Revue de presse théâtre
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L’Eden Cinéma, texte de Marguerite Duras, mise en scène de Christine Letailleur.

L’Eden Cinéma, texte de Marguerite Duras, mise en scène de Christine Letailleur. | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Véronique Hotte dans son blog Hottello, le 8 février 2020

 

 

 

L’Eden Cinéma, texte de Marguerite Duras, mise en scène de Christine Letailleur.

L’Eden Cinéma (1977) de Marguerite Duras est une réécriture pour le théâtre d’Un Barrage contre le Pacifique (1950), représentée le 25 octobre 1977 par la Compagnie Renaud-Barrault au Théâtre d’Orsay, et mise en scène par Claude Régy.

Suzanne et Joseph racontent la vie de leur mère, arrivée en Indochine en 1912.

Dans les années 1920/1930, enseignante et veuve, elle travaille comme pianiste dans un cinéma de Saïgon, L’Eden, assurant ses finances pour élever ses enfants.

Après dix ans d’économies, elle achète une concession afin d’en tirer bénéfice.

Or, ces terres ne sont pas cultivables, trop proches de la mer ; il aurait fallu soudoyer les agents du cadastre – dessous-de-table et pots de vin-, apprendra-t-elle plus tard, afin que lui reviennent des terres à travailler, « honnêtes » et non mensongères.

Ruinée, la mère obstinée est brisée, n’ayant vécu que pour reconstruire le barrage.

Peu d’estime et de considération accordée aux « petits blancs » qui sont placés juste au-dessus des « indigènes » sur l’échelle sociale hiérarchisée et close des colonies.

A travers l’histoire du combat de cette femme, qui voit ses efforts ruinés par la corruption de l’administration coloniale, le fils et la fille revivent un passé prégnant.

Pour la metteure en scène Christine Letailleur qui a monté Hiroshima mon amour  de Marguerite Duras en 2009, la pièce a valeur d’autobiographie romancée – un voyage à la fois exotique et trivial dans un espace mémoriel et territorial revisité, un retour en même temps à l‘éveil universel du désir et un réquisitoire contre le colonialisme.

« Les barrages, ce serait des talus de terre étayés par des rondins de palétuvier – imputrescibles – qui devaient tenir cent ans, au dire de la mère … Ecoutez les paysans de la plaine, eux aussi, elle les avait convaincus. Depuis des milliers d’années que les marées de juillet envahissaient les plaines… Non… disait-elle. Non… Les enfants morts de faim, les récoltes brûlées par le sel, non ça ne pouvait aussi pas durer toujours. Ils l’avaient crue. » Marguerite Duras, Gallimard, (1989).

Le dépouillement et l’abstraction de l’écriture de Duras fascinent Christine Letailleur. L’Eden Cinéma, inspiration scénique issue du roman, se présente telle une déambulation entre théâtre, cinéma et littérature – prose poétique et passages narratifs, dialogues, monologues, didascalies, époques et espaces enchevêtrés.

Les didascalies scéniques indiquent un espace vide autour du bungalow, une allusion à la plaine de Kam, dans le Haut-Cambodge, entre le Siam et la mer.

Quand les acteurs entrent dans la salle de cinéma, à l’Eden, la mère joue du piano, et des images sont projetées en noir et blanc, celles d’un extrait de film de l’époque du cinéma muet, en lien avec la sensualité à fleur de peau de jeunes gens éprouvés.

Ainsi, des images de couples des films Erotikon de Gustave Machaty (1929) et Le village de Namo : panorama pris d’une chaise à porteurs de Gabriel Veyre (1900).

Le récit et la scène joue des allers et retours et va-et-vient entre passé et présent, selon les réminiscences ressenties et les mouvances d’une expérience singulière.

Les périodes varient, les acteurs changent, jouant leur personnage jeune ou âgé ; la narratrice Suzanne, fort attentive à l’existence, se réconcilie avec sa propre histoire.

Dans L’Eden Cinéma, celle-ci est l’alter ego de Marguerite Duras, et n’a qu’un frère, Joseph – fusion de l’aîné Pierre, le bandit, le préféré de la mère, et du petit Paul.

La représentation invite à un retour à soi littéraire, romanesque et réinventé – une fiction. De même, est donnée à voir la relation incestueuse implicite entre le frère et la sœur et la jeune fille privilégie ce chasseur indiscipliné au détriment de M. Joe.

Celui-ci, fils indigène d’un riche spéculateur qui possède des plantations de caoutchouc, sera le prétexte, dans l’esprit de la jeune Suzanne, de sa propre prostitution consentie et acceptée pour la survie morale et spéculative de la mère.

Si la ségrégation du temps se fait entre blancs et autochtones, elle se fait davantage encore entre les classes sociales – riches colons et petits colons. M. Joe ne peut épouser Suzanne qui n’est qu’une fille de déclassés ; son père le déshériterait.

La mère est hystérique, repliée sur le désir vengeur d’un enrichissement à l’arrache.

Pourtant, l’amour circule : « Les enfants embrassent les mains de la mère, caressent son corps toujours. Et toujours elle se laisse faire. Elle écoute le bruit des mots. ».

Musiques de La Valse de l’Eden de Carlos d’Alessio ; le public aborde les confins de l’imaginaire durassien, le bungalow, la plaine, les bords de mer, les rues de Saïgon.

