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Le Remdesivir, l’industrie pharmaceutique et la crise du Covid

Le Remdesivir, l’industrie pharmaceutique et la crise du Covid | Think outside the Box | Scoop.it

 

 

Après avoir, au nom de la Science, utilisé tous les arguments opposables à la voie thérapeutique préventive préconisée par l’IHU de Marseille, nos dirigeants – et derrière eux beaucoup de journalistes – semblent prêts à accueillir un médicament américain : le Remdesivir, sensé traiter les malades aux stades graves. Il s’agit pourtant d’une opération industrielle et financière aisément repérable.

 

« En temps de crise, les dirigeants des grands groupes industriels redoublent d’efforts sur plusieurs fronts à la fois : ils cherchent à séduire les consommateurs, à augmenter la productivité de leurs salariés, à neutraliser les contestataires, à trouver de nouveaux produits pour conquérir les marchés. À ce jeu, l’industrie pharmaceutique fait preuve d’une rare efficacité, car elle conserve sa puissance malgré la tourmente économique, les scandales répétés, les pertes de brevets, une recherche scientifique qui tâtonne et une opinion publique particulièrement défavorable ».

Quentin Ravelli, La stratégie de la bactérie, Paris, Seuil, 2015.

 

A l’image de la majorité des élites intellectuelles françaises, la plupart des journalistes sont décidément d’une grande naïveté. Après avoir déployé leur talent dans un impressionnant concert unanimiste pour lister tous les arguments opposables au nom de la Science à la voie thérapeutique préventive préconisée en France par l’équipe de l’IHU de Marseille, voilà que beaucoup semblent prêts à accueillir comme avec soulagement un médicament américain : le Remdesivir, sensé traiter les malades parvenus à un stade grave. Alors, oui, faisons un peu de science. Médicale d’abord, socio-économique et politique après.

Pour qui se pique de connaître la science médicale

Une étude américaine portant sur 1 063 patients a débuté fin février sous l’égide du National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID). Ses résultats sont en cours d’analyse. Pour l’heure, il existe deux études publiées dans des revues scientifiques testant les effets thérapeutiques du Remdesivir.

La première a été publiée le 10 avril 2020 dans le New England Journal of Medicine. Il s’agit d’une revue américaine, qui compte parmi les plus prestigieuses du monde. L’article publié s’intitule « Compassionate Use of Remdesivir for Patients with Severe Covid-19 ». Il est signé par 57 auteurs de neuf pays différents (dont la France), tous financés par le laboratoire pharmaceutique Gilead Sciences. L’étude porte un très faible nombre de malades (n=53) recrutés principalement aux Etats-Unis, en Italie et au Japon (il n’y a que 4 français), ayant reçu le médicament pendant 10 jours. Elle n’est pas randomisée et elle ne comporte pas de cohortes comparatives traitées avec un placébo ou un traitement symptomatique. Certains malades sont ventilés, d’autres pas. Les services de réanimation ne fonctionnement pas nécessairement de la même manière dans les neuf pays. Il n’y a pas de critère de sortie (end point) de l’étude, ce qui ouvre la porte à des arrangements potentiels avec les conclusions de l’étude (25 malades sont sortis de l’hôpital, 7 sont morts, quid du devenir des 21 autres ?). La charge virale n’a pas été mesurée. 7 patients sont morts (13%). 36 ont vu leur situation respiratoire s’améliorer mais 32 ont eu des effets secondaires (troubles digestifs, insuffisance rénale, hypotension). La conclusion de l’article, selon laquelle une « amélioration clinique » (clinical improvement) s’observerait chez la majorité des malades, s’apparente ainsi à une publicité mensongère. Il est même assez incroyable qu’une étude aussi mauvaise méthodologiquement ait pu être publiée dans une si prestigieuse revue.

