Dans un monde qui vit une révolution digne de celle de Gutenberg et dans un pays qui suffoque chaque jour un peu plus sous le poids des conservatismes, il faudrait forcément être d’une catégorie, d’un parti ou d’un clan pour être légitime. Ce décalage historique et cette hémiplégie intellectuelle et politique voudraient nous ramener à une France qui n’existe plus et à des catégories qui ont démontré leur incapacité à agir efficacement. Pour transformer la France, il faut d’abord transformer notre façon de penser.
En France, il faut être de gauche ou de droite, socialiste ou libéral, patriote ou mondialiste. C’est ainsi, il n’y a pas d’échappatoire. En tout cas, c’est le choix auquel il faudrait se soumettre à chaque fois que l’on ose un avis, un projet, ou pire, que l’on nourrit une ambition pour ce pays.
Il y a derrière ce réflexe conditionné la marque d’un modèle organisé pour se reproduire sans cesse et chasser ainsi les gêneurs qui voudraient le renouveler. Il y a également au creux de cette taxinomie filandreuse la marque d’une division profonde de la communauté nationale, qui année après année, mois après mois, n’en finit plus de se disloquer, se diviser pour se retrouver dans les chapelles dont on ne sort plus que pour empêcher les autres d’entrer.
Pire encore, c’est au nom de postures idéologiques sur lesquelles se sont fondés 40 ans de désastres économiques et sociaux, qu’il faudrait continuer à se positionner. De quoi la droite et la gauche sont elles les glorieuses solutions pour qu’on les vénère au point de vouloir finir nos vies, enfermés dans leurs certitudes et finalement leurs éclatantes faillites.
Par ailleurs, que reste-t-il de la gauche et de la droite quand la première a abandonné la classe ouvrière pendant que la seconde abandonnait la nation ? Que reste-t-il de la gauche et la droite quand il ne reste de leurs convictions que celle de suivre le dernier sondage publié ? Que reste-t-il de la gauche et la droite quand l’alternance ressemble au scenario d’ « Un jour sans fin », où les mêmes causes produisent invariablement les mêmes politiques qui conduisent aux même désastreux effets. Que reste-t-il de la gauche et de la droite quand les deux se soumettent aux lobbies en oubliant systématiquement de servir le seul qui les élit et au nom duquel ils devraient gouverner, le peuple.
La vérité c’est que la gauche et la droite se sont fondues dans une seule et unique caste pour protéger leurs précieux acquis, gagnés à la force du réseau, de la naissance ou de la reproduction endogamique d’une élite qui n’en a plus que le nom.
Loin de la gauche et de la droite, voilà le nouveau clivage qui divise finalement la France et nous entraine vers les rivages de la violence sociale :
– d’un côté « les Protégés », du chômage, de la pauvreté et des crises, ceux pour qui il existe toujours une fonction, un mandat, un siège d’administrateur, une fondation, un observatoire, une mission, ceux qui ne risquent jamais rien, à commencer par l’argent qu’ils gagnent pour se contenter de vivre grassement de l’argent des contribuables et quand il ne suffit plus, de celui de notre colossale dette publique ;
– De l’autre, « Les Exposés » au chômage, à la pauvreté, à la précarité, à toutes les crises surtout quand elles se jouent dans les hautes sphères d’une vertigineuse finance que plus personne ne comprend, les ouvriers, les petits commerçants, les artisans, les entrepreneurs, ceux qui loin de rester le cul vissé à un siège, gagnent quotidiennement le salaire que seul le travail leur mérite, ceux qui loin des tours de passe-passe algorithmiques de la bourse ont investi dans leur four à pain, la rénovation de leurs chambres d’hôtels, leur camion de livraison, la terrasse de leur café, leur modeste T2 en ville « pour qu’un jour les enfants puissent y faire des études », ceux qui cumulent trois emplois de 15 heures pour boucler leur fin de mois en serrant les dents, bref ceux qui se donnent du mal et ceux qui ont mal, c’est à dire tous ceux qui s’exposent en permanence pendant que d’autres se protègent de tout, du risque, de la crise et même parfois des lois.
Alors être de gauche ou de droite, pourquoi faire ? La France a-t-elle encore besoin de cette grille de lecture-là si ce n’est pour lire l’acte de décès d’une République qui n’assume plus sa laïcité, qui n’est plus sociale et qui d’Ajaccio à Calais, semble de moins en moins indivisible.
Le fait est que c’est bien de l’inverse dont la France a un besoin urgent, d’écoute, d’empathie, d’ouverture et surtout, surtout, de renouvellement, aussi bien des hommes que des cases dans lesquelles ils finissent par croupir.
Il y a des moments où il est facile de se rassembler sur un ennemi commun et d’autres où il faut savoir se rassembler sur une espérance commune. Cette espérance d’un avenir meilleur se nourrit de ce qui comble bon nombre de fossés idéologiques, de divisions partisanes ou de divergences politiques, et qui se niche au creux des bonnes volontés.
Transgresser les clivages pour réfléchir ensemble, agir ensemble, imaginer ensemble un avenir pour la France et finalement gouverner ensemble, c’est que nous avons voulu en fondant La Transition (www.la-transition.fr), parce que nous savons qu’en des temps exceptionnels, ce qui nous réunit est plus important, plus profond et finalement plus puissant que ce qui nous divise.
La France est à ce croisement de son Histoire où elle doit transcender ses vieux clivages pour poser les bases d’un nouveau partage et d’un nouveau contrat social et républicain sans quoi, elle continuera de glisser vers la division et la communautarisation qui mènent à l’explosion.
Tout ce qui est concevable est réalisable. Il reste au peuple français de concevoir ce qu’il peut réaliser.