Comédie-Française

 

Les sociétés trop sophistiquées sont appelées à disparaître. Émerveillées par les raffinements infinis de la technologie, elles se sont perdues dans un labyrinthe de machines d’une complexi­té inconnue à ce jour dans l’histoire de l’humanité. De l’automobile en passant par le nucléaire, l’électricité, le télé­phone et Internet, jamais l’humain n’a été équipé ­d’autant d’inventions aussi géniales qu’extraordinairement compliquées. Ce haut niveau de technicité flatte l’homme, qui se voit conforté dans sa supériorité sur toutes les autres formes de vie sur terre. Les hippopotames, les musaraignes et les koalas n’ont rien inven­té, et leur mode de vie est identique depuis des siècles. Des ­tocards. Alors que l’homme fabrique en quantité des ­machines fabuleuses qui démontrent qu’il est lui-même fabuleux puisqu’il les invente.

Et voilà qu’on découvre, à l’occasion d’une épidémie d’un autre siècle, ce qui est en réalité indispensable. De la nourriture, et donc des agriculteurs pour la produire, ainsi que des caissières de supermarché pour nous la vendre. De l’hygiène, et donc des éboueurs pour nous éviter d’être envahis par la vermine. De l’eau courante, et donc des employés des services des eaux pour ne pas attraper la gale. Manger, rester propre et ne pas se faire contaminer. Tout le reste devient brusquement secondaire.

Nous découvrons la rusticité. Même si les plus riches dans leur résidence secondaire auront plus de facilités que les plus pauvres entassés dans 30 m2, elle s’impose à 67 millions d’habitants d’un même pays, soudain préoccupés par des problèmes identiques.

L’argent s’est arrogé le droit de donner une valeur à toute chose

Cette rusticité à laquelle nous sommes confrontés depuis un mois a mis sur le devant de la scène des créatures dont on avait fini par négliger l’existence tant elle semblait due à notre confort de vie. Les caissières, les agriculteurs, les éboueurs, les manutentionnaires et une multitude de métiers manuels, physiques qui ne peuvent être accomplis qu’avec de la sueur sous les bras et des chaussettes qui puent à la fin de la journée. Les pue-la-sueur sont de retour. La sueur, depuis longtemps bannie de notre société de ­déodorants et d’after-shave. Et voilà qu’on découvre qu’ils ont nos vies entre les mains, leurs grosses mains calleuses jamais manucurées, pendant qu’on tape dans les nôtres bien propres chaque soir à nos fenêtres pour les remercier de mettre les leurs dans la boue.

Réapprendre la rusticité, celle de la transpiration et des mains écorchées, c’est réapprendre à hiérarchiser la société différemment. Ou plus exactement à ne plus la hiérarchiser. Car le mépris dont les métiers physiques et manuels sont l’objet depuis des décennies résulte d’une classification sociale violente, imposée par la puissance de l’argent. L’argent s’est arrogé le droit de donner une valeur à toute chose, mais cette valeur est bidon, comme le démontre l’effondrement de la Bourse et du PIB. La seule valeur sûre, c’est l’humain et ses mains moites qui travaillent, c’est l’individu et son corps fatigué qui sue. Sans ces organismes vivants et primitifs, aucune société ne tiendrait debout. En affirmant cela, il ne s’agit pas d’aduler d’autres dieux, après ceux de l’argent et du pouvoir, comme le fit l’URSS en ­glorifiant la classe ouvrière d’une manière aussi théâtrale qu’hypo­crite. Car il n’y aura plus rien à vénérer quand nous serons sortis de cette crise. Simplement avoir à l’esprit que tous les organismes vivants sur cette terre, l’humain, l’animal ou le végétal, devront se respecter les uns les autres, s’ils veulent avoir une chance de survivre. Des koalas aux caissières, des hippo­potames aux journalistes, des musaraignes aux ministres de la Santé, tous jouent un rôle vital pour que la totalité ait une chance d’exister. Les pue-la-sueur nous auront non seulement sauvés en nous aidant à manger et à nous laver, mais aussi en nous rappelant cette loi fondamentale. ●

 

Riss · le 15 avril 2020
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VIDÉO DU JOUR. Riss de "Charlie Hebdo" sur France 2 : la peur d'être "achevé". Glaçant

VIDÉO DU JOUR. Riss de "Charlie Hebdo" sur France 2 : la peur d'être "achevé". Glaçant | Think outside the Box | Scoop.it

LE PLUS. Riss, blessé dans les attentats du 7 janvier à "Charlie Hebdo", a fait sa première apparition télévisée le 20 janvier sur France 2. Face à David Pujadas, il a parlé de l'avenir du journal, de ses envies, de ses convictions. C'est notre vidéo du jour.