La deuxième étude intitulée « Remdesivir in adults with severe COVID-19: a randomised, double-blind, placebo-controlled, multicentre trial » a été publiée le 29 avril 2020 dans la non moins prestigieuse revue médicale britannique The Lancet. Elle a été réalisée par une équipe de médecins de dix hôpitaux chinois et porte sur 237 patients. Il s’agit cette fois-ci d’une étude randomisée, en double aveugle et avec groupe de contrôle sous placébo. Le protocole est exactement le même que celui de l’étude précédente (Gilead a fourni gratuitement le Remdesivir) et il s’agit également de patients sévères. Les end points sont expliqués. L’administration du Remdesivir a dû être arrêtée prématurément en raison de forts effets indésirables chez 18 patients (12%). La charge virale (entre autres contrôles) a été mesurée et n’a pas baissé. La nature de ces effets indésirables n’est pas différente entre les deux groupes de patients (des troubles digestifs et surtout des problèmes sanguins). L’étude conclut qu’il n’y a pas de différence significative dans l’évolution clinique des deux groupes de patients (Remdesivir versus placébo). L’administration du Remdesivir à des patients hospitalisés pour le Covid n’a pas d’effet positif clinique ou viral significatif, et au final pas d’effet sur la mortalité. En clair, pour ce qui est de ce test, le Remdesivir ne sert à rien.

Voilà pour la science médicale, passons maintenant aux sciences sociales.

Big pharma is treating us

Avec près de 1 200 milliards de dollars américains de chiffre d’affaire en 2019, soit une multiplication par 3 depuis le début du 21ème siècle, l’industrie pharmaceutique est devenue au cours des 30 dernières années l’un des plus grands secteurs industriels du monde et peut-être le plus rentable de tous. Les grands groupes pharmaceutiques qui se sont constitués au fil des dernières décennies rivalisent désormais avec l’industrie pétrolière, les groupes bancaires, les GAFA, l’industrie du luxe, l’industrie automobile et les cigarettiers. Ils font partie de ces multinationales qui dominent le monde et y imposent leurs intérêts. Ils développent les mêmes stratégies de maximisation des profits que la plupart de ces multinationales (rachats, licenciements dans les pays d’origine, délocalisation dans les pays pauvres, tricherie sur les prix, évasion fiscale, lobbying intense, utilisation des aides publiques à leur profit, etc.). Le dossier « Pharma Papers » du site d’investigation Basta! est éloquent. Le marché mondial du médicament est dominé principalement par quatre pays : les Etats-Unis (Pfizer, Merck, Eli Lilly, AbbVie, Amgen, Gilead, Johnson & Johnson), la Suisse (Novartis, Roche), la France (Sanofi) et la Grande-Bretagne (GlaxoSmithKline, AstraZeneca). Les patrons de ces firmes sont parmi les mieux payés du monde (10 millions d’euros pour le patron de Sanofi en 2017). Cotées en bourse, elles participent fortement aux évolutions des marchés financiers et les dividendes qu’elles reversent à leurs actionnaires sont parmi les plus importants du monde (près de 1 000 milliards de dollars de bénéfices ces dix dernières années). Ils sont donc devenus un acteur central du nouveau capitalisme financier dominant la planète.

Ces très grands groupes pharmaceutiques dominent non seulement le marché mondial des médicaments, mais ils influencent aussi de plus en plus la science médicale. Les fameux essais cliniques (ou essais thérapeutiques) sont financés et réalisés très majoritairement par ces industriels, parfois à la demande des agences règlementaires comme la Food and Drug Administration aux USA. C’est dans cette mouvance politico-industrielle que s’est fixée la fameuse Evidence Based Medecine (« médecine fondée sur des preuves ») et ses désormais célèbres méthodes statistiques de randomisation. L’idée fondamentale est de substituer le calcul statistique à l’expérience clinique, la démonstration mathématique à la pratique médicale. Un nombre croissant de médecins-chercheurs multiplient ainsi les publications sur les maladies et les médicaments, lors même qu’ils n’ont plus aucune pratique de médecins. Les laboratoires leur payent des études testant leurs médicaments, ils en déterminent les protocoles et vont jusqu’à payer plusieurs milliers d’euros par patients inclus dans l’étude. Ils organisent également des boards et autres « réunions stratégiques » dans lesquels les médecins sont associés à la détermination des projets des laboratoires et pour lesquels les mêmes médecins sont fréquemment payés 1 500 euros la journée. Les laboratoires financent également les voyages et tous les frais d’hôtellerie et de restauration (plusieurs milliers d’euros à chaque fois) de ces médecins-chercheurs pour qu’ils aillent présenter leurs résultats dans des colloques internationaux dont l’organisation globale est elle-même largement financée par les laboratoires. Dans certains cas, les groupes industriels vont jusqu’à réaliser eux-mêmes les études dans leurs laboratoires et proposer ensuite à des médecins universitaires plus ou moins renommés de les signer de leurs noms. Cela s’appelle le ghostwriting (nègre littéraire en Français) et cela a donné lieu à de nombreuses fraudes et pratiques dangereuses pour la santé publique au cours des trente dernières années.

