« Grâce à l'agriculture urbaine, les Albigeois seront autosuffisants » | Think outside the Box | Scoop.it
Jean-Michel Bouat est le premier adjoint au maire en charge de l'agriculture urbaine en Midi-Pyrénées. Pour sa ville d'Albi, il veut préserver l'environnement, et garantir la sécurité alimentaire de tous les habitants. Sans budget ni calendrier mais avec foi dans le développement durable. 

 

Comment vous est venue l’idée d’une délégation dédiée à l’agriculture urbaine ?

Il s’agissait pour moi de remettre du lien entre la terre, la ressource, et les habitants. L’idée a émergé au cours du précédent mandat et elle a été validée pour celui qui a débuté cette année. Parce qu’il y a une part d’incertitude sur la question alimentaire pour les urbains. Il n’y a que quelques jours de stock de nourritures par exemple, ce qui constitue une sorte de danger pour les populations en précarité, les plus aisés trouveront, eux, toujours à se fournir. Par ailleurs, il semble évident que le modèle économique actuel ne fonctionne pas puisque les files d’attente auprès des associations comme les Restos du cœur ne cessent de s’allonger. Aussi, réintroduire la production agricole en ville est une solution pour sécuriser l’accès de tous à la nourriture. Autrefois il y avait des jardins ouvriers, de cheminots, de mineurs à Albi. Des jardins familiaux et partagés. Nous procédons à une réappropriation des espaces dans ce même esprit. Avec du maraîchage et des vergers.

 

Comment est mise en œuvre cette politique de réintroduction de l’agriculture en ville ?
Depuis plusieurs décennies nous avons abandonné beaucoup de foncier, au profit de l’urbanisation. Ces terres de premières catégories sont perdues hélas pour l’agriculture. Pour autant, des îlots peuvent retrouver une vocation agricole, de nombreuses parcelles sont à reconquérir notamment en bas des immeubles ou autour de certains espaces publics. Avec des associations, comme les Incroyables comestibles, nous portons divers projets notamment d’un grand jardin sur le site de l’Université Champollion, ou dans différents quartiers comme bientôt à Lapanouse. Là ça concerne les habitants dans leur ensemble. Par ailleurs nous avons prévu de convertir les terrains en friche de la zone de Canavières en jardins maraîchers professionnels avec pour finalité la redistribution en circuit-court. Pour cela les Canavières ont été déclarées zone à action différée : la collectivité préempte toutes les parcelles à la vente, les achète et les propose ensuite, via un bail et des conditions économiques d’installation facilitées, à des producteurs. Un agriculteur et sa fille sont déjà installés, un jeune vient tout juste de signer pour un demi-hectare. 73 hectares seront ainsi disponibles.

 

Au-delà des projets de reconquête des terres, l’agriculture urbaine peut-elle être aussi verticale à Albi ?

Créer des jardins sur les toits, ce sera difficile en centre-ville. Mais au-delà pourquoi pas. Aujourd’hui les cabinets d’architecture sont en capacité d’imaginer de tels aménagements. C’est une option supplémentaire sur laquelle il est possible de se pencher, elle participe de la reconquête de l’espace urbain. Car à terme, nous visons l’autosuffisance. Les Albigeois doivent pouvoir se nourrir dans un périmètre de 50 à 60 kilomètres à la ronde grâce à des circuits raccourcis également. A la fin de la mandature nous établirons un bilan pour déterminer alors à quelle échéance cette ambition peut être effective.

 

Quel budget investit la municipalité dans ces projets d’agriculture urbaine ?

Je n’en fais pas une question d’argent et il n’y a pas de budget défini. Ce qui n’empêche pas d’avancer. De toute façon ça coûte très peu : les graines ça se trouve, ça s’échange. Les terrains dont nous faisons l’acquisition relèvent du foncier agricole, leur prix est donc moindre. Non, ça ne coûte pas cher de transformer des pelouses en jardins nourriciers, même si les équipes municipales participent à leur entretien comme au cloître Saint-Salvy déjà. C’est un investissement pour les générations futures.

 

Albi pourrait devenir un modèle en France sur la question de l’agriculture urbaine ?

Nous n’avons pas cette prétention. Si ça peut inspirer d’autres villes, ce ne peut être que positif. Pour les citoyens et l’environnement. Fini alors de consommer un légume produit à 3 000 kilomètres. L’écologie n’a rien de révolutionnaire, c’est du bon sens. Et plus la population s’en empare, plus elle participe, plus les projets vont loin. Ce pourquoi je m’emploie plus à convaincre qu’à vaincre. En tant qu’élus nous sommes davantage efficients en adoptant une telle démarche, et l’actualité tarnaise de ces dernières semaines ne dit pas autre chose.
 

Recueilli par Nathalie Malaterre