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Nucléaire français : la fuite en avant ou l'effondrement 

Nucléaire français : la fuite en avant ou l'effondrement  | Think outside the Box | Scoop.it

Ce texte est écrit à partir d’un document gardé secret tant le contenu dérange mais que l’ACRO, qui se bat pour qu’il soit rendu public, a pu consulter dans l’objectif de faire progresser la transparence.

 

La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) publiée au Journal Officiel du 18 août 2015, vise à préparer l’après pétrole et à instaurer un modèle énergétique robuste et durable. En ce qui concerne le nucléaire, elle s’est fixé comme objectif de réduire sa part dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025. La part du nucléaire étant de l’ordre de 75% actuellement, c’est donc environ un tiers du parc qui doit être arrêté pour atteindre cet objectif, soit environ 19 réacteurs sur 58. A priori les plus anciens.

 

Or, le combustible MOx, qui permet de recycler le plutonium extrait à l’usine de retraitement d’Orano à La Hague, est utilisé dans les réacteurs les plus anciens du parc. Leur arrêt à l’horizon 2025 aura donc un impact énorme sur l’activité de cette usine et de celle de Melox qui fabrique le combustible. Cela mérite que l’on s’y attarde, surtout quand un débat national sur le plan de gestion des matières et déchets radioactifs est en préparation.

 

Dès 1997, le directeur de la sûreté des installations nucléaires a indiqué à EDF qu’il souhaitait disposer d’une approche globale de la sûreté du combustible nucléaire. Depuis, EDF a transmis plusieurs dossiers, tous secrets. La dernière mise à jour était demandée pour le 30 juin 2016 par l’ASN qui précisait également les scénarios devant être étudiés afin de tenir compte de l’objectif fixé par la loi pour la transition écologique et pour la croissance verte. EDF a rendu sa copie le 29 juin 2016, dans un dossier intitulé « Impact cycle 2016 » qui n’est pas plus public que ses prédécesseurs. L’ASN a aussi demandé une expertise sur ce dossier à l’IRSN. Le rapport n’est pas public, mais l’ACRO a pu l’examiner.

 

Selon l’IRSN, le scénario qui conduit donc à l’arrêt de 19 tranches de puissance unitaire 900 MWe et à une production électrique d’origine nucléaire abaissée de 420 TWh à 305 TWh en 2025, conduit à la saturation des piscines de la Hague et des réacteurs nucléaires en moins de 5 ans après la première fermeture. Tout le parc nucléaire devra donc s’arrêter pour cause d’occlusion intestinale après la mise à l’arrêt de moins de 9 tanches utilisant du MOX ! Les résultats de la simulation de l’IRSN confirment la conclusion d’EDF.

 

EDF a un projet de piscine centralisée bunkérisée pour augmenter ses capacités d’entreposage des combustibles usés. Le rapport IRSN mentionne une ouverture en 2030. Ainsi, toujours selon l’IRSN, le report à 2035 de la limitation à 50 % de la production d’électricité d’origine nucléaire, décale de 10 ans les dates de saturation des piscines, ce qui est compatible avec le calendrier prévisionnel de mise en service de la piscine d’entreposage centralisé, prévue à l’horizon 2030. Et, comme par hasard, le premier ministre a profité de la vacance au ministère de la transition écologique pour annoncer le report de 10 ans de la limitation à 50 % de la production d’électricité d’origine nucléaire…

Rien ne dit qu’EDF terminera sa piscine en 2030. Et, en attendant on ne pourrait pas arrêter le retraitement et le MOx. Pour M. Jean-Bernard Lévy, président-directeur général d’EDF, « si je devais utiliser une image pour décrire notre situation, ce serait celle d’un cycliste qui, pour ne pas tomber, ne doit pas s’arrêter de pédaler. » Il tentait de justifier la construction de nouveaux EPR lors de son audition, le 7 juin 2018, par la commission d’enquête parlementaire sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires. Cela s’applique aussi aux usines de retraitement de la Hague et Melox qui doivent pédaler sans relâche pour éviter l’arrêt complet du parc nucléaire.

 

Le retraitement consiste à séparer l’uranium, le plutonium des combustibles usés qui sortent des réacteurs. L’uranium, qui représente encore 95% de la masse des combustibles usés, est officiellement recyclable, mais n’est pas recyclé. Comme il ne nécessite pas de stockage en piscine, il est envoyé à Pierrelatte dans la Drôme. Les éléments les plus radioactifs sont concentrés, vitrifiés et entreposés à La Hague en attendant un stockage définitif. Reste le plutonium, moins de 1% de ce qui sort des réacteurs, qui ne peut pas être accumulé pour des raisons de prolifération. Il sert à faire du combustible MOx qui est utilisé dans 22 réacteurs (ceux du palier CPY à Dampierre, Gravelines, Le Blayais, Tricastin, Chinon et Saint Laurent). Le MOx n’est pas retraité ensuite.