Il y a quelques années, le collectif « regards citoyens » (créé en 2009) avait passé au crible le site Transparence Santé créé après le scandale du Mediator, ils avaient exhumé la bagatelle de 2,5 millions de cadeaux faits entre janvier 2012 et juin 2014 par les laboratoires, essentiellement à des médecins, pour un montant total d’environ 245 millions d’euros. Soyons clair(s) : il s’agit d’un système organisé de trafic d’influence.

Le prix des « bonnes » choses

Pour l’industrie pharmaceutique, le contrôle de la production scientifique dans l’univers de la recherche médicale n’est qu’un élément de la stratégie globale de contrôle de l’information. Aussi incroyable que cela puisse paraître, cette stratégie s’exprime d’abord dans la mainmise des laboratoires pharmaceutiques sur la formation continue obligatoire des médecins. Cette pratique ancienne a été officialisée en France en novembre 2006, lorsque le ministre de la santé de l’époque (Xavier Bertrand) signa un accord et un code de bonnes pratiques avec le syndicat des firmes pharmaceutiques (Les entreprises du médicament, LEEM), accord vivement dénoncé à l’époque par Formindep (association luttant contre « l’interférence d’intérêts commerciaux ou d’injonctions administratives dans la formation et l’information médicales, ainsi que dans la chaîne de soins »). Ensuite, cette stratégie se prolonge naturellement dans un très intense lobbying à destination des élus et des agences gouvernementales nationales et internationales réglementant le domaine de la santé publique. En France, la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP) recense ces lobbies. On y apprend par exemple que le LEEM, représentant 266 laboratoires ou entreprises pharmaceutiques du monde entier, a dépensé près de 1 million d’euros en lobbying officiel en France en 2018. On y apprend aussi que, en 2019, le groupe Gilead Sciences emploie 4 personnes et a dépensé entre 400 et 500 000 euros pour son activité de lobbying auprès des seuls parlementaires français. Et ce n’est là qu’un petit volet de la stratégie globale d’influence de Gilead qui, au total, aurait dépensé la somme colossale de 65 millions de dollars sur les 7 dernières années pour asseoir son influence en France, tant auprès des praticiens que des institutions. Le site gouvernemental déjà cité (Transparence Santé) est toutefois compliqué à utiliser. Grâce au site Euro for Docs, on peut examiner bien plus aisément la répartition de ces dizaines de millions d’euros dépensés par le laboratoire. Sans surprise, l’essentiel est allé 1) à des médecins (dont les très médiatiques opposants à D. Raoult Karine Lacombe et François-Xavier Lescure par exemple), 2) à des organismes de formation initiale ou continue des professionnels de santé, 3) aux médias, 4) à des académies, fondations, sociétés savantes et organismes de conseil.

GILEAD, nous y voilà. Ce groupe américain employant près de 12 000 personnes et au chiffre d’affaires de 22,5 milliards de dollars en 2019. Il faut lire le Courrier des stratèges pour découvrir qui sont les actionnaires de ce groupe. Il s’agit ni plus ni moins que de certains des plus gros fonds d’investissement américains. Le premier est Vanguard Group, concurrent direct de Black Rock (le plus gros gestionnaire d’actifs du monde et l’un des plus importants actionnaires du CAC40), dont on se souvient qu’il est impliqué dans la réforme des retraites (par capitalisation) en France. Vanguard est par ailleurs le premier actionnaire d’Apple et possède 5% d’Amazon (et il est entré au capital de nombre de grandes entreprises françaises). Même chose pour le second actionnaire de Gilead, Capital Research and Management, qui possède des parts du capital de la Caisse des Dépôts et Consignations, de Veolia, de Bouygues, de Schneider, de la Société Générale, de Pernod, d’Air France. Nous sommes donc ici au cœur du capitalisme financier actuel et de sa domination américaine.

