"Un espoir est né, il reste à le concrétiser" | Think outside the Box | Scoop.it

La lettre d'Olivier Mazerolle

 

"Un espoir est né, il reste à le concrétiser" LETTRE DE CAMPAGNE - Il était étrange d’entendre hier soir les uns et les autres évaluer déjà l’état des forces politiques qui s’exprimeront dans un peu plus d’un mois à l’occasion des législatives. Comme si à peine enregistrée la victoire d’Emmanuel Macron devait être classée au rayon des banalités qui émaillent de manière répétée la vie politique française. Pourtant, il s’est produit hier soir quelque chose d’énorme. La France a osé se doter d’un président de moins de 40 ans, encore inconnu du grand public il y a un an, à qui personne ne croyait sauf lui et quelques pionniers. Du chaos politique engendré par cette présidentielle, émerge un désir de renouveau, un désir de montrer que la France est vivante, qu’elle a envie d’entreprendre et d’espérer. "J’adresse au monde le salut de la France éternelle", a dit Emmanuel Macron dans un discours qui avait enfin une allure présidentielle.

Il a beaucoup parlé du message de la France hier soir, de ses valeurs, de sa réputation, celle des Lumières, comme s’il avait voulu rendre les Français fiers de leur pays et de son rôle dans le monde. Et ceci ne compterait pas ! Les calculs politiques reprendraient immédiatement leurs droits ! Il serait interdit de permettre aux Français de comprendre l’événement, de l'intégrer, de le comprendre, de reprendre leur souffle avant de s’engager dans la nouvelle bataille !

Allons ! Après quelques jours, ils pourront enfin juger sur pièces. Soit Emmanuel Macron aura trouvé les gestes et les mots nécessaires pour montrer qu’il est prêt à entreprendre, qu’il est à la tâche et, malgré l’incroyable pari que cela représente - encore un ! - il pourra espérer obtenir une majorité à l’Assemblée. Ou bien ses premiers jours seront décevants et son quinquennat clopinera, à peine engagé.

En revenir à la lettre de la Constitution

C'est un fait, la France n'est pas tombée en amour devant le beau jeune homme au sourire tantôt charmeur, tantôt carnassier. Entre les deux tours, près d’un Français sur deux déclaraient ne pas l'aimer. Trop de certitudes, trop d'arrogance, de la désinvolture parfois dans des discours ponctués de déclarations d’amour trop manifestement destinées à obtenir en retour d’identiques manifestations à son endroit. Emmanuel Macron a obtenu les voix de plus de 20 millions d’électeurs, ce qui n’est pas rien, mais nombreux sont ceux qui n’ont pas voté pour lui, ou alors, souvent, par défaut.

Les Français, peuple pétri de contradictions s'il en est, exigent d’un président qu’il se montre proche d’eux, simple, mais sans familiarité excessive, qu’il hausse le niveau de la réflexion, qu’il donne à être admiré afin d’en être fiers. Emmanuel Macron a expliqué ne vouloir agir ni en "président normal", ni en "président hyper interventionniste". Il souhaite en revenir à la lettre de la Constitution qui place le président au-dessus de la mêlée, chargé de donner les grandes orientations et de s'investir tout particulièrement sur les grands dossiers qu’il juge prioritaires.

Emmanuel Macron se déclare décidé à mettre en œuvre les réformes nécessaires, à faire preuve de l’esprit de décision dont a manqué François Hollande tout en ne perdant pas le contact avec l’opinion. De sa capacité à réussir cette alchimie complexe résultera sa réussite ou son échec.

Emmanuel Macron dispose de plusieurs atouts. Son arrivée vise à diffuser de l’optimisme dans un pays rongé par la neurasthénie. Il demande à être conforté par des réalisations tangibles, mais l’envie d’y croire peut servir de point d’appui. Ensuite, Emmanuel Macron ne prend pas un pouvoir lesté par des engagements irréalisables. Il a refusé de recourir à la démagogie, et c’est tout à son honneur, lorsqu'il se trouvait en situation difficile comme ce fut le cas devant les salariés de Whirlpool. Personne ne pourra se sentir floué par des promesses non tenues. Il n'en a pas faites.

La percée du FN favorable à Macron

Enfin, paradoxalement, la percée du FN devrait lui faciliter la tâche. Tout le monde en France et en Europe a compris que cette présidentielle constituait la dernière étape avant l’arrivée au pouvoir d’un parti extrémiste si les résultats ne suivaient pas et si rien ne changeait dans le fonctionnement de l’Europe. Seule la réussite peut faire reculer le FN que Marine Le Pen, malgré son revers dans la dernière ligne droite, a hissé à un niveau inégalé. Cette présidentielle aura enfin fait comprendre que ce sont les échecs qui nourrissent la rancœur et la haine, et non pas l’inverse.

Dans l'immédiat, Emmanuel Macron doit désigner ses 577 candidats aux législatives puis nommer un premier ministre expérimenté. Son rôle s’annonce d’autant plus crucial qu’il sera constamment sur la brèche pour convaincre les Français que la bataille pour l’emploi est engagée avec constance. Le président de la République va aussi engager des discussions soutenues avec les partenaires européens de la France. Il sera jugé sur sa capacité à obtenir les réformes exigées par les Français dans le fonctionnement de l’Union européenne.

La soirée d'hier a été marquée par ces ambivalences. D'un côté, un succès incroyable, de l’autre beaucoup d’interrogations. Le nouveau président de la République tient son sort entre ses mains. D'ici aux 11 et 18 juin, dates des législatives, il lui appartient de trouver le comportement et les mots susceptibles de perpétuer l’élan, de démontrer qu’il est l’homme de la situation, qu’il est capable de donner vie à l’espoir entrevu hier soir que le pays n’est plus contraint de vivre dans la neurasthénie perpétuelle.