 

C’est ce petit pourcent qui peut bloquer toute la machine. Toute l’industrie nucléaire est donc dans une situation très fragile, car on peut imaginer des aléas qui entraîneraient un arrêt prolongé d’une des mailles de cette chaîne du plutonium. Et le maillon faible, ce sont les évaporateurs de l’usine de retraitement de La Hague qui assurent la concentration des produits de fission. Ces équipements, conçus pour une durée de fonctionnement de trente ans, se corrodent plus rapidement que prévu lors de leur conception. Selon l’ASN, cette corrosion est de nature à remettre en cause à moyen terme la sûreté de l’installation. En effet, la tenue de ces équipements à la pression de leurs circuits de chauffe ou au séisme pourrait être remise en cause dans les prochaines années et potentiellement dès 2018 pour l’évaporateur le plus dégradé. Des fuites sont déjà apparues.

 

En cas d’arrêt des évaporateurs de l’un des ateliers, l’usine correspondante devrait également être arrêtée. Ainsi, le dossier d’EDF postule un aléa d’exploitation de 6 mois d’arrêt survenant uniquement sur l’une des deux usines de La Hague. Dans ce cas, l’autre usine seule devrait assurer le traitement des combustibles usés. Mais l’IRSN considère qu’un aléa peut survenir sur les deux usines simultanément et qu’un évènement sur un équipement dont le caractère générique nécessiterait l’arrêt d’équipements similaires, ne peut pas être écarté. La situation correspondant à l’arrêt temporaire des deux usines, même pour quelques mois, n’est cependant pas étudiée par Orano Cycle. En tout état de cause, une diminution des capacités de traitement de ces usines pourrait conduire à terme à la saturation des entreposages des combustibles usés.

 

Ainsi, au regard de la situation actuelle des évaporateurs, l’IRSN relève que l’aléa forfaitaire de six mois retenu ne peut pas être considéré comme enveloppe. Un arrêt des deux usines pour une durée supérieure aux six mois pourrait conduire à une saturation des piscines d’entreposage. L’IRSN demande donc à Orano cycle et EDF de revoir leur copie sur ce sujet et de préciser la durée d’indisponibilité qui conduirait à la saturation des piscines. La réponse est facile à estimer puisque la place disponible à La Hague ne serait plus que de 7,4% : la saturation interviendrait au bout d’une année environ.

 

L’industrie nucléaire française a donc mis en place un système que l’on ne peut pas stopper sur décision politique, sans risque d’un effet falaise qui arrêterait tout le parc en peu de temps. Mais ce système est extrêmement fragile et le piège pourrait se refermer sur ces concepteurs, à la suite de pannes. Pourtant, François de Rugy, alors président de l’Assemblée nationale, a affirmé : « Ce n’est plus EDF qui fait la politique de l’énergie en France » (AFP, 12/07/2018). Vraiment ?

 

L’utilisation de MOx dans les réacteurs les plus récents de 1 300 MWe en remplacement des réacteurs les plus anciens n’est pas simple à mettre en œuvre. Cela demande des études complètes sur le fonctionnement des cœurs des réacteurs et des travaux conséquents à instruire et valider. Il faudrait aussi revoir la fabrication des combustibles et leur transport car ils n’ont pas la même longueur dans les réacteurs anciens et les plus récents.

Reste donc l’option d’arrêter les réacteurs les plus récents en premier pour pouvoir continuer à utiliser le combustible MOx ! En effet, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte ne stipule pas les réacteurs qui doivent être fermés avant 2025. Ou encore d’arrêter des réacteurs anciens et récents pour satisfaire à la loi sans entraîner l’arrêt complet du parc en 5 ans par effet falaise. L’IRSN montre que c’est possible avec l’arrêt d’autant de réacteurs anciens de 900 MWe que de réacteurs récents de 1 300 MWe. Avec une telle option, les activités des usines de retraitement de fabrication de MOx seraient réduites de moitié.

 

Quoi qu’il en soit, EDF devrait aussi augmenter rapidement ses capacités d’entreposage de combustibles usés.

 

Tous ces éléments auraient dû être rendus publics en amont du débat national qui a eu lieu sur la Programmation Pluriannuelle de l’Energie. Ils doivent l’être avant le nouveau débat sur le Plan de Gestion des Matières et Déchets Radioactifs.

 

ACRO

Association pour le Contrôle de la Radioactivité dans l'Ouest

 

 

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Les trois "embrouilles" des défenseurs de la centrale de Fessenheim

Les trois "embrouilles" des défenseurs de la centrale de Fessenheim | Think outside the Box | Scoop.it
KRUKOF2

 

 

La communication qui a été faite de l'accord qui aurait été donné par le conseil d'administration d'EDF à la fermeture de Fessenheim ne correspond en rien à la réalité.

 

Tout d'abord, Fessenheim ne fermera pas au cours du quinquennat de François Hollande. Ce n'est pas un scoop car, dès 2013, après que Delphine Batho ait soutenu devant le conseil d'État la thèse de EDF et ainsi obtenu un arrêt du conseil d'État jugeant qu'il n'y avait aucun risque à Fessenheim, la messe était dite. Elle l'était définitivement après que le gouvernement ait refusé de se donner les moyens d'appliquer sa politique énergétique et de décider de la fermeture des centrales nucléaires qu'il jugeait utile pour atteindre l'objectif qu'il se fixait. Aujourd'hui, le dernier espoir que devait avoir le président Hollande de pouvoir se prévaloir d'un projet de fermeture disparaît, le conseil d'administration d'EDF ayant remis à un conseil d'administration ultérieur, la décision de déposer une demande de fermeture en bonne et due forme. En effet, le prétendu avis favorable n' en est pas un puisqu'il est assorti de conditions dont la réalisation est renvoyée à après l'élection présidentielle.