Voilà ce qu’est donc Gilead, ce laboratoire qui propose aujourd’hui un médicament antiviral pour traiter le Covid : le Remdesivir. Le laboratoire y travaille depuis l’épidémie du virus Ebola qui ravagea l’Afrique de l’Ouest en 2014-2015. Face à la pandémie actuelle, tout l’enjeu (l’aubaine ?) pour Gilead est de convaincre que sa nouvelle molécule est nettement plus efficace que l’hydroxychloroquine constituant le traditionnel Plaquénil commercialisé par Sanofi. Avec toutefois une différence de taille qui devrait alerter tout esprit libre et un minimum doué de raison : l’hydroxychloroquine est depuis longtemps tombée dans le domaine public, n’importe quel industriel (autre que Sanofi) peut donc en fabriquer des génériques et les vendre partout dans le monde (c’est d’ailleurs ce que le géant du générique Mylan a déjà annoncé). En France, la boîte de Plaquénil était vendue aux environ de 2,20 euros jusqu’à son retrait de la vente libre en pharmacie en janvier 2020. De son côté, le prix du Remdesivir est à ce jour inconnu mais le médicament est breveté. On sait seulement que la production de base de la molécule qu’il utilise coûte environ 12 fois plus cher que celle de l’hydroxychloroquine. Il s’agit par ailleurs d’une injection intraveineuse beaucoup plus coûteuse à mettre en œuvre et d’un traitement plus long. De sorte que l’Institute for Clinical and Economic Review (ICER) estime le seuil de rentabilité de ce médicament à environ 4 500 dollars par traitement. De quoi gagner des milliards de plus avec le Covid, d’autant que Gilead est connu pour pratiquer une exagération avide des prix à des fins d’enrichissement maximum.

Souvenons-nous. C’était il y a à peine plus de cinq ans (novembre 2014) Gilead lançait le Sovaldi sur le marché de la lutte contre l’hépatite C. Comme le dit Simon Gouin dans Basta!, « c’est l’histoire d’un ‘casse’ presque parfait, celui d’un médicament qui rapporte des milliards. Son nom, le Sovaldi. Sa victime : l’hépatite C, et au passage les caisses d’assurance maladie de plusieurs États ». En effet, tandis que son coût de fabrication se situerait entre 100 et 200 euros, mais ledit Sovaldi sera facturé à des prix variant d’au moins 1 à 100 en fonction de la richesse des pays avec lesquels le laboratoire négociait. En France, le traitement sera vendu par Gilead jusqu’à 42 000 euros par patient. De sorte que, en moins de trois ans, il aura coûté plus de 700 millions d’euros à l’assurance maladie française. Ce qui en fait l’un des médicaments les plus chers de toute l’histoire de notre système d’assurance maladie. Avant de se lancer dans son achat, les autorités politico-sanitaires avaient pourtant eu tout le loisir de réfléchir. En 2013, la ministre de la santé (Marisol Touraine) avait commandé un rapport sur cette affaire au Professeur Dhumeaux… lequel avait des liens d’intérêt avec Gilead à ce moment même.

Au final, en l’espace de trois ans (2014-2016), Gilead a engrangé près de 44 milliards de profit net accumulés. Une aubaine inespérée qui fit passer ce groupe de la 40ème à la 6ème place du classement économique des laboratoires pharmaceutiques.

Contre Raoult, pour Discovery, un si petit monde

Dans l’un des principaux groupes de travail constitués à l’occasion de ce rapport sur le médicament de Gilead contre l’Hépatite C, 12 des 20 experts « ont participé aux réunions du board de GILEAD Sciences pendant la période d’élaboration des recommandations ». Et l’un des principaux n’est autre que Yazdan Yazdanpanah (chef de Service des maladies infectieuses à l’hôpital Bichat, Paris), qui se trouve actuellement être membre à la fois du Conseil scientifique Covid-19 et du Comité analyse recherche et expertise (CARE). Voilà assurément « l’un des acteurs-clés dans la gestion de la crise du Covid-19 » comme le disait récemment un article hélas quelque peu apologétique du journal Le Monde. Ses liens avec Gilead sont pourtant flagrants, nombreux et importants. C’est pourtant à lui qu’a été confié le pilotage de l’essai Discovery de sorte que, comme l’écrit à nouveau le Courrier des stratèges, « les essais cliniques Discovery, lancés au niveau européen, sont menés en France par un homme qui a reçu des sommes d’argent de la part des laboratoires dont les médicaments sont testés » (voir aussi un article de Atlantico).

