Eric Vidalenc » Les éoliennes, ça commence à bien faire ! ...si on essayait le financement participatif ? | Think outside the Box | Scoop.it

Bataille législative sur la loi de Transition Énergétique au Sénat avec un éloignement à respecter de 1000m pour toute nouvelle éolienne, avis négatif -plus anecdotique certes- rendu sur le parc envisagé dans le Cantal sur le plateau du Coyan… on dirait que les éoliennes, ça commence à bien faire !

Pourtant, on ne peut pas dire qu’on soit à des niveaux faramineux en France : on a installé 8GW, nos voisins allemands 4 fois plus avec moins de potentiel physique (!) et les objectifs du Grenelle à 2020 seront ratés… Aussi, c’est peut dire que le développement de l’éolien ne fait pas consensus. Et cela, alors que c’est actuellement le moyen de production d’électricité renouvelable avec le plus grand potentiel et le plus compétitif !

 

L’éolienne : toujours au mauvais endroit au mauvais moment

Dans le Cantal, à 15km à vol d’oiseau du Puy Mary –classé grand site national-, le projet de parc éolien met les associations vent debout (pour faire un mauvais jeu de mots). Le quotidien local La Montagne reprend les conclusions de l’enquête publique tout juste rendue et peu flatteuse. Au-delà du comportement assez saugrenu des opposants lors des permanences, consignations des remarques, etc… , l’impact paysager apparaît le plus sensible.

L’impact paysager est réel certes, mais le parc se situe à 15 kilomètre du site «à protéger ». Se pose-t-on la question pour les zones industrielles, commerciales et artisanales d’entrées de ville ? En plus, elles consomment des terres agricoles, contribuent à l’étalement urbain et à la consommation d’énergie induite… Et aucun collectif ne s’est monté, que ce soit pour défendre le paysage urbain ou la production agricole locale.

 

Quelle est l’alternative ? Pour quel projet de territoire ?

Au fond, que souhaitent ces opposants pour les territoires ruraux qui ont du mal à vivre, à attirer des activités économiques, voire à simplement les maintenir ? Est-ce qu’ils veulent continuer à acheter du pétrole, du gaz, de l’uranium à des oligarchies et régimes politiques autoritaires ? Que défendent-ils exactement comme modèle ? Un développement économique à bout de souffle et qui a vidé des pans entiers du territoire pour concentrer des populations dans des agglomérations gigantesques ?

Et quel est le projet de territoire qu’ils proposent ? Une « réserves d’indiens » visitée deux mois par an par des parisiens en mal de quiétude ?  Un paysage « sanctuarisé » fait pour les seuls randonneurs ?

Ou bien souhaitent-ils essayer de saisir la chance de la transition énergétique, ce qui concrètement signifie valoriser les potentiels de ressources énergétiques locales ? Et le Cantal, comme la plupart des territoires ruraux en France, dispose de nombreux potentiels : les barrages sont bien connus et déjà largement exploités, l’ensoleillement à plus de 2000h/an est très propice aux installations solaires, les zones à potentiel éolien sont aussi grandes, la biomasse est considérable –que ce soit via les forêts nombreuses ou encore le biogaz issu des effluents d’exploitations agricoles, des déchets- sans oublier la géothermie haute température à Chaudes-Aigues… Bref, tout ce qu’il faut pour être un territoire « 100% énergies renouvelables » exemplaire à moyen terme. Certains s’y essaient même avec des potentiels a priori moins diversifiés, comme Le Mené en Bretagne.

En fait, assez anecdotique à l’échelle française – 9 éoliennes sur les 4000 déjà installées-, ce projet de parc éolien illustre bien une façon de développer les énergies renouvelables qui pourrait expliquer les positions plutôt négatives des locaux. Au moins tout autant que les raisons techniques, la difficulté à faire émerger certains projets en France pourrait résulter de la gouvernance et du portage économique des projets.

 

Et si on essayait les coopératives citoyennes ?

La publication de l’IDDRI qui dresse une analyse des projets d’énergies renouvelables en France et en Allemagne donne des pistes intéressantes.  Sur plus 50GW installés en Allemagne (en France on était à environ 10GW en 2010 avec éolien et solaire), plus de la moitié appartient à des personnes privées ou des agriculteurs ! Et ce ne sont pas seulement des particuliers disposant des moyens d’accueillir et d’investir dans des moyens de productions, les projets sont massivement portés par des coopératives (passées de 75 à 754 fin 2012 !). En France des initiatives en ce sens commencent à prendre de l’ampleur (via notamment le fonds Energie partagée, où des démarches telles que le Livret d’Epargne 3ème révolution industrielle lancé par le Crédit Coopératif en Nord-Pas de Calais…)

Source : IDDRI, Projets citoyens pour la production d’énergie renouvelable : une comparaison France-Allemagne
Working paper n°01/14 janvier 2014 | climat
Noémie Poize (RAEE), Andreas Rüdinger (Iddri)

Peut-être qu’une solution réside donc dans ce portage des projets, où l’essentiel de la valeur ne va pas nourrir une société anonyme abstraite, une multinationale mais plutôt une coopérative ou une Société d’Economie Mixte. Cela peut permettre que la valeur ajoutée créée par le projet ait un réel effet d’entrainement sur le territoire (valeur du bail non captée par les seuls propriétaires fonciers, retombées fiscales pour l’ensemble de la population impactée ou concernée, emplois induits…).

Et les ordres de grandeur ne sont pas tout à fait négligeables. Par exemple, pour un parc de 5 éoliennes de 2 MW, soit un investissement de 13M et un chiffre d’affaire de 1,8M€, les collectivités percevront environ 65 000€/an de taxes locales. Or, les bénéfices issus de la vente de l’électricité produite peuvent représenter 3 à 4 fois ces montants.

Source : Dessin original de Simon Lacalmontie

Si le projet éolien sur le plateau du Coyan dans le Cantal avait été porté par une coopérative d’habitants, la contestation aurait-elle seulement existée ?  Si c’est ainsi que ça se passe en Allemagne, ce n’est peut-être pas tout à fait étranger au déploiement important des énergies renouvelables.

Et si la transition énergétique, qui se traduit concrètement par une décentralisation énergétique,  ne visait qu’à changer les moyens techniques de production (en résumé pour l’électricité en France un peu moins de nucléaire, pour un peu plus de renouvelables) sans rien changer à la répartition de la valeur, au développement des territoires, à la relocalisation… alors effectivement, cette « transition » ne servirait peut-être pas à grand-chose.