 

En second lieu, aucun accord n'a été donné par le conseil d'administration contrairement à ce qui a été publiquement indiqué. En effet, au terme d'un marchandage aussi scandaleux sur le plan politique sur le plan de la sécurité, le conseil d'administration d'EDF subordonne le dépôt d'une demande de fermeture à la délivrance de 2 autorisations qui ne devraient pas l'être. La première concerne Paluel. Cette centrale a été victime d'un accident très grave puisque un générateur de vapeur dont la chute était selon EDF impossible, est effectivement tombé sur le réacteur. La centrale ayant été arrêtée depuis mai 2015, si elle n'a pas redémarré en mai 2017, son redémarrage nécessite une nouvelle autorisation. Celle-ci devrait faire l'objet d'une procédure complète ce que veut absolument éviter EDF puisqu' elle nécessite une étude d'impact et une enquête publique. EDF veut donc une autorisation de redémarrage avant cette date. Et EDF surtout veut faire l'économie de toute procédure publique ce qui apparaît comme totalement illégal compte tenu de la gravité de l'accident qui est survenu. La même pression est exercée sur Flamanville dont l'autorisation vient à expiration en avril 2017. Une nouvelle autorisation est donc nécessaire et devrait être soumise, sauf dérogation, à une procédure complète ce que là aussi EDF veut éviter. C'est la raison pour laquelle le conseil d'administration a subordonné le dépôt d'une demande de fermeture de Fessenheim à une double violation de la loi au bénéfice de Paluel et Flamanville.

 

Enfin, la question de l'indemnisation mérite d'être posée. En effet, il se pourrait bien que nous soyons en face d'une situation qui celle de l'arroseur arrosé. En effet, pour pouvoir prolonger ad aeternum ses centrales, EDF avance toujours l'argument selon lequel la loi française ne prévoit aucune durée pour la vie des centrales nucléaires. C'est exact et pose problème dans la mesure où les décisions données par l'ASN tous les 10 ans ne sont pas analysés par le conseil d'État comme des autorisations de prolongation de la durée de vie mais comme de simples avis. Mais, si les autorisations ne sont pas fixées dans le temps, alors EDF ne peut prétendre à aucun droit à indemnisation pour quelle que durée que ce soit puisque précisément il n'existe pas de délai.

 

On ne peut pas en même temps prétendre que les décisions de l'ASN qui interviennent tous les 10 ans ne prolongent pas la durée de vie pour 10 ans et en même temps prétendre qu'elles donnent un droit à fonctionner pendant 10 ans. Autrement dit, sur un plan strictement juridique, le droit à indemnisation d'EDF est éminemment contestable.

Cerise sur le gâteau, Ségolène Royal a prétendu le 25 janvier au micro de Jean-Jacques Bourdin que de toutes façons EDF ne pourrait plus prélever de l'eau pour faire fonctionner la centrale car les normes avaient changé. C'est vraiment un comble . En effet, l'ASN a délivré en 2016 à EDF des autorisations de rejet et de prélèvements d'eau totalement dérogatoires à toutes les normes, c'est-à-dire en réalité parfaitement illégales tant au niveau du droit français que du droit communautaire. Dès lors, oser prétendre que la loi sur l'eau serait appliquée à EDF et à Fessenheim relève vraiment de la « réalité alternative » mise à la mode par Donald Trump.

 

Quelles leçons tirer de cette situation?

  • La première évidemment est simple: l'État est dans l'incapacité d'imposer son choix en matière de politique énergétique. C'est EDF qui décide de tout alors que l'État est actionnaire à hauteur de 85 % et que c'est lui qui fixe les règles du jeu. Cela signifie que la loi sur la transition énergétique, en ce qui concerne la baisse de la part du nucléaire dans le mix énergétique relève du marchand de sable, de la poudre aux yeux et de la communication qui ne cherche même pas être convaincante. Si l'État est incapable d'imposer la fermeture d'une centrale vieillissante et critiqué dans toute l'Europe comme dangereuse, comment pourrait-il imposer un changement de politique énergétique.

  • La seconde est tout aussi évidente: EDF est prête à tout pour obtenir le feu vert sur Flamanville. La pression qu'est exercée sur l'Etat à travers la non décision du conseil d'administration est exercée de manière encore plus forte sur le président de l'autorité de sûreté nucléaire. La presse regorge d'articles sur le dénigrement systématique exercé sur cette autorité par le lobby nucléaire, de manière à obtenir contre vents et marées une autorisation pour Flamanville qui ne devrait jamais être donnée.