Pour revenir une dernière fois à l’affaire de l’Hépatite C, en 2013, le professeur Dhumeaux s’était vu confier le rapport sur le traitement de l’Hépatite C sur la recommandation de Jean-François Delfraissy qui était à l’époque directeur de l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS), qui avait lui aussi des liens avec Gilead (comme de nombreux hépatologues), et qui n’est autre que l’actuel président du Conseil scientifique Covid-19 institué par l’actuel ministre de la Santé Olivier Véran le 11 mars 2020

Et ce n’est pas fini.

On note également que Y. Yazdanpanah est depuis 2014 à la tête d’un gros consortium de recherches (REACTing) sur les maladies infectieuses en compagnie de J.-F. Delfraissy. Dans le comité de pilotage du projet REACTing (AVIESAN & INSERM), en 2014, on trouve d’ailleurs également l’anthropologue Laetitia Atlani-Duault qui, comme Y. Yazdanpanah, cumule le Conseil scientifique et le CARE.

Enfin, Y. Yazdanpanah dirige aussi un gros institut thématique de recherche de l’INSERM où il a été nommé en 2017 par le directeur général de l’INSERM Yves Lévy, qui n’est autre que le mari de l’ancienne ministre de la Santé Agnès Buzyn.

Voilà donc le (ou plutôt l’aspect le plus visible du) petit monde politico-sanitaire dont l’opposition frontale aux solutions simples et très peu onéreuses proposées par le professeur Raoult s’est retrouvée validée en mars 2020 par le ministère de la Santé, tandis que le Haut Conseil de la Santé Publique (dont le président, Franck Chauvin, intègrera le Conseil scientifique Covid-19 après le départ de Didier Raoult) recommandait de son côté pour les malades hospitalisés le Remdesivir comme « seule option thérapeutique formalisée ». A cette date, rien, absolument rien, ne permettait pourtant de le dire. En toute rigueur, si les savants critiques du professeur Raoult avaient appliqué la même objectivité et la même « rigueur éthique », il est probable que nous n’aurions jamais entendu parler du Remdesivir avant son adoubement par l’administration américaine ces tout derniers jours. Tout dans cette affaire respire décidément le « deux poids, deux mesures », les jeux de pouvoir et d’argent, et les conflits d’intérêts. Au grand désespoir des malades et des soignants.

 
Par Laurent Mucchielli, Sociologue, directeur de recherches au CNRS (Laboratoire Méditerranéen de Sociologie), www.laurent-mucchielli.org
France
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Haute trahison

Haute trahison | Think outside the Box | Scoop.it

Agnès Buzyn se demande ce qui va rester de sa réputation. Probablement pas grand-chose de bien.

 

Buzyn, sa vie, son œuvre

En publiant un article (le 17.III.2020) sur elle, le journal Le Monde vole au secours d'Agnès Buzyn, ex-ministre de la santé qui a quitté le bunker du commandement général alors que, selon ses propres aveux, la guerre était certaine, qu'elle ferait quantité de morts et qu'elle se disait la seule à le savoir!

Or, les Français ne sont pas débiles: ils savent que ce qui s'écrit dans un journal se discerne bien plutôt entre les lignes que dans ce qui s'y trouve explicitement écrit.

Quelques phrases retiennent donc mon attention dans ce publireportage qui sauve (un peu) la dame et accable (beaucoup) Macron et les siens, comme si elle n'en avait jamais été. D'abord cette entrée en la matière: "Je me demande ce que je vais faire de ma vie."  Ensuite, le plat de résistance: "Je n’ai plus de boulot." Enfin, le dessert, c'est une interrogation de la journaliste: "Si elle est encore à ce poste en 2022 et que Macron échoue, confie-t-elle à des proches, que restera-t-il de sa réputation?" Pauvre petite fille riche...

Détaillons...

La dame n'a plus de boulot?

Au mieux, soyons charitable, n'invoquons pas le pire, on lui souhaite juste de ne pas contracter le coronavirus contre lequel elle n'a rien fait, alors qu'elle en avait les moyens, tout en prétendant, toujours immodeste: "Je pense que j’ai vu la première (sic) ce qui se passait en Chine"! Autrement dit: dès décembre 2019! Quel culot...

