A juste titre, le début d’application de la loi sur les oeuvres indisponibles suscite l’indignation de tous ceux qui défendent les droits des auteurs et, parmi eux, de ceux qui veulent réaffirmer leur synergie avec les droits du public. Cette indignation s’exprimer à travers des mots forts : vol, spoliation, dont l’usage est compréhensible, mais dont il n’est pas sûr qu’ils suffisent à décrire et à reprendre la main sur ce qui se passe réellement. Je voudrais montrer ici que la loi sur les œuvres indisponibles et son application ne sont que des facettes d’un système beaucoup plus général dans lequel l’Etat et plus généralement les institutions culturelles deviennent partie, organisateurs même, d’un système d’appropriation au service d’intérêts privés très éloignés des buts qui devraient être ceux des politiques culturelles. Chacune des étapes de ce processus peut paraître anodine ou plus criticable mais sans qu’il y aît forcément lieu de monter au plafond. Et pourtant leur effet cumulé est bel et bien de changer complètement le sens du cadre juridique et politique, dans le cas qui nous occupe d’un droit des auteurs et à un moindre degré du public vers un droits des éditeurs au détriment de l’immense majorité des auteurs et de la totalité du public. C’est la frustration générée par cette dérive, le sentiment que le système entier est devenu pervers qui explique la fureur des réactions. Celle-ci est à mon sens pleinement justifiée, mais ne sera efficace que si elle s’attaque au processus d’ensemble.


Via Aurélien BADET