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Patrick Klugman – Combien de fois aura-t-on tué Sarah Halimi ?

Patrick Klugman – Combien de fois aura-t-on tué Sarah Halimi ? | Think outside the Box | Scoop.it

TRIBUNE. La décision de la cour d'appel de déclarer l'irresponsabilité de Traoré pourrait constituer une jurisprudence qui porte atteinte au principe de sûreté.

 

L'horreur était à son comble le 4 avril 2017, lorsque le corps de Sarah Halimi, sexagénaire paisible, a été découvert, jetée par la fenêtre après avoir été passée à tabac dans son propre appartement par son voisin devenu son tueur. Le sentiment de malaise qui s'érige de l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris du 19 décembre 2019 est pire encore.

Ce malaise est d'autant plus profond qu'il ne se situe pas du côté de l'antisémitisme où on l'attendait. Pourtant, on a dénoncé ici et là pas tant des errements judiciaires mais des « pressions communautaires » qui se seraient exercées sur la justice ; pressions que celle-ci aurait courageusement repoussées en déclarant l'auteur du crime irresponsable. Ce qui nous occupe a peu à voir avec l'origine de l'auteur ou de la victime. Nul ne peut affirmer, surtout en l'absence de procès, si Sarah Halimi a été tuée parce qu'elle était juive. Ce qui est certain, en revanche, c'est qu'à de maigres exceptions elle n'aura effectivement été pleurée que par des Français juifs s'exprimant en tant que tels. Je n'y vois pas une forme de communautarisme, mais au contraire un motif de désolation supplémentaire pour notre pays tout entier.

Madame Halimi a été sauvagement tuée et son meurtrier ne rendra jamais compte de ses actes devant la justice. Cela, par le fait d'une décision de justice. Cette femme est morte sauvagement et gratuitement. Ainsi en ont décidé trois magistrats indépendants « soutenus » par le ministère public, qui avait requis dans le sens de l'irresponsabilité. Voilà le scandale. Et aucun juriste, aucun professeur de droit, philosophe ou sociologue ne pourra affirmer autre chose.

Un malaise judiciaire, provoqué par la justice, et plus encore par le sentiment d'injustice qui gagne depuis que la cour d'appel de Paris a déclaré le meurtrier de Sarah Halimi, Kobili Traoré, pénalement irresponsable.

C'est presque unique : dans cette affaire, l'auteur a bien été identifié. Il a été interpellé peu après la découverte du corps de la victime. Il ne conteste pas s'être rendu coupable des actes de sauvagerie qui ont entraîné les blessures, puis la mort, puis la défenestration de Sarah Halimi. Il a même regretté ses actes et a demandé pardon à la famille de sa victime.

Alors ?

Le juge d'instruction, comme c'est l'usage, avait ordonné différentes expertises pour déterminer si l'auteur disposait de sa capacité de discernement au moment des faits. Ces mesures sont presque automatiques en matière criminelle : une société démocratique ne juge pas les fous, elle les soigne. Et l'article 122-1 du Code pénal distingue selon que le discernement a été aboli ou altéré, seule l'abolition entraînant l'irresponsabilité.

Traoré n'est pas atteint de troubles psychiques ou psychiatriques et n'a jamais prétendu l'être. C'est un fumeur de cannabis, régulier, qui consommait près de quinze joints par jour.

Cette consommation aurait provoqué, d'après les psychiatres, une « bouffée délirante » qui aurait saisi l'auteur pendant la scène homicide, celui-ci pensant qu'il était « pourchassé par le démon ».

Là où, d'usage, une expertise suffit, il en aura ici fallu sept, qui se sont partiellement contredites. Pourtant, le premier expert nommé, le respecté Daniel Zagury, avait conclu, lui, à une altération du discernement au moment des faits qui rendait l'auteur punissable. Deux collèges successifs ont conclu pour leur part à l'abolition du discernement.

Comment la consommation de drogue, qui est ordinairement dans notre droit une circonstance aggravante (qui augmente la peine encourue), est-elle devenue dans cette affaire une cause d'immunité ?

Madame Halimi est la victime post-mortem de l'abdication des magistrats devant les conclusions et contradictions des psychiatres qui n'ont pourtant décelé aucune pathologie psychiatrique chez Kobili Traoré.

En cas d'altération du discernement, la loi prévoit que le juge reste libre d'écarter la réduction de peine prévue. Certains ont pu en déduire, a contrario, que, dans tout cas où l'abolition du discernement est objectivée par un expert psychiatre, alors le juge doit automatiquement constater l'irresponsabilité pénale. Dans le silence de la loi, cela n'a aucun sens et c'est pourtant ce qui vient d'être jugé.