  • Plus que jamais, contrairement à la Une du journal l'Express, le nucléaire ne doit pas être sauvé parce qu'il ne peut pas l'être sans entraîner notre pays dans une spirale infernale. Le jour où le scénario Negawatt confirme le rapport de l'Ademe sur la faisabilité d'un scénario renouvelable à 100% en 2050, ou l'Ademe elle-même confirme la rentabilité la compétitivité des énergies renouvelables, il est plus que temps de gérer sur la durée le parc nucléaire tel qu'il existe aujourd'hui en fermant progressivement les centrales les plus exposées au risque. Nous avons le temps de permettre au personnel d'EDF de se former aux techniques du démantèlement pour ceux qui voudraient rester dans la filière nucléaire, aux techniques de la maintenance pour la mise à l'arrêt des réacteurs pour ceux qui souhaiteront rester dans les centrales existantes, aux techniques du renouvelable tous ceux qui voudraient accéder aux nouvelles technologies. Nous avons le temps de programmer une reconversion au voisinage des sites concernés pour permettre le maintien d'une activité locale. Mais, plus nous attendrons, plus EDF sera confronté à la falaise financière dont le président de l'ASN a dit récemment qu'elle posait désormais problème en terme de sécurité. Plus nous attendrons, plus les énergies renouvelables et les techniques de sobriété et d'efficacité énergétique se développeront, seront compétitifs et seront entre les mains de sociétés étrangères. Plus nous attendrons, plus la révolution énergétique avancera et moins nous serons à même d'assurer notre autonomie énergétique, le développement de nos propres marchés et notre compétitivité économique puisque l'énergie française deviendra une des plus chère du monde. Il est plus que temps d'agir en regardant l'avenir et non le passé.

 

 

Corinne Lepage

 

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Comment expliquer qu'en 2017, EDF ne soit toujours pas capable de justifier les coupures d'électricité?

Comment expliquer qu'en 2017, EDF ne soit toujours pas capable de justifier les coupures d'électricité? | Think outside the Box | Scoop.it

Depuis quelques heures, EDF a communiqué abondamment sur les risques de pénurie d'électricité en raison du froid et des pointes de consommation que celui-ci risquait de générer.

 

Depuis quelques heures, EDF a communiqué abondamment sur les risques de pénurie d'électricité en raison du froid et des pointes de consommation que celui-ci risquait de générer. Comment expliquer que dans un pays théoriquement en surcapacité -puisque nous disposons environ de huit réacteurs de plus que ce dont nous avons besoin- nous en soyons arrivés à une telle situation?

 

Elle résulte d'une double conjonction. D'une part, une addiction au chauffage électrique, en particulier dans les logements sociaux, conduite à la demande de l'État et surtout d'EDF pour écouler l'électricité produite par les centrales nucléaires, et ce de manière constante. Rappelons que lorsqu'il y a une pointe de consommation électrique en Europe l'hiver, la moitié de la pointe est due à la France qui est une exception en Europe au très mauvais sens du terme. Cette addiction au chauffage électrique, constamment encouragée par le législateur, pour les mêmes raisons, a des conséquences sociales extrêmement lourdes puisqu'elle renforce la précarité énergétique et les charges des locataires. S'ajoute à cela un retard massif de la France en matière d'efficacité énergétique, sans même parler de sobriété énergétique. En effet, jusqu'à ces toutes récentes années, la France a refusé énergiquement de mettre en place une politique de maîtrise de l'énergie ce qui explique qu'un ménage français consomme aujourd'hui 35 % de plus d'électricité qu'un ménage allemand équivalent. Cette politique est bien entendue tout à fait volontaire c'est-à-dire destinée à permettre la consommation d'une électricité permanente qu'il était impossible de stocker. La mise en place au demeurant très discutable, car faite dans l'intérêt unique d'EDF et non des consommateurs, des compteurs Linky et les premières campagnes en faveur de la sobriété énergétique arrivent très tard.

 

Le second facteur explicatif est l'indisponibilité d'un nombre relativement important de réacteurs nucléaires à la suite de leur mise à l'arrêt à la demande de l'autorité de sûreté nucléaire. Les contrôles qui ont été exigés à juste titre trouvent leur source dans les malversations constatées au sein de l'entreprise Areva au Creusot à la suite des anomalies découvertes sur la cuve et le couvercle de l'EPR de Flamanville. En effet, les anomalies détectées ont conduit à craindre que des générateurs de vapeur voire des cuves de 21 réacteurs puissent comporter des défauts. On doit donc être reconnaissant à l'ASN d'avoir exercé ses pouvoirs et exiger de l'exploitant, particulièrement réticent, une mise à l'arrêt pour contrôle. Si les autorisations de redémarrage, avec des conditions dont il n'est pas certain qu'elles aient été respectées par l'exploitant, ont été données par l'ASN pour certains réacteurs -avec au passage un certain nombre d'adaptation concernant les règles– il n'en demeure pas moins que nombre de réacteurs restent encore aujourd'hui à l'arrêt.

