L’intelligence artificielle entre au Collège de France • Brèves, Yann LeCun, Intelligence Artificielle, Informatique, intelligence • Philosophie magazine | Think outside the Box | Scoop.it

Le Collège de France ouvre ses portes à l’enseignement de l’intelligence artificielle. Le chercheur Yann LeCun a prononcé sa leçon inaugurale le jeudi 4 février 2016. Elle initie un cycle de cours consacré à l'apprentissage profond.

 

Docet omnia. Fidèle à la devise qui figure à son fronton, « il enseigne tout », Le Collège de France a confié sa chaire d’informatique à l’un des pionniers de l’intelligence artificielle. Yann LeCun, directeur du laboratoire d’intelligence artificielle de Facebook (FAIR) et professeur à l’université de New York a prononcé sa leçon inaugurale le 4 février 2016. Il entame un cycle d’enseignement consacré à « l’apprentissage profond, « une révolution en intelligence artificielle ».

De quoi parle-t-on ? « On pourrait dire que l’Intelligence Artificielle (IA) est un ensemble de techniques permettant à des machines d’accomplir des tâches et de résoudre des problèmes normalement réservés aux humains et à certains animaux » précise l’enseignant. Depuis quelques années, et, c’est une nouveauté, l’intelligence des machines est directement liée à leurs capacités d’apprentissage. Or, à ce sujet, Yann LeCun est un novateur.

Il a été l’instigateur dans les années 1990 de « la conspiration de l’apprentissage profond » avec deux collègues (Geoffrey Hinton et Yoshua Bengio), qu’il rebaptisa pour des questions pratiques en méthode de « deep learning », ou d’apprentissage profond. Ces recherches portent sur la création d’un réseau de neurones artificiel. « En lisant un dialogue entre Noam Chomsky et Jean Piaget sur l’apprentissage inné ou acquis du langage, j’ai repéré un argument faisant référence aux réseaux de neurones que je ne connaissais pas, explique Yann LeCun dans un entretien accordé au Monde. Ce champ prometteur était quelque peu abandonné et je m’y suis plongé tout seul ». Une bonne intuition. Car si le succès est tardif – les premières applications techniques datent de 2012 – ce champ de recherche fait aujourd’hui florès. Il a ouvert la voie à la reconnaissance visuelle ou auditive, et à tous les systèmes d’assistants numériques qui facilitent notre quotidien. 

Le réseau neuronal artificiel n’a en réalité rien de matériel. Comme le montre Yann LeCun, ils sont aussi proches du cerveau humain que le sont les avions des oiseaux. Ce sont des fonctions mathématiques, alliées à une compétence technologique et inspirées d’un modèle neuroscientifique. Ces méthodes d’apprentissage automatique sont capables de catégoriser les informations, de la plus simple à la plus complexe, en identifiant plusieurs « couches ». Elles sont dites « profondes » pour cette raison. « Les cerveaux humain et animal sont “profonds”, dans le sens où chaque action est le résultat d’une longue chaîne de communication synaptique (de nombreuses couches de traitement), poursuit le chercheur. Nous recherchons des algorithmes d’apprentissage correspondants à ces “architectures profondes”. Nous pensons que comprendre l’apprentissage profond ne nous servira pas uniquement à construire des machines plus intelligentes, mais nous aidera également à mieux comprendre l’intelligence humaine et ses mécanismes d’apprentissage ». Car l’enjeu prométhéen est bien celui-ci: résoudre le mystère de l’intelligence humaine.

Un pas important a été franchi le 27 janvier dernier, avec la victoire d’une machine sur un joueur de go. La revue scientifique américaine Nature révélait ainsi les progrès majeurs réalisés dans le domaine de l’intelligence artificielle. Les travaux de Yann LeCun n’y sont pas pour rien.

Ni inquiétude ni euphorie, cependant. Car malgré les meilleurs espoirs et la réussite des plus ambitieux projets informatiques, nous demeurons « très loin de ce qu’un cerveau peut faire et nous n’en avons pas la prétention. Les animaux et les humains peuvent apprendre à voir, percevoir, agir et communiquer avec une efficacité qu’une machine ne peut approcher. » Un écart majeur sépare encore la machine de l’humain, l’une n’est capable que d’un apprentissage supervisé, lié à une tâche précise ; l’apanage de l’homme demeure l’apprentissage non-supervisé, soit l’autre nom de la curiosité. Yann LeCun n’en manque pas. Et la sienne est communicative.