 

Le 7 janvier, Laurent Sourisseau, alias Riss, a été blessé à l'épaule par les frères Kouachi, lors de l'attentat à "Charlie Hebdo".


Son premier témoignage

 

Fraîchement sorti de l'hôpital, c'est sur le plateau du "20 Heures" de France 2 que le dessinateur (qui succèdera à Charb à la tête du journal) a livré son premier témoignage télévisé.

 

D'abord sur les événements :

 

"Je suis remis, partiellement. Je marche, c'est déjà ça et mon épaule se remet peu à peu. (Le 7 janvier) On discutait de choses et d'autres comme dans n'importe quelle conférence de rédaction et puis soudain on a entendu une détonation qui nous a un peu intrigués. Personnellement, j'ai cru que c'était un objet ménager qui était défectueux. Puis des autres détonations nous ont semblé suspectes. Tout le monde s'est levé. La porte de la salle de rédac' s'est ouverte. J'ai vu un homme armé et cagoulé surgir avec une mitraillette. Je me suis jeté au sol face contre terre. C'est la dernière chose que j'ai vue. 

 

La peur d'être "achevé" à l'hôpital

 

Après, je n'ai plus fait qu'entendre des sons.

 

C'était des coups de feu. Il n'y pas eu de cri, pas eu de hurlement. Ils se sont parlés entre eux. Un revendiquait l'appartenance à une organisation issue du Yémen. J'ai entendu un autre qui disait : 'Il ne faut pas tirer sur les femmes' et un autre, le même, qui vérifiait avec son acolyte que Charb était bien mort. (…) C'était des guerriers, ils se sont comportés comme des guerriers et ils ont commis un acte de guerre. (…)Ils étaient très organisés. (…) Quand on est seul on se dit qu'il y en a qui vont peut-être venir à l'hôpital pour vous achever."

 

"Charlie Hebdo vivra le plus longtemps possible"

 

Attribuant sa survie "au hasard", Riss a ensuite évoqué la suite de "Charlie Hebdo".

 

"C'est vrai que le jour de l'attentat je n'avais plus envie de faire ce métier du tout, je n'avais plus envie de dessiner du tout. (…) Si des gens nous détestent à ce point là ça veut dire que ce métier est vain. Ca a un peu changé, on reprend ses esprits. (…) Il faut transformer cette épreuve en quelque chose de créatif. Ce n'est pas évident. Au journal, certains ont du mal à dépasser cela. On va essayer, en tout cas. (...) Malgré l'hécatombe, il y a toujours une équipe (...) Après, il y a le problème du dessin, qui est capital pour l'identité de 'Charlie'. Et là, on a vu disparaître des poids lourds et ce n'est pas demain la veille qu'on trouvera des gens aussi extraordinaires. Un jour peut-être, mais il y a presque une autre génération de dessinateurs à faire venir. (…) Nous on fera ce qu'on sait faire, on ne sait rien faire d'autre. (…) 'Charlie Hebdo' vivra. Le plus longtemps possible, on essaiera."

 

Quant au slogan "Je suis Charlie", Riss accepte qu'il ne soit pas adopté par tout un chacun.

 

"La question est de le dire pour de bonnes ou de mauvaises raisons. Si c'est pour défendre des terroristes, là j'ai du mal... Après, on est en démocratie. Tout le monde n'est pas obligé d'aimer 'Charlie'."

 

De multiples émotions

 

Pour nous, c'est la vidéo du jour. Parce que c'est la première fois que l'on voyait Riss depuis le drame. Parce que son témoignage est à la fois glaçant (concernant les attentats) et réconfortant (sur la survie du journal).        

 

À vous de réagir

 

Qu'avez-vous pensé de l'intervention de Riss, sur France 2, le 20 janvier ?

 

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