Le jeune Anonymous arrêté répond par un poème à l’État français | Think outside the Box | Scoop.it

Le 8 avril dernier, à 06h00 du matin, un jeune français de 19 ans était arrêté à son domicile. Son crime, être soupçonné d’avoir participé à des attaques informatiques contre des sites institutionnels dans le but de dénoncer la politique d’enfouissement des déchets nucléaires et le meurtre de Rémi Fraisse. Acculé, il nous dévoile sa personnalité cachée derrière le masque à travers un poème rédigé peu après son arrestation.

 

Connu sous le pseudonyme de journaliste liberty ou de Boby sur IRC, administrateur de la chaîne Youtube Anonymous France et auteur de nombreuses vidéos contre Monsanto, TAFTA, le génocide au Congo ou encore le barrage de Sivens, ce jeune garçon risque aujourd’hui 10 ans de prison et/ou 150 000 euros d’amende. Un jugement particulièrement attendu car la privation de liberté du jeune homme symboliserait une fois de plus la dérive sécuritaire observée en France, notamment par la criminalisation des mouvements sociaux alternatifs sur internet.

Hacktiviste dans l’âme (contraction des mots hacker et activiste), il voulait donner un sens positif et engagé à sa vie et à ses actes. Ne pas se limiter aux paroles mais passer à l’action concrète. À ses yeux, à tort ou à raison, quand Anonymous attaque un site internet d’une institution, c’est dans le but de revendiquer une volonté collective de justice écologique et/ou sociale. Alors que tant d’autres hackers bien plus organisés veulent nuire à autrui, voler des informations bancaires ou avoir accès à des données personnelles, eux cherchent à mobiliser et faire réagir les pouvoirs, par exemple, en rendant un site momentanément inaccessible.

Mais derrière le masque de cet Anonymous, que certains tentent d’assimiler grossièrement à de cyber-terroristes, il y a un jeune garçon sortant à peine de l’adolescence, plein de rêves et d’idéaux en tête, amoureux d’écriture et de poésie.

 

L’opération #OpGPII tourne mal

C'’est son implication dans l’#OpGPII contre les Grands Projets Inutiles Imposés (vidéo ci-dessous) qui a motivé son arrestation par 7 agents de la DGSI ainsi que celle d’un autre Anonymous âgé de 40ans et d’une autre personne à Nantes plus tard (source). L’opération d’Anonymous visait plusieurs projets industriels portés par le gouvernement français (Notre-Dame-Des-Landes, Sivens, Roybon, Bure…), largement contestés en raison de leurs déficits démocratiques, de l’utilisation massive de fonds publics, ainsi que pour leurs impacts environnementaux, souvent négligés ou tout simplement ignorés en dépit des rapports de spécialistes.

Mais les accusations contre le jeune garçon portent plus essentiellement sur les attaques informatiques réalisées pour protester contre le projet d’enfouissement de déchets nucléaires à Bure. Attaques qui ont touché plusieurs sites de L’ANDRA (Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs), ainsi que le conseil général de la Meuse et le conseil régional de la Lorraine en décembre dernier.

La motivation des Anonymous à s’engager sur le sujet de Bure est avant tout citoyenne, à en juger par leurs communiqués et revendications postés avant et aprèq leurs attaques. Ils mettent notamment en avant une initiative citoyenne des habitants meusiens qui demandaient, à travers une pétition en 2006 qui avait réuni près de 60 000 signatures (sortirdunucleaire.org), la réalisation d’un référendum local autour de ce projet. Pétition que Christian Namy (le président du conseil général de la Meuse) avait ignoré à l’époque.

La liberté d’expression sur internet, jusqu’où ?

Les attaques informatiques menées contre ce projet d’enfouissement de déchets nucléaires ont été réalisées sous la forme de DDOS  (Attaque par Déni de Service). Cette attaque consiste à envoyer un grand nombre de requêtes à un serveur internet pour le saturer temporairement (un peu comme une manifestation dans la rue, ou un blocus dans une université). Un moyen d’action relativement « soft » malgré tout réprimé par l’art 323-1 du code pénal.

Plus surprenant, l’Anonymous de 19 ans n’est pas accusé d’avoir réalisé ces attaques mais d’avoir participé à l’organisation de l’opération, fait réprimé par l’art 323-4 du code pénal. En outre, le parquet a retenu la circonstance aggravante car les faits auraient été commis en « bande organisée », ce qui double la peine encourue. Elle se totaliserait donc à 10 ans de prison et 150 000 € d’amende pour de la « simple » communication sur internet (et réalisation de vidéos). Dès lors une question se pose : les sites qui parlent des opérations d’Anonymous sont-ils sujets à des poursuites ? Par corolaire, doit-on s’auto-censurer en tant qu’utilisateurs, blogueurs et journalistes ?

Le jugement initialement prévu le 9 juin à la cité judiciaire de Nancy a fait l’objet d’un renvoi par l’avocat du jeune anonyme. Pour le moment, la nouvelle date du jugement est inconnue. Le collectif BureStop organisera très probablement une manifestation de soutien devant la cité judiciaire. Nous vous tiendrons informé de toute information relative à cette mobilisation de soutien.

 

Nota :

Le jugement a été reporté au 9 novembre à 9 h à la cité judiciaire de Nancy. À 4 jours près, on manquait une date très symbolique… On s’attend à une forte mobilisation pour défendre le jeune homme.

Fidèle lecteur de Mr Mondialisation, Boby nous a fait livrer deux de ses poèmes qui révèlent son humanité et sa simplicité.

Avec son accord, nous les partageons avec vous.