 

Dans ces conditions, il n'est pas surprenant que nous manquions d'électricité, d'autant plus que le manque de rentabilité des centrales au gaz a conduit à en fermer certaines réduisant d'autant les capacités de production électrique autre que nucléaire. En effet, notre extrême faiblesse dans le développement des énergies renouvelables (la biomasse et même le solaire qui peuvent être utilisés en période de froid) et l'absence de rentabilité d'un certain nombre de centrales à gaz rendent notre approche monomaniaque de l'énergie catastrophique. Reste bien évidemment l'approvisionnement sur le marché européen qui lui-même est très sollicité et bien évidemment coûteux, ce qui gêne EDF en des périodes de vaches très maigres.

 

Ainsi, la situation actuelle est totalement imputable à notre champion national qui, dans sa croisade permanente en faveur du nucléaire, qui a engendré une dépendance volontaire du chauffage à l'électricité, a cherché à détruire toutes les sources alternatives de production électrique depuis 20 ans, ce qui a été évidemment encouragé par des politiques dotés d'une clairvoyance redoutable.

Au-delà, la communication faite sur les risques de pénurie, voire de black-out, n'a pas seulement l'objectif de prévenir les Français d'une menace de manque d'électricité. Elle vise également à faire pression sur l'autorité de sûreté nucléaire pour que les autorisations de redémarrage soient données le plus rapidement possible et, de manière plus insidieuse, à essayer de faire porter sur l'autorité de contrôle la responsabilité d'une insuffisance des moyens de production. Or, s'il est un responsable de cette insuffisance c'est évidemment l'exploitant qui, malgré des procédés de contrôle interne, n'a jamais été capable lors des décennies passées de déceler les malfaçons dont ses réacteurs pouvaient être affectés. Autrement dit, derrière la communication sur la situation de tension sur le réseau se cache la partie de bras de fer qu'EDF a engagé contre l'autorité de sûreté nucléaire pour forcer cette dernière à donner des autorisations qui ne doivent pas l'être, dès lors que la sûreté et la sécurité ne sont pas complètement assurées.

 

Corinne LepageAvocate, Ancienne députée européenne Cap21, ancienne ministre de l'Environnement

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La panne boursière d’EDF et de GDF-Suez se poursuit

La panne boursière d’EDF et de GDF-Suez se poursuit | Think outside the Box | Scoop.it
EDF et GDF Suez souffrent en Bourse depuis 5 ans. Malgré un dividende généreux, les deux groupes manquent de visibilité

 

C’est ce qui s’appelle manquer d’énergie ! Depuis le début de l’année, EDF et GDF Suez affichent les deux plus mauvaises performances du CAC 40 : +0,48 pour EDF et - 2,9 % pour GDF Suez, à comparer au + 17,53 % du CAC . Et le désamour ne date pas d’hier.. EDF (-39,3 % depuis 2010) et GDF (-32,4 %) apparaissent en effet dans le flop 5 des plus mauvaises performances du CAC 40 depuis 5 ans. Dans le même temps, la Bourse de Paris a regagné près de 29 % !

Pourquoi les investisseurs boudent-ils ces deux géants de l’énergie? D’abord, c’est tout le secteur qui souffre en Europe. L’indice Bloomberg Electric progresse ainsi deux fois moins vite que l’Euro Stoxx depuis le début de l’année. Si les équipementiers Prysmian (+25 %), Schneider (+ 21%) et Legrand (+14 %) s’en sortent bien, les producteurs sont à la peine, à l’instar des allemands E.ON et RWE, seules valeurs en baisse (avec Lufthansa) depuis le début de l’année sur le Dax. « C’est un secteur lié aux sociétés énergétiques et aux cycles des prix du pétrole. Les prix sont sous-pression actuellement », note Martin Skanberg, gérant actions européennes chez Schroders. Un exemple : GDF Suez estime l’impact de la baisse des prix du pétrole et du gaz à 900 millions d’euros sur son bénéfice opérationnel (ebitda) prévu cette année.

Transition d’un marché réglementé vers un marché libéralisé

Si GDF souffre de la baisse des prix du gaz, EDF va devoir faire face en fin d’année à la mise en application de la loi Nome sur le marché de l’électricité pour les gros consommateurs. Sa note vient d’ailleurs d’être placé sous surveillance en vue d’un abaissement par Moody’s en raison « du risque associé à la transition d’un marché réglementé vers un marché libéralisé, alors que les prix du marché sont inférieurs à ceux des tarifs régulés pour l’énergie nucléaire », commente François Chaulet. Au final, les deux groupes souffrent d’un handicap certain en période d’inflation basse: dans un marché très régulé, ils ne sont pas maître de leurs tarifs.

Leur lien avec l’Etat actionnaire peut aussi rebuter certains actionnaires. Ceux-ci ont d’ailleurs vivement réagi aux rumeurs de rapprochement entre EDF et Areva . En 4 jours, début mars, l’action EDF a plongé de plus de 8 %. « Ils craignent que l’Etat ne se serve d’EDF pour recapitaliser Areva qui aurait besoin d’une injection de liquidités de 4 à 5 milliards, pour faire face à ses dépenses, ce qui priverait EDF des ressources nécessaires à son expansion », poursuit François Chaulet. Par ailleurs, les rumeurs d’allègement de la participation de l’Etat français au capital (de 33,2 % à 25 %) pèsent aussi sur l’action GDF Suez, dans la mesure où cela fait craindre un afflux de titres sur le marché.

