Comparutions immédiates : « Si la République est aveugle à la différence, la Justice ne l’est pas » | Think outside the Box | Scoop.it
Comparution immédiate mode d’emploi

La comparution immédiate est une procédure qui permet de faire juger dans un délai assez court quelqu’un à la suite de la garde à vue.
Trois conditions doivent être réunies :
- Les preuves doivent être suffisantes pour que l’affaire soit en état d’être jugée
- La peine d’emprisonnement encourue doit être au moins égale à deux ans ; en cas de délit flagrant, cette peine doit être supérieure à six mois
- Le prévenu ne peut être mineur et il ne peut s’agir d’un délit de presse, ni d’un délit politique, ni d’une infraction dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale.

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Les résultats d'une enquête sont probants :

 

Une « justice de classe très colorée »


Malgré l’interdiction juridique d’établir des statistiques « ethniques », le groupe de travail s’est livré à l’exercice.

Ils ont pu constater que 65% des prévenus étaient d’ « apparence maghrébine ou d’apparence noire ». D’autre part, la moitié des prévenus avaient moins de trente ans ; la moitié, également, bénéficiaient des minimas sociaux. Des chiffres devant lesquels Daniel Welzer-Lang s’autorise à parler d’une « justice de classe très colorée, une justice pour les jeunes pauvres. »
« Les beurs et les blacks sont surreprésentés à ces audiences, et pourtant ils représentent une minorité des cas de violence individuelle et collective, d’atteinte aux personnes, c’est-à-dire les affaires qui provoquent le sentiment d’insécurité. Ils sont plus concernés par des affaires de stupéfiants, d’atteinte aux biens, d’infractions au code de la route », détaille Daniel Welzer-Lang. « On tord le cou à l’idée ou au sentiment général selon lequel les populations colorées sont impliquées dans les affaires les plus graves, enchaîne Patrick Castex. En réalité, ils sont surreprésentés, mais pour les crimes les moins graves. Dès qu’on inclut l’indicateur « violence » dans les statistiques, ils sont beaucoup moins présents. »
« On transgresse tous les principes pour avoir une réponse sécuritaire et rapide »

Les auteurs de l’ouvrage et les personnes ayant participé à l’enquête dénoncent une procédure attentatoire, irrespectueuse des droits fondamentaux des prévenus et des victimes – le délai est si court qu’il arrive que les victimes ne puissent pas être averties de la tenue du jugement – ainsi que les conditions dans lesquelles se déroulent ces audiences. « On transgresse tous les principes pour obtenir une réponse sécuritaire et rapide, estime Patrick Castex. On est aujourd’hui face à une justice d’exception banalisée.». « On est révoltés, renchérit Daniel Welzer-Lang.

La manière dont on les traite, c’est scandaleux. C’est en notre nom qu’une justice pour les pauvres se fait de façon particulière. »

 

Pour Jean-François Mignard, cette étude a permis de montrer que le discours de la LDH «n’est pas qu’idéologique, mais que c’est la réalité. » « Si la République est aveugle à la différence, la Justice ne l’est pas. »