Voilà très probablement la raison pour laquelle, éclairée par cette science prémonitoire, le 24 janvier, soit un mois plus tard, l'année suivante, cette dame dit: "Le risque de propagation du coronavirus dans la population est très faible." Quel cynisme! C'est celui d'un serial-killer sans foi ni loi! Sinon celui d'un apprenti génocidaire, on en reparlera le temps venu...

La jurisprudence Chevènement permet toujours de démissionner et, le jour dit, de convoquer la presse en expliquant les raisons de son départ du gouvernement. La morale y trouve son compte en même temps que la politique qui manifeste alors sa noblesse.

Or, y rester, c'est cautionner le gouvernement et s'en trouver solidaire. Il ne sert à rien, une fois qu’on a foiré les élections municipales de Paris, après avoir aussi perdu son poste de ministre, comme le renard et les raisins, de retrouver soudainement son intelligence en même temps que sa liberté de parole ou sa raison, sinon un zeste, mais vraiment un tout petit zeste, de morale: avec son silence complice et ses mensonges, des gens sont morts et la contamination s'est répandue à la vitesse d'un feu de forêt estival.  On imagine que, si Griveaux n'avait pas été pris la main... disons dans le sac, la dame serait toujours ministre et tout autant mutique, voire, pire, qu'elle continuerait à délivrer les messages de propagande du gouvernement du genre: "Dormez je le veux"!    

Ne pas démissionner, quand on prétend savoir ce qu'elle dit aujourd’hui connaître depuis un trimestre, à savoir que ce serait brutal et mortel, généralisé et violent, c'est clairement se montrer solidaire de l'action gouvernementale en jouant Macron contre le peuple, son petit poste contre la santé publique, sa carrière contre la vie des gens, son statut contre les Français, ses prébendes contre les plus faibles -je songe aux personnes âgées, aux malades immunodéprimés, donc aux cancéreux, aux malades atteintes du sida, et autres victimes de la vie qui vont perdre la leur dans des hôpitaux dépourvus des moyens de faire face. Le chef de l'État parle de guerre, mais il envoie au front des soignants désarmés, sans même un masque protecteur à quelques centimes alors qu’ils sont au contact de la mitraille...  Quand il s'agissait de bombarder en vain la Syrie, Macron trouvait alors de l'argent en quantité.

En ce sens, cette dame avait bien sa place chez Macron: sa morgue contre les personnels de santé qui lui demandaient depuis des mois de sauver l'hôpital public, son mépris des revendications des gens des métiers de la santé, tout cela l'a montrée telle qu'elle était, telle qu'elle est, et telle que l'éternité ne la changera pas: c'est une cynique carriériste. Son CV est rempli de postes de pouvoir et de puissance: on n'obtient jamais ces aubaines sans mettre un peu, beaucoup, sinon passionnément, la morale de côté. Plus le poste est élevé, plus ils sont collectionnés et plus la morale a été congédiée... La dame connait bien la chanson, elle la chante depuis bien longtemps.

La dame ne sait plus ce qu'elle va faire de sa vie ?

Qu'elle prie Dieu, qui n'existe pas, pour qu'après cette pandémie dont elle prétend qu'elle avait les moyens d'en ralentir la propagation sans en avoir rien fait, elle ne se retrouve pas à devoir donner des comptes au peuple français amputé des milliers morts qu'elle aura sur la conscience. Elle pourra toujours donner une seconde vie à la phrase de Georgina Dufoix quand elle fut impliquée dans le scandale du sang contaminé et qui se disculpait en affirmant qu'elle était "responsable mais pas coupable". Pas sûr que cette fois-ci, ceux qui auront connu les joies du confinement, parfois sans disposer de confortables résidences secondaires en province pour s'y replier, ou qui auront perdu un proche, s'en contentent alors...

Il existe des juridictions pour cela. Il faudrait demander aux juristes. Il faudra... Trahison? Haute trahison? Haute cour de justice? Quand sera venue l'heure des bilans, ceux qui auront failli auront des comptes à rendre. Macron a raison de dire qu'après cette épidémie, ce ne sera plus comme avant ; mais il n'imagine probablement pas ce qui pourrait lui être réservé, à lui et aux siens, dans cet après!

Cette dame prétend, la queue entre les jambes: "Je dis toujours Ministre un jour, médecin toujours. L’hôpital va avoir besoin de moi. Il va y avoir des milliers de morts."