Coûts liés au démantèlement des centrales

Enfin, EDF et GDF Suez souffrent de leur image de valeurs nucléaires. Non pas que les marchés se soient convertis au rejet de cette source d’énergie, mais ceux-ci s’interrogent sur les coûts liés au démantèlement des centrales. Le risque d’une augmentation substantielle des provisions d’EDF dans les prochaines années hantent certains analystes. Quant à GDF Suez, « le groupe a rencontré des difficultés en Belgique où deux réacteurs sont à l’arrêt en raison de contrôles », souligne François Chaulet chez Montségur Finance. Pour combien de temps ? Le redémarrage de Doel 3 et Tihange 2 n’est pas prévu avant juillet prochain.

Cela fait beaucoup pour deux groupes qui ont pourtant enregistré des résultats 2014 conformes aux attentes et qui offrent, qui plus est, un confortable rendement : 5,3 % brut pour GDF Suez, 5,45 % pour EDF. Reste que le chiffre d’affaires des deux groupes peine à croître et cette absence de croissance, explique aussi le peu d’appétit des investisseurs. La Société Générale vient ainsi de passer d’acheter à conserver sur EDF, une action en « mode wait-and-see avec un rendement de 5 % ».


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En poursuivant dans la voie du nucléaire, la France fonce droit vers une triple impasse

En poursuivant dans la voie du nucléaire, la France fonce droit vers une triple impasse | Think outside the Box | Scoop.it

En poursuivant dans la voie du nucléaire, la France fonce droit vers une triple impasse.

 

La poursuite du maintien d'une nucléarisation massive du pays se heurte à une triple impasse économique, technique et surtout financière.

 

Le sujet du nucléaire en France est relativement peu abordé au niveau politique et en tout cas traité comme un sous-sujet de la question énergétique, ce qui évite bien évidemment que nos concitoyens puissent prendre pleinement conscience du caractère totalement central du sujet tant pour l'économie que pour l'industrie et pour les finances de la France. Faisant comme si la situation de 2017 était en tout point comparable à celle de 1973 ou 1981, comme si le nucléaire était une énergie d'avenir rentable, assurant l'indépendance énergétique et correspondant à un savoir-faire d'excellence français, nos dirigeants ont décidé d'opter pour le déni de réalité, même si les coûts croissants de la filière nucléaire et son impact majeur sur les finances publiques ne peuvent plus être dissimulés. Son addiction au nucléaire conduit indubitablement EDF tout d'abord dans une impasse économique et industrielle.

 

L'impasse économique et industrielle

La physionomie du monde de l'énergie est en plein bouleversement. D'une part, toutes les perspectives d'une croissance infinie des besoins en électricité sont mises en échec, au moins dans les pays industrialisés. Depuis 1970, on assiste en réalité à un découplage entre la croissance du PIB et celle de la consommation électrique due à une amélioration de l'efficacité énergétique. Celle-ci s'est considérablement accrue au cours des 10 dernières années. L'augmentation de la part des services qui consomment globalement six fois moins que l'industrie explique également cette situation qui en France s'est doublée d'une désindustrialisation très importante. Or, EDF n'a en rien anticipé cette situation et ce d'autant plus qu'elle a volontairement construit huit réacteurs nucléaires de plus que ce que justifiaient les besoins français estimés en 1975. Les gaziers ont agi de même, de telle sorte que la surproduction a fait baisser les prix de gros de l'électricité au moment même où les énergies renouvelables devenaient dans un certain nombre de pays d'Europe tout à fait compétitives.

 

D'autre part, la baisse imprévue et colossale des coûts de production de l'électricité renouvelable et en particulier du photovoltaïque (une baisse de 70% des coûts en cinq ans à laquelle devrait s'ajouter une nouvelle baisse de même niveau dans les trois à cinq ans à venir) rend ces énergies compétitives. Les derniers appels d'offres ont été passés au prix de 62 euros le mégawattheure soit six centimes le kilowattheure, c'est-à-dire la moitié du kilowattheure facturé par l'EPR (s'il est un jour mis en route). Il est à 5,38 centimes d'euros en Allemagne, au Danemark, l'éolien offshore atteint des niveaux comparables. Au Texas, dans les pays du golfe, au Maroc, les immenses centrales solaires qui se construisent produisent une électricité en moins de quatre centimes du kilowattheure. Le nucléaire n'a donc plus aucune rentabilité et cette situation n'est évidemment pas propre à la France. Ainsi, aux États-Unis, la construction de deux réacteurs qui étaient en cours en Caroline-du-Sud a été abandonnée, alors que 40% des infrastructures étaient réalisées, au motif que le projet n'était pas rentable.

