Murielle Joudet dans Le Monde - 14 février 2024
Pour son passage derrière la caméra, le metteur en scène confond virtuosité et agitation, flamboyance et académisme.
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https://www.lemonde.fr/culture/article/2024/02/14/le-moliere-imaginaire-olivier-py-filme-un-etouffant-huis-clos-eclaire-a-la-bougie_6216475_3246.html
L’AVIS DU « MONDE » – ON PEUT ÉVITER
Metteur en scène et ancien directeur du Festival d’Avignon, Olivier Py passe derrière la caméra, sans trop s’éloigner de son premier amour : Le Molière imaginaire se veut un portrait libre et néanmoins documenté de l’homme de théâtre. S’écartant du biopic en bonne et due forme, Olivier Py préfère se focaliser sur les derniers instants de son héros (incarné par Laurent Lafitte, de la Comédie-Française) : selon la légende, Jean-Baptiste Poquelin serait mort le 17 février 1673 sur la scène du Théâtre du Palais-Royal, en pleine quatrième représentation du Malade imaginaire. Ce soir-là, l’artiste, très affaibli, continue pourtant de jouer, offrant au public le spectacle de sa lente agonie.
Entre les coulisses et la scène, ce sont toutes les strates de son existence qui sont mobilisées : sa vie amoureuse ; son rapport au pouvoir et à la religion ; sa liaison supposée avec Michel Baron, grand comédien de l’époque, laquelle permet au metteur en scène d’évoquer un Molière bisexuel – fait accrédité par plusieurs biographes.
Un grand tableau numérique
On ne pourra pas dire, néanmoins, que le film contribue à revitaliser un monument national, qui n’en avait pas forcément besoin, c’est même plutôt un sentiment fort de claustration qui se dégage de ce huis clos éclairé à la bougie, aux couleurs saturées ocre et rouge, filmé à grand renfort de plans-séquences – le résultat ressemble à un vaste tableau numérique aux couleurs baveuses, particulièrement laid.
La caméra gesticule en tous sens, les acteurs déclament et fatiguent. Au lieu de libérer l’émotion et le sens, ces partis pris esthétiques les enferment dans un dispositif qui prend son agitation pour de la virtuosité, son académisme pour de la flamboyance. Ce qui marche peut-être au théâtre épuise rapidement dans une salle obscure.
Film français d’Olivier Py. Avec Laurent Lafitte, Stacy Martin, Bertrand de Roffignac (1 h 34).