Je ne m'avance guère, n'étant pas bien sûr que cette dame redevienne de ces médecins du rang qu'elle a méprisés quand ils lui demandaient pacifiquement de sortir la santé française du trou dans laquelle elle et la politique maastrichtienne qu'elle défend l'ont jetée! Qui peut croire une seule seconde qu'elle pourrait retrouver le chemin du travail au contact d'une kyrielle de malades avec des collègues accorts?

Car cette dame est un apparatchik de la santé, c'est pourquoi d'ailleurs elle tente de sauver sa peau en geignant aujourd'hui, en larmoyant, en pleurant: elle trouvera à se caser dans une sinécure bien payée... Voici ce que dit son long CV: "présidente du conseil d'administration de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (2008-2013), membre du Comité de l'énergie atomique du Commissariat à l'énergie atomique (2009-2015), membre du conseil d'administration (2009), vice-présidente (2010) puis présidente de l'Institut national du cancer (2011-2016), présidente du collège de la Haute Autorité de santé (2016-2017)". Qui peut croire qu'avec un pareil passé cette dame se retrouvera à la rue ?

 D'autant que son second mari (le premier était l'un des fils de Simone Veil), Yves Lévi, a été nommé directeur de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) dans des conditions, qui, semble-t-il, n'ont pas été très claires, puisqu’il a été obligé d'y renoncer afin d’éviter l'accusation de conflit d'intérêt. Qu'à cela ne tienne: il a ensuite été nommé Conseiller d'État en service extraordinaire sur proposition du ministre de la justice, une certaine Nicole Belloubet.  

Madame Buzyn n'est donc pas encore sous les ponts...

La dame se demande ce qui va rester de sa réputation? Probablement pas grand-chose de bien, mais pour ce faire, il eut fallu y songer un peu plus tôt...

Par exemple fin décembre de l'an dernier, début janvier de cette année, en expliquant au chef de l'État et au Premier ministre que, puisqu’elle avait compris avant tout le monde que le pire allait advenir, elle ne pouvait cautionner la politique suicidaire d'Emmanuel Macron en la matière  -je rappelle, pour mémoire: affréter des avions avec l'argent du contribuable pour aller chercher les expatriés en Chine, les mettre en quarantaine dans des municipalités sans en avertir les élus, envoyer les militaires responsables de ce rapatriement non pas en quarantaine mais en permission après leur mission, probablement générer ainsi le malade zéro dans la Grande Muette qui le restera, exposer la population française donc, laisser se tenir une rencontre sportive entre Italiens et Français, envoyer le 19 février dix-sept tonnes de matériel à la Chine (équipements médicaux, combinaisons, masques, gants, produits désinfectants qui aujourd'hui font défaut...) pour lutter contre leur épidémie, adjurer la population à ne pas sortir de chez elle tout en invitant quarante-huit millions d'électeurs à aller voter au premier tour des municipales dans les 35.000 communes françaises, beugler partout que le virus ignorait les frontières et qu'il n'avait pas de passeport, avant de déclarer quelques semaines plus tard qu'en fait il en avait bien un, mais que c'était le passeport de Schengen, décréter le confinement, sans utiliser le mot, en interdisant aux familles et à leurs amis d'enterrer un défunt mais, en même temps, autoriser le travail des artisans et les sorties que chacun peut s'octroyer en signant un ausweis attestant qu'il effectue ... de l'exercice physique!

Le nom de cette dame risque d'être associé au pire: sollicitée jadis par François Hollande, puis par François Fillon, embauchée finalement par Emmanuel Macron, elle grossira la longue liste des cyniques qui faisaient passer leur carrière et leur idéologie populicide avant l'intérêt général et le bien public. Elle ne sera, hélas, pas seule.

Pour faire partie de ceux dont le patronyme aurait pu scintiller au firmament des gens bien, sans plus, je ne parle même pas d'héroïsme, il lui aurait juste fallu préférer la morale à sa carrière, l'éthique aux affaires, la vertu aux petits arrangements, la grande médecine, celle de la santé publique, à la petite politique politicienne, celle des intérêts particuliers, les petites gens à son immodeste personne.

Cette dame a "des convictions de gauche" écrit la journaliste du Monde. C'est drôle, ça n'est pas du tout l'idée que je me faisais des convictions de gauche -et voilà une fois de plus cette famille politique aux avant-postes des scandales dont le peuple fait les frais.  