 

Le coût de construction d'une centrale nucléaire est 10 fois celui d'une centrale gazière moderne et la moitié des centrales nucléaires américaines perd de l'argent. Dans la mesure où elles ne sont pas renflouées par l'État comme en France, les entreprises les ferment et s'enfoncent dans le rouge. Ainsi, Westinghouse a déposé le bilan et entraîné dans sa chute Toshiba qui cherche à se débarrasser de cette filiale qui la plombe. La plupart des pays d'Europe (mis à part l'Europe de l'Est pour des raisons historiques et la Grande-Bretagne mais l'avenir est incertain) ont abandonné le nucléaire : Allemagne, Belgique, Italie, Suisse, Suède. La Corée du Sud, par la bouche de son nouveau président, Monsieur Moon a annoncé au mois de juin son retrait progressif du nucléaire. Aucun pays à économie libérale ne peut aujourd'hui opter pour le nucléaire compte tenu de la nécessité absolue de faire subventionner par l'Etat une filière qui n'est pas rentable et qui devient la plus coûteuse de toutes les énergies.

 

Un récent rapport publié en août 2017 par des chercheurs de Stanford affirme que 139 pays du monde pourraient à l'horizon 2050 ne dépendre que de l'énergie renouvelable créant ainsi 24 millions d'emplois. Dès 2030, 80% de l'énergie pourrait être renouvelable. Au passage, ces bouleversements permettraient de réduire massivement la pollution atmosphérique et donc d'améliorer la santé humaine mais aussi de ne pas dépasser les 2° d'augmentation de la température voire peut-être de parvenir à 1°5.

Inutile de souligner que la France est bien loin de cette logique. Même si un objectif de 50% de nucléaire à l'horizon 2025 est affirmé, notre faiblesse volontaire dans la production d'énergie renouvelable (16 à 17%) rend très difficile cet objectif, les 23% auxquels nous nous sommes obligés dans le cadre communautaire apparaissant comme hors d'atteinte. Il suffit d'entendre les cris d'orfraie de tous ceux qui n'ont pas compris que le monde a changé lorsqu'il est question de respecter la loi transition énergétique pour apprécier les progrès qui restent à faire en particulier dans les consciences. Le drame est que non seulement notre choix économique est catastrophique dans la mesure où le maintien d'un nucléaire massif va peser très lourdement sur le coût de l'électricité et donc sur la productivité économique et sur les ménages.

Il est également catastrophique car il nous a privé durablement du développement d'une filière forte dans les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique alors que nous disposions de toutes les technologies utiles grâce au CEA et à l'Inès. Mais, l'industrie nucléaire a toujours bloqué le développement industriel de ces technologies afin de protéger son fleuron devenu obsolète. Dès lors, même si EDF énergies renouvelables est une filiale prometteuse d'EDF, elle ne représente qu'un pour cent de son chiffre d'affaires et nous ne disposons pas d'ETI puissantes. Heureusement, Engie semble faire sa révolution et opter pour le Nouveau Monde. C'est une chance pour l'économie française. Mais cela signifie que la compétition avec l'opérateur historique risque de plomber encore un peu plus ce dernier et le pousser à mener les combats d'arrière-garde contre l'autoconsommation, l'énergie locale, la décentralisation énergétique, l'installation des éoliennes, etc.

En réalité, la poursuite de ce qui est devenu une forme d'utopie, à savoir le maintien d'une nucléarisation massive de la France se heurte à une triple impasse économique, technique et surtout financière.

 

Corinne Lepage

Avocate, Ancienne députée européenne Cap21, ancienne ministre de l'Environnement

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L’ASN parle d’un "risque industriel" pris par EDF sur la cuve de l’EPR

L’ASN parle d’un "risque industriel" pris par EDF sur la cuve de l’EPR | Think outside the Box | Scoop.it

Malgré les investigations en cours sur la cuve de l’EPR, EDF a fait le choix de l’installer au cœur du bâtiment réacteur de l’EPR de Flamanville. L’ASN pourrait pourtant estimer que cette pièce est inutilisable.

 

 

Mercredi 18 janvier, l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) présentait ses traditionnels vœux à la presse. Il y a un an, le Président Pierre-Franck Chevet rappelle qu’il évoquait "un contexte préoccupant à moyen terme", aujourd'hui, il assure que "le contexte est préoccupant tout court". L’année passée a vu l’émergence d’une anomalie générique sur le parc qui a conduit à la mise à l’arrêt temporaire de 12 réacteurs d’EDF et à la découverte de falsifications dans l’usine Areva du Creusot.

Même s’ils vont demander encore des mois de travail, tous ces dossiers sont désormais pris en charge. Mais de nouveaux sujets se présentent à l’autorité. Comme la préparation de la première visite décennale des usines du cycle du combustible ou la gestion des sources radioactives utilisées sur les chantiers pour tester les soudures. Mais de tous les dossiers, c’est sans doute son avis à venir sur l’utilisation de la cuve de l’EPR en construction à Flamanville (Manche) qui est le plus attendu.

Pas de plan B

La découverte de concentrations anormales de carbone dans le couvercle et le fond de cette cuve a poussé à l’ASN à demander à EDF de justifier la solidité de cette pièce au sein de laquelle se déroule la réaction de fission nucléaire. L’électricien a transmis son dossier et ses mesures à l’ASN en fin d’année 2016. Cette dernière pense pouvoir rendre son avis à l’été 2017. Lors d’une visite récente du chantier, les responsables EDF assuraient qu’il n’y avait pas de plan alternatif à celui où la cuve serait validée par l’ASN.