Il arrive qu'une décision de justice heurte le sens commun. Celle-ci tord la raison du juriste et l'estomac du lecteur attentif à la chose judiciaire. Acceptera-t-on, demain, que soit irresponsable l'homme qui frappe ou tue sa femme sous l'emprise d'un état alcoolique comme ce fut le cas, par exemple pour Marc Cécillon ?

Les crimes commis du fait de l'état d'ivresse ou de la toxicomanie sont légion. Ils sont heureusement réprimés et réprimables, et parfois plus sévèrement que s'ils sont commis sans consommation d'alcool ou de drogue.

Par exemple, en cas d'homicide involontaire par accident de la route, le Code pénal (article 221-6-1) dispose que peu importe l'effet hallucinogène au moment de l'accident ou de l'interpellation, le simple fait d'avoir conduit sous l'emprise de drogues et causé un accident expose l'auteur à une sanction alourdie du fait de l'usage de stupéfiants. Il en va de même en matière criminelle lorsque l'auteur d'un viol a agi en état d'ivresse ou sous l'emprise de produits stupéfiants (article 222-23). La raison est simple : le sujet se drogue consciemment et volontairement et c'est ce comportement infractionnel qui va générer sa responsabilité pour la commission d'infractions importantes ! Il ne s'agit que de l'application de l'adage bien connu « Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ».

Si l'on se réfère aux principes fondateurs de notre démocratie résumés dans le contrat social, Traoré, en se droguant, assumait nécessairement de répondre des actes qu'il commettrait drogué même s'il n'en avait pas la pleine conscience.

La jurisprudence Halimi, consacrant l'irresponsabilité conférée à une personne droguée, porte profondément atteinte au principe de sûreté, c'est la raison pour laquelle cette décision devra être réformée par la Cour de cassation, juge suprême du droit.

Ainsi, ce n'est pas de l'antisémitisme qu'il est question dans cette tragédie, mais de la justice, ou plutôt de l'injustice à laquelle il convient de mettre un terme. Sinon, Sarah Halimi sera morte une seconde fois et, cette fois, de la main de ses juges.

 

Par Patrick Klugman*

Publié le 24/12/2019


(*) Patrick Klugman est avocat à la cour et adjoint à la Maire de Paris

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Une détenue obtient l'application du droit du travail en prison

Une détenue obtient l'application du droit du travail en prison | Think outside the Box | Scoop.it
Une détenue qui demandait à bénéficier des règles du droit du travail pour un emploi exercé en prison a obtenu gain de cause.

 

Une détenue qui demandait à bénéficier des règles du droit du travail pour un emploi exercé en prison a obtenu vendredi gain de cause devant le conseil des prud'hommes de Paris.

Marilyn Moureau, 36 ans, détenue ayant travaillé pour la plate-forme téléphonique MKT Societal, demandait notamment que soit reconnue comme licenciement la fin de sa collaboration avec l'entreprise.

Elle obtient à ce titre différentes indemnités devant le Conseil des prud'hommes de Paris et la société est déclarée "employeur dans des conditions particulières", une première pour le travail en prison, selon les avocats de la requérante.

Pas de contrat de travail

Normalement, il n'existe pas de lien juridique entre l'entreprise et le détenu qui est uniquement dépendant de l'administration pénitentiaire. Il n'existe pas non plus de contrat de travail mais un "acte d'engagement" entre le détenu et la prison qui fixe le cadre de sa mission. Ce faisant, les règles du droit au travail ne s'appliquent pas (SMIC, congés payés, assurance chômage, indemnité en cas d'arrêt maladie ou accident du travail).

Or Marilyn Moreau a obtenu des prud'hommes le paiement d'un préavis de licenciement (521,10 euros), des congés payés afférents (52,10 euros), ainsi que des indemnités pour "inobservation de la procédure de licenciement" (521,03 euros). Elle obtient également plus de 3.000 euros de dommages et intérêts, 2.358 euros de rappel de salaire et les congés payés correspondant.

Pas de licenciement

Cette détenue avait été employée comme téléopératrice par MKT Societal entre l'été 2010 et avril 2011 alors qu'elle était en détention provisoire à la maison d'arrêt de Versailles. Elle avait ensuite été "déclassée" pour avoir passé des appels personnels pendant son temps de travail. Il n'existe pas de licenciement en prison, mais des "classements" ou "déclassements" au travail.

"C'est un grand jour pour tous les détenus en France et j'appelle les pouvoirs publics à s'emparer très rapidement de cette question du travail en prison", a réagi Me Fabien Arakélian, l'un de ses avocats à l'issue du prononcé de la décision.

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