Hypothèse: il lui aurait suffi, en janvier, après en avoir informé Macron & Philippe qui, dit-elle, ne faisaient rien de ses prétendues objurgations, de dire publiquement ce qu'elle savait, puis de dénoncer la surdité et l'aveuglement, donc l'impéritie, du chef de l'État et de son premier ministre; dans la foulée elle aurait démissionné de son poste de ministre de la santé, mais sans pour autant courir la gueuse municipale: elle eut alors été une conscience morale. Comme son ex-belle-mère.

A l'inverse, en choisissant de se taire, certes elle a perdu son travail et son poste, elle s'en plaint d'ailleurs dans le quotidien du soir non sans vergogne, alors que d'aucuns seront des milliers à perdre la vie. A l'évidence, avec un peu de vertu, elle n'aurait pas arrêté l'épidémie, mais elle aurait épargné des vies, ce qui aurait suffi pour sauver sa réputation...  C'est raté et ce dans les grandes largeurs.

 

Michel Onfray

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La France, malade de ne plus rien produire

La France, malade de ne plus rien produire | Think outside the Box | Scoop.it

Les faits sont là, insultants. La France, 6e puissance mondiale, ne produit plus rien de ce qui pourrait la sortir de son confinement sanitaire : ni masques, ni tests, ni respirateurs, ni rien. Pas même du doliprane. La nation, qui s’enorgueillissait de son coûteux système de Santé, est semblable à un pays du tiers-monde dans ses pénuries d’outils essentiels. La voici en effet contrainte, terrassée par le Covid-19, d’appeler à l’aide des pays qui, légitimement, servent en priorité leurs propres intérêts. Le gouvernement s’achemine, faute de solutions alternatives rapides, vers l’imposition d’une quarantaine effective, comme aux pires moments des grandes épidémies de jadis. Le confinement de quinze jours a déjà prolongé de deux semaines, ce week-end, par le premier ministre. Cet immobilisme forcé s’annonce économiquement et socialement explosif. Ce lundi, les premiers masques ont été livrés par la Chine. Mais il en faudrait au moins un milliard pour que la population en bénéficie. Or la France ne peut en fabriquer que 6 à 8 millions par semaine. Les seuls besoins hospitaliers en demandent 40 millions par semaine. Les tests de dépistage manquent pareillement, faute notamment d’industries françaises de biologie moléculaire. Quand l’Allemagne arrive à proposer dès à présent 500.000 tests par semaine, la France en aligne dix fois moins. Les respirateurs sont semblablement devenus des équipements rares, fabriqués ailleurs pour l’essentiel. Quant à l’usine proche de Lyon qui fabrique de la chloroquine, ce remède contre le virus, elle a été placée en redressement judiciaire. Le naufrage français est impressionnant.

 

Quand le ministre de la Santé, Olivier Véran, assure dans le JDD : "Il n’y a eu aucun retard (…) L’anticipation a été absolue dès le premier jour >, il abime une parole officielle qu’il avait réussi à crédibiliser en usant de sobriété. La défense d'Edouard Philippe n’est pas plus convaincante quand il déclare, samedi : "Je ne laisserai personne dire qu’il y a eu du retard sur la prise de décision s’agissant du confinement". Le premier ministre a assurément pris la bonne décision. Reste que c’est son gouvernement qui avait préalablement autorisé le premier tour des municipales. J’ai moi-même défendu ce choix à l’époque, au vu des éléments qui étaient rapportés. A posteriori, l’erreur est patente. Toutefois la question est de savoir quel était alors le véritable degré d’information du pouvoir. A en croire depuis Agnès Buzyn, ancien ministre de la Santé, Emmanuel Macron avait été prévenu, le 11 janvier, de la catastrophe (Le Monde, 18 mars). Pourquoi l’Etat ne s’est-il affolé qu’au dernier moment ? Dans le Figaro Magazine, le patron des urgences de l’hôpital Georges-Pompidou à Paris, Philippe Juvin, pointe la responsabilité des conseillers, qu’il accuse de "trahison". Le professeur Didier Raoult, promoteur de la chloroquine, est proche de cette longueur d’onde quand il accuse d’incompétence, dans Le Monde de ce week-end, le Conseil scientifique mis en place par le gouvernement. Les politiques sont-ils à la hauteur ? La question, en tout cas, s’impose.

 

Par Ivan Rioufol

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