Alain Touraine est à 88 ans l'un des sociologues les plus célèbre et les plus respecté tant en France qu'à l'étranger. Auteur d'une quarantaine d'ouvrage, il signe La fin des sociétés, au Seuil. Un livre qu'il considère comme le couronnement théorique de son œuvre.Nous sommes, depuis la crise financière, confrontés à cette évidence : avec la décomposition du capitalisme industriel, toutes les institutions sociales, la famille, l'école, la ville, les systèmes de protection et de contrôle social, l'entreprise, la politique elle-même perdent leur sens.
"Une ère s'achève et cela sens la fin pour nous. Je ressens l'angoisse de la chute possible. On peut se demander, si en ce qui concerne l'Europe, nous ne sommes pas en situation de décomposition sociale, ce qui va très au-delà de la crise," explique Alain Touraine.
La disparition des valeurs
"Nous sommes en chute depuis la fin des 30 glorieuses et nous n'avons pas réussi à défendre ce que nous avions créé. Pour le moment, nous sommes dans une situation où l'Europe est la seule région du monde en stagnation ou en dépression dans un monde en développement."
Loin de céder à la peur du chaos qui accompagne et accélère le déclin, cet ouvrage s'efforce d'unir le récit d'une fin et l'annonce d'un commencement : celui d'un autre type de vie collective et individuelle fondé sur la défense des droits humains universels contre toutes les logiques d'intérêt et de pouvoir.
Un manque d'idées
À charge pour nous d'apprendre à quelles conditions le sujet de droits que chacun peut invoquer est susceptible de se faire l'acteur d'expériences entièrement nouvelles, où le capitalisme financier, devenu sauvage aujourd'hui, pourrait être à nouveau contrôlé.
"Ce que nous voulons c'est d'être libre de créer. Il faut qu'il y ait des acteurs, des projets, des conflits, des réformes et des débats. Mais aujourd'hui les acteurs ont disparu et la scène est vide. Il n'y a pas d'idée et nous sommes dans un vide politique."
La fin des sociétés, d'Alain Touraine au Seuil