Certes, le ministère de l’éducation nationale n’a pas lésiné sur la communication autour de ce drame pour rappeler aux enfants – et c’est ô combien nécessaire- que la liberté d’expression qui intègre le droit au blasphème de manière générale et non pas de manière particulière c’est-à-dire dirigée contre une seule croyance religieuse, est un bien précieux. On peut s’en réjouir mais ce n’est pas pour autant que la liberté d’expression sans qu’elle encourt des risques y compris physiques contre ceux qui l’exercent est respectée dans notre pays. Commençons par les enseignants qui considèrent qu’en réalité rien n’a changé dans la protection qui leur est assurée notamment lorsqu’ils abordent les sujets sensibles que sont la liberté d’expression ou la Shoah. ; Que des parents d’élèves parfois soutenus par des islamistes notoires comme dans l’affaire Paty pourraient continuer à être confrontés à des professeurs auxquels le « pas de vague » continuerait à s’appliquer, même si le ministre de l’éducation nationale revendique le fait de ne plus accepter le « pas de vague ». Continuons avec des affaires symboliques comme celle de Mila et dans une moindre mesure comme celle de lycéens de Nantes, coupables d’avoir mimé une manifestation religieuse dans une vidéo qui devait rester interne et qui font aujourd’hui l’objet de menaces sur les réseaux sociaux. Et dans le même temps, c’est open bar pour les révisionnistes, les négationnistes, les pétainistes qui peuvent déverser un flot de mensonges et d’ignominie sans qu’il ne se passe rien... la liberté d’expression se réduit-elle à cela ?

 
 
 

Cette liberté d’expression est au fondement de la République et de la démocratie. Pour autant, peut-elle être conçue sans aucun lien avec la vérité historique et la réalité ? Poser cette question conduit immédiatement à poser celle de la liberté d’information. Or, le moins qu’on puisse dire est que de multiples coups de canif dans le contrat ont pour le moins été portés au cours des années récentes. Sous prétexte de contrôle des fake news, une forme de contrôle étatique a été mis en place qui exclut tout débat sur des sujets controversés. Il y a une vérité étatique, en réalité gouvernementale, et tout le reste n’est que fake news, complotisme, expression d’esprits malades. Or, les arguments doivent être confrontés aux arguments, les faits aux faits pour permettre un débat démocratique et un choix éclairé. Dans bien des domaines, le gouvernement actuel tourne le dos à cette évidence en tuant le débat dans l’œuf. La prise de pouvoir sur les grandes chaînes d’information liée aux questions financières et à la concentration entre les mains d’amis du pouvoir, de la presse explique pour partie cette technique du bulldozer. Le refus de reconduire la présidente de l’Autorité de la Concurrence coupable de s’être opposée au rapprochement entre M6 et TF1 en est une des multiples illustrations. Ainsi, le débat sur la gestion de la covid et des médicaments possibles - indépendamment de la question des vaccins qui ont montré leur efficacité- a-t-il été écarté. Dans un autre domaine, la propagande grossière et fondée sur des éléments factuels inexacts, en faveur d’une énergie nucléaire qui serait adoptée par toute la planète vise non seulement à satisfaire le lobby nucléaire, très proche du pouvoir, mais encore à éviter le débat sérieux sur la transition climatique qui appelle d’autres solutions purement techniques et purement énergétiques.

 
 
 

Et que dire du silence assourdissant des médias sur cette grande première que constitue la condamnation correctionnelle d’un ministre en exercice dans l’indifférence générale. La lutte contre la délinquance en col blanc n’est visiblement pas une priorité.

 

Ainsi, quel que soit le domaine vers lequel on se tourne, la liberté d’informer et de s’exprimer est mise en cause ce qui réduit d’autant l’espace du débat démocratique et provoque la frustration et la défiance.

 

Corinne Lepage