"Pour les transhumanistes, l'Homme va vivre plus de 1.000 ans" | Think outside the Box | Scoop.it

Plus de 700 scientifiques viennent de signer une pétition contre les dangers de l'intelligence artificielle. Laurent Alexandre, chirurgien urologue et président de DNAVision, explique les enjeux du transhumanisme, qui vise à augmenter les capacités physiques et mentales de l'être humain., qui pourrait vivre jusqu'à 1.000 ans.

 

Qu'est-ce que le transhumanisme ?

Il s'agit d'une idéologie démiurgique, qui veut d'une part rendre l'Homme immortel, d'autre part, augmenter autant que faire se peut ses capacités et défenses physiques et enfin "brancher" de l'intelligence artificielle directement sur le cerveau humain.

 

Ce mouvement est-il porté par des entreprises?

Oui, et l'entreprise qui est le plus en pointe dans ce mouvement très populaire dans la Silicon Valley est Google, qui via sa filiale Calico veut "tuer la mort", comme l'a récemment titré le magazine Time. Et Google Ventures, leur filiale de capital-risque dirigée par Bill Maris est elle aussi très impliquée dans le transhumanisme. Tout comme Kurz Weil, "director of engeneering " chez Google, et qui tient un blog sur ce sujet. Car c'est Google qui est vraiment en pointe sur ce thème : ils évoquent par exemple la notion "d'uploading", qui permettrait de transférer un esprit ou une âme humaine dans un ordinateur, pour la sauvegarder en attendant de la transférer dans un corps humain…

L'opération inverse, le "downloading", consiste à intégrer au corps et au cerveau humain des éléments d'intelligence artificielle, comme une mémoire étendue ou un "moteur de recherche" intégré, par exemple. Ils sont tellement en pointe qu'ils ont d'ailleurs racheté la quasi-totalité des entreprises de robotique, par exemple. On peut voir un exemple de ces réalisations avec Spot, leur "chien-robot" créé par leur filiale Boston Dynamics. Et ils financent aussi la Singularity University, qui consacre ses travaux au transhumanisme.

 

D'autres sociétés sont-elles aussi impliquées dans ce mouvement?

Oui, par exemple tous les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) sont impliqués, ils ont tous investi massivement dans l'intelligence artificielle, par exemple. Toujours dans la Silicon Valley, le scientifique et entrepreneur Peter Diamantis, cofondateur de la Singularity University, travaille aussi sur ce sujet. Et le débat sur le transhumanisme commence même à gagner le grand public, grâce à des débats publics et des articles de presse.

 

Est-ce que ce mouvement suscite des débats ?

Oui, bien sûr, et certains dirigeants d'entreprises ou ex-dirigeants high-tech américains commencent à s'inquiéter de ce phénomène, comme Bill Gates, l'ex-PDG de Microsoft, qui estiment que l'intelligence artificielle peut être à terme dangereuse pour l'Homme. D'autres estiment que ce mouvement est légitime, car qui ne voudrait pas échapper aux maladies? Qui ne voudrait pas vivre 1.000 ans?

 

Hum, on peut ne pas vouloir vivre 1.000 ans…

Ah, ça, ce sont les dépressifs qui disent ça, mais si vous êtes en pleine santé, heureux de vivre, content d'être sur Terre, n'auriez-vous pas envie de vivre 1.000 ans? Si vous leur posez la question, la majorité des gens répondront "oui" ! Qui veut d'une humanité fragile ? Qui préfère être malade et chétif au lieu d'augmenter ses capacités ?

En fait, on peut dire qu'il existe un "transhumanisme défensif", qui vise à protéger l'espèce humaine des maladies et des atteintes dues au vieillissement, et un" transhumanisme offensif", qui s'emploie à augmenter les capacités de l'être humain?

Oui, c'est un peu ça. Et c'est bien sûr le deuxième qui fait débat, la plupart des gens acceptant les progrès de la médecine. D'ailleurs, à ce titre, on peut considérer que le transhumanisme existe déjà, avec toutes les prothèses artificielles très sophistiquées qui existent actuellement. J'en avais fait la remarque lors d'un débat à Jean-Michel Besnier, un opposant au transhumanisme, en lui disant que du fait de l'existence de ces prothèses, nous étions tous aujourd'hui, sans le savoir, partisans de ce mouvement.

 

Ce mouvement -ou cette idéologie- comporte-il des risques?

Tout mouvement démiurgique comporte des risques, bien sûr. Même Elon Musk, par exemple, le fondateur de Tesla, a déclaré en 2014 que les robots pouvaient être plus dangereux que le nucléaire. Il a aussi récemment co-signé un appel récemment avec Stephen Hawking et plusieurs centaines de scientifiques et d'universitaires pour lancer une alerte sur les dangers potentiels de l'intelligence artificielle.

 

Justement, que pensez-vous de l'expérience de Gabriel Licina, qui s'est fait injecter dans les yeux une substance devait lui permettre de bénéficier de la vision nocturne des chats?

Disons qu'il est clair que les effets secondaires n'ont pas encore été évalués à ce stade.

 

Peut-on parler de "folie des grandeurs" chez les tenants du transhumanisme ?

Ils défendent une idéologie démiurgique… Par définition, celle ci- ressortit à une volonté paranoïaque de rendre l'Homme tout puissant et maître de l'univers. C'est une vision qui se trouve aux antipodes de la pensée religieuse, et les défenseurs du transhumanisme  pensent que "l'Homme 2.0" dont ils souhaitent l'avènement n'est ni plus ni moins qu'une sorte de Dieu…

 

Les Etats envisagent-ils de légiférer sur le sujet, pour éviter les abus, par exemple?

Cela semble difficile, car si des lois trop contraignantes existent, les gens iront bénéficier de ces avancées dans les pays où elles seront légales.