"Nous avons autorisé la mise en place de la cuve dans le bâtiment réacteur mais nous avons demandé à EDF de prévoir un plan B", explique Pierre-Franck Chevet. "Si EDF n’en a pas, ils devront s’en remettre à notre décision (…) EDF a pris un risque industriel, ils assumeront". En cas de rejet de la cuve par les experts de l’autorité, celle-ci devra être réparée ou remplacée. Dans les deux cas, il faudra la sortir du bâtiment réacteur, une opération, lourde, coûteuse et destructrice. EDF, de son côté, assure que les mesures réalisées sur la cuve de l’EPR montre qu’elle est utilisable en toute sûreté.

 

LUDOVIC DUPIN

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EDF, Areva, SNCF... La descente aux enfers de nos entreprises publiques

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Un EDF en pleine crise après le départ d’un directeur financier réticent à des investissements trop importants pour ne pas mettre la maison en péril, une SNCF passant des provisions massives qui se traduisent par des pertes record, un Areva à la recherche désespérée de partenaires financiers sans lesquels sa survie serait en jeu. Il y a seulement cinq ou dix ans, un tel scénario aurait fait rire : la France pouvait alors se vanter d’avoir des géants publics entreprenants, respectés et à la solidité financière incontestable. Certes, la SNCF essuyait parfois des pertes, mais raisonnables et explicables par des missions de service public ingrates et coûteuses, et son TGV faisait l’admiration générale. Bien sûr, Areva n’avait pas la rentabilité d’un Apple, mais son dynamisme commercial était flamboyant, ses produits faisaient référence dans le monde, et la maison menait plutôt grand train. EDF, enfin, semblait l’insubmersible géant qui nous garantissait pour l’éternité, grâce à une capacité technique hors-pair, une électricité bon marché.

Ce glorieux passé semble tout à coup bien lointain ! C’est en milliards, parfois en dizaines de milliards que se chiffrent aujourd’hui les besoins de nos géants publics, besoins auxquels l’Etat, lui-même en pleine débâcle financière, serait bien en peine de pourvoir. Qui l’eût cru : seule la Poste, pourtant paradoxalement la plus évidemment excusable tant le numérique dévore son fonds de commerce, semble encore surnager dans cet océan de pertes. Un comble ! Que s’est-il passé ?

Une gestion qui pose question

La gestion de nos géants publics n’est sans doute pas exempte de tout reproche. Celle d’Areva a été montrée du doigt, pas toujours à tort. EDF est, de longue date, très excessivement généreux avec ses personnels, ce qui finit par se payer. Et les patrons successifs de la SNCF ne sont sûrement pas exempts de tout reproche. Mais la vérité est hélas que c’est l’Etat lui-même qui, par ses interventions brouillonnes et inconséquentes,  a le plus puissamment contribué à ruiner ses poulains.

Le cas d’EDF est à cet égard parlant. Voilà une entreprise dont l’Etat fixe les prix de vente avec l’obsession de complaire aux électeurs (c'est-à-dire bas) tout en lui imposant le prélèvement sur le dos du consommateur d’une taxe de plus en plus énorme permettant de financer des énergies nouvelles… dont le développement effréné l’obligent par ailleurs à investir massivement dans le réseau et perturbe gravement sa structure de coût. Etonnez-vous qu’il soit difficile à notre électricien de boucler les fins de mois ! Ne parlons pas des diktats sur la fermeture des centrales, ni des déclinaisons économiques d’une politique étrangère plus soucieuse de rayonnement que de bénéfices…

La schizophrénie de l'Etat

Areva, lui, est d’abord et avant tout victime des retombées de l’accident de Fukushima, lequel a ravagé les perspectives de développement du nucléaire. Mais on ne dira jamais assez combien les atermoiements (quand il fallait recapitaliser l’entreprise il y a dix ans, mais aussi quand il fallait donner le feu vert sur des développements miniers qui auraient alors pu se faire à bien meilleur compte) et les oukases (sur la vente de T&D) de l’Etat ont affaibli l’entreprise. Quant à la SNCF, tenue par les combinaisons entre élus de faire rouler des TGV sur des lignes non-rentables et de desservir des gares improbables, elle vit de toute éternité sous une pression politique économiquement insupportable dont l’ouverture de lignes de car qui viennent maintenant la concurrencer sur des lignes déjà exploitées à perte n’est que le dernier avatar.

Jamais autant qu’en ce triste printemps on n’avait vu les effets dévastateurs de la schizophrénie d’un Etat qui, le matin, requiert de ses entreprises publiques une performance que, l’après-midi, il s’échine à détruire (y compris quand il y a fait entrer des actionnaires privés tenus de payer les pots cassés comme chez EDF). La France a hélas déjà vu disparaître une partie de ses très grandes entreprises privées, elle ne se remettrait pas facilement de l’affaiblissement durable de ses géants publics.

 

 

Par Philippe Manière

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