Les curieux effets secondaires des implants cérébraux façon Elon Musk | Think outside the Box | Scoop.it

Neuralink entame sa phase de tests sur des volontaires humains. Mais gare aux désagréments imprévus.

Neuralink veut entrer dans votre cerveau, mais à quel prix? Fondée en 2016, la start-up créée par Elon Musk travaille à la production d'implants cérébraux dans le but d'améliorer certaines fonctions cognitives, ou carrément d'en réparer d'autres.

En décembre 2022, l'homme d'affaires annonçait que les phases d'essais sur les animaux ayant suffisamment donné satisfaction (et ce, malgré des accusations de souffrances infligées à des singes), les tests sur des cerveaux humains allaient pouvoir commencer et l'approbation des autorités sanitaires américaines est intervenue à fin du mois de mai 2023.

En septembre, Neuralink a commencé à recruter des cobayes, parmi les milliers de volontaires prêts à tout pour faire partie des premiers individus au monde à recevoir une puce estampillée Musk.

 

Le média américain en ligne Insider met en lumière les inquiétants effets secondaires des brain-computer interfaces (BCI, «interfaces neuronales directes» en français) sur lesquels planche Neuralink, et qui ressemblent sur le principe à ce que d'autres entreprises ont déjà mis en place dans le cadre de la lutte de fléaux tels que la dépression ou la maladie de Parkinson. Car si des effets positifs ont été constatés –et tant mieux, car c'est tout de même l'objectif initial de la manœuvre–, des études montrent que le tableau est loin d'être idyllique.

 

Des patients privés d'eux-mêmes

Professeure de philosophie au sein du département d'éthique médicale et de politique de santé de l'université de Pennsylvanie, Anna Wexler a ainsi pu s'entretenir avec des patients qui ont reçu un implant censé les aider à combattre Parkinson à l'aide de pulsations électriques permettant d'en enrayer les symptômes. «Beaucoup ont eu le sentiment d'avoir été dépossédés d'eux-mêmes par la maladie, résume-t-elle. Cela a un impact réel sur votre identité, votre rapport à vous-même.»

De son côté, Frédéric Gilbert, enseignant en philosophie à l'université de Tasmanie et spécialiste en neuroéthique, a mené une étude qui montre les effets indésirables et perturbants des interfaces neuronales directes (BCI) sur une grande partie des patients. Ceux-ci portent notamment sur les «notions de personnalité, d'identité, d'agentivité, d'authenticité, d'autonomie et de soi». Il ajoute avoir observé «des cas où il est clair que les BCI ont induit des changements dans la personnalité ou l'expression de la sexualité» de certains porteurs d'implants cérébraux.

Phénomène récurrent dans les différentes études citées: le sentiment de ne pas se reconnaître, d'être étranger à soi-même. L'idée n'est pas tout à fait celle d'un dédoublement ou d'un changement radical de personnalité: ces personnes «savent qu'elles sont elles-mêmes, mais ça n'est pas pareil qu'avant la pose de l'implant», résume le professeur Frédéric Gilbert. Il existe un décalage et celui-ci est d'autant plus dérangeant qu'il est difficile à décrire et à percevoir précisément.

 

Cette dissonance peut avoir des conséquences inquiétantes : Insider cite l'exemple d'une quinquagénaire qui, se pensant soudain douée d'une force physique supérieure, a tenté de soulever des charges très lourdes à elle seule.

Résultat : pas de catastrophe, mais un sentiment d'échec lié au fossé entre ce qu'elle se croyait capable de faire et ce qu'elle pouvait réellement accomplir. «Cela a mené à des cas extrêmes, caractérisés par des tentatives de suicide», souligne Frédéric Gilbert.

Parmi les projets de Neuralink, il y a l'idée de pouvoir redonner à certains patients paralysés la possibilité de se mouvoir par eux-mêmes grâce à une activité cérébrale remise à neuf. Mais là aussi, les spécialistes mettent en garde patients et scientifiques: au lieu d'aider les individus à accomplir un geste auparavant impossible, les implants auraient tendance à prendre les décisions à leur place. «Le dispositif peut finir par supplanter la personne face à la décision [à prendre], à l'exclure de la boucle», explique encore Frédéric Gilbert.

 

Le sentiment d'être enfin capable, grâce à une puce, peut aussi s'accompagner de ressentis complémentaires et ambivalents. De nombreux patients confient avoir cédé aux sirènes de la dépression après avoir été progressivement gagnés par le sentiment de ne plus rien valoir sans le fameux implant. Certains ont même fini par demander à ce qu'il leur soit retiré. A-t-on sous-estimé l'importance de l'accompagnement psychologique nécessaire aux personnes recevant un implant cérébral d'interface neuronale directe?

 

Repéré par Thomas Messias sur Insider

13/11/2023