Ce véhicule au nom énigmatique de Quant e-Sportlimousine fait sensation en Europe où il vient juste de recevoir l’homologation pour une utilisation sur route. Selon son constructeur basé au Liechtenstein NanoFlowCell AG, ce véhicule électrique est capable de passer de 0 à 100 kilomètre-heure en seulement 2,8 secondes, il atteint une vitesse maximale de 350 km/h et offre une autonomie de 600 km par charge. Petit détail, cette voiture est alimentée par une batterie à l’eau salée.
Ce véhicule a éveillé l’intérêt des chercheurs de GE qui travaillent également sur ce qu’on appelle les batteries à flux, qui utilisent des liquides à base d’eau pour stocker la charge électrique. « Je m’intéresse de près aux recherches menées par NanoFuelCell », a déclaré Grigorii Soloveichik, docteur en chimie, qui travaille sur la mise au point des batteries dans les laboratoires GE. « Cette voiture à batterie à flux mise au point par ce constructeur est remarquable du point de vue de la conduite. »
Contrairement aux batteries traditionnelles, qui emploient des matières solides pour stocker et libérer l’énergie, les batteries à flux utilisent des liquides chargés, conservés dans des réservoirs séparés. Ces liquides chargés sont uniquement en contact étroit pendant la production d’électricité, ce qui réduit considérablement le risque d’incendie. « Cette technique permet d’accroître nettement le niveau de sécurité et les matériaux des électrodes se dégradent beaucoup moins pendant l’utilisation », explique Soloveichik, « ce qui permet de les réutiliser de très nombreuses fois.»
Légende de la photo : Premier modèle de batterie à flux à base d’eau conçu pour être utilisé sur des véhicules électriques.
Selon Soloveichik, les batteries à flux peuvent contenir « des dizaines de kilowattheures », dans la mesure où c’est la taille des réservoirs qui détermine la quantité d’énergie que les batteries peuvent stocker. Outre les véhicules, les batteries à flux peuvent être utilisées comme énergie de secours pour les systèmes commerciaux et résidentiels, pour stocker l’électricité produite par des sources d’énergie renouvelables et également pour venir en appui au réseau électrique. « Elles peuvent par exemple stocker l’énergie éolienne, de sorte que les compagnies d’électricité puissent les utiliser quand elles en ont besoin », poursuit Soloveichik.
Cette technologie pourrait prochainement s’avérer utile. Il y a un an, la Californie a instauré le premier mandat de stockage d’énergie aux États-Unis, imposant aux distributeurs d’électricité d’acquérir 200 mégawatts de stockage d’énergie d’ici 2014, et 1 325 à l’horizon 2020. Cette mesure a pour but d’améliorer la fiabilité du réseau et de capter et de stocker une part plus importante d’énergies renouvelables.
Soloveichik a publié récemment un article dans la revue Naturesur les recherches en matière de batteries à flux menées par une équipe de Harvard. Dans cet article, il explique que l’augmentation de la part de « sources d’énergies renouvelables disponibles par intermittence », comme l’énergie éolienne et solaire à plus de 20 % nécessiterait de disposer de nouveaux « systèmes de stockage bon marché et flexibles. » Les batteries à flux pourraient bien être la solution.
Il explique que, en l’état l’actuel des choses, les possibilités sont limitées soit à des zones géographiques très précises (telles que le pompage de l’eau à partir d’un réservoir vers un niveau élevé comme source d’énergie potentielle), soit à des solutions onéreuses (par exemple, des batteries conventionnelles, des volants d’inertie et des systèmes de stockage électromagnétique supraconducteur).
Au cours des cinq dernières années, les chercheurs de GE ont développé des carburants liquides pour batteries à flux dont l’énergie massique est suffisamment élevée pour alimenter des voitures électriques. Ce projet s’inscrit dans le cadre des programmes du Energy Frontier Research Center, financé par le Département américain de l’énergie.
Soloveichik et son équipe travaillent actuellement dans le cadre du programme ARPA-e, sous l’égide du Département de l’énergie, en vue de mettre au point une batterie à base d’eau capable d’alimenter un véhicule électrique dont l’autonomie serait de 380 km.
Son équipe et lui ont d’ores et déjà prouvé que les objectifs du programme ARAP-e, en termes d’énergie massique et de coût, sont réalisables. Il leur reste maintenant à obtenir suffisamment de puissance en agissant sur la chimie de la batterie. Si l’on en croit Soloveichik : « Il s’agit d’une technologie novatrice et nous pensons que nous pouvons dépasser les objectifs initiaux. »