L’espace d’Emmanuel Clolus est pur et troublant – un rêve mouvant – piste de danse de Réam, bordure de l’océan ou ombres de la forêt proche, qu’arrête encore le sol de bois du bungalow surélevé, limité par les murs de trois panneaux coulissants.

Annie Mercier est une mère mythique attachante, une figure populaire, dure et têtue.

Caroline Proust interprète Suzanne, jeune fille ou bien femme jeune, envahie par des sentiments passionnels pour son frère et pour sa mère. Le tonique Alain Fromager incarne le mauvais garçon, amant symbolique et dévoyé d’une mère et d’une sœur.

Quant à Hiroshi Ota, il est l’étrange M. Joe, acteur japonais qui jouait avec Valérie Lang dans Hiroshima mon amour de Duras, dans la mise en scène de Christine Letailleur encore, il parle quelquefois la langue vietnamienne pour L’Eden Cinéma.

 Une balade entre théâtre et littérature, jeunesse et existence, désir et renoncement.

Véronique Hotte

TNS – Théâtre National de Strasbourg, 1 avenue de Marseille 67000 – Strasbourg, du 4 au 20 février, à 20h, relâches les 9 et 16 février. Tél : 03 88 24 88 24.

Théâtre de la Ville – les Abbesses-, du 2 au 19 décembre 2020.

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Dominique Blanc : « L’autre est mille fois plus intéressant que soi »

Dominique Blanc : « L’autre est mille fois plus intéressant que soi » | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Annick Cojean dans Le Monde :

 

Je ne serais pas arrivée là si…

… Si, à 15 ans, alors que j’étais une ado timide et mal dans sa peau, je n’avais pris des cours d’expression corporelle avec Orlan. Elle n’était pas du tout connue à l’époque et je n’avais aucune idée qu’elle jouerait un rôle majeur dans l’art contemporain. Mais elle nous invitait à travailler sur notre corps, faire des improvisations ; tout cela, les yeux fermés, extrêmement concentrés. Et j’ai soudain eu le sentiment d’accéder à un monde intérieur, un monde où j’avais enfin le droit d’exister. Les nœuds se dénouaient, les interdits disparaissaient, l’imaginaire se libérait. Moi qui étais si introvertie et si coincée, verrouillée par le regard des autres, je m’évadais et m’épanouissais. Comme un envol. Une prise de liberté.

Avez-vous jamais revu Orlan ?

Non. J’ai suivi de loin ses expériences, son travail de transformation corporelle et son engagement dans l’art moderne. Mais il faudrait que ces retrouvailles aient lieu, certainement. Car c’étaient des heures qui comptaient beaucoup pour moi. J’étais lycéenne, et si complexée…

Pourquoi ?

J’étais encombrée par mon physique, le corps et le visage. Je n’étais pas du tout dans les canons de l’époque, ne me maquillais pas, n’étais pas coquette le moins du monde. J’étais bonne élève, en section mathématiques. Mais je n’avais pas beaucoup d’amis et je parlais très peu. A la maison, où nous avions été cinq enfants, la cellule se resserrait et j’avais l’impression qu’elle se refermait sur moi car les aînés s’étaient envolés et ma petite maman – qui vient juste de partir – en concevait beaucoup de chagrin. Ah non, l’adolescence ne fut pas drôle du tout ! Une période très noire, beaucoup de tristesse et de douleur.

Quels rêves faisiez-vous pour l’avenir ?

Il était entendu que je ferais de longues et brillantes études et mes parents avaient l’espoir d’une belle carrière. Je ne me reconnaissais pas dans ce plan, mais j’avais envie de leur faire plaisir. Mon père, qui était gynécologue accoucheur, nous avait prévenus : « si vous voulez faire médecine, sachez que je ne vous aiderai jamais ! J’ai trop souffert de ces fils de mandarins, protégés et arrogants ! Vous vous débrouillerez tout seuls. » Résultat : aucun des cinq enfants n’a choisi cette voie. Et pourtant, moi, j’avais sérieusement pensé à la psychiatrie. Je me sentais une réelle empathie pour la souffrance, la douleur de l’âme humaine. Cela me fascinait. Je lisais beaucoup sur le sujet, notamment le docteur Bruno Bettelheim. Mais, en me disant que c’étaient des études extrêmement longues forcément suivies d’une analyse, mon père m’a découragée. Devenir indépendante à 31 ans me semblait catastrophique ! Alors je me suis dirigée vers l’architecture.

Quel rapport ?

Eh bien je m’étais passionnée pour les travaux de Bettelheim avec les enfants autistes aux Etats-Unis où il se servait notamment de l’architecture. Alors il m’a semblé que la filière archi réunissait tout ce qui m’attirait : la création, l’artistique, et le travail au plus près de la souffrance. Mais j’ai vite été déçue. Je me suis retrouvée dans un univers machiste, beaucoup moins ouvert que prévu. Tout était tellement formaté. Je me suis cramponnée pendant deux ans et je suis partie à Paris. Officiellement – pour mes parents – suivre les cours d’une Unité pédagogique engagée, très féministe d’ailleurs. Mais en réalité, je me suis tout de suite inscrite à un cours d’art dramatique. Il fallait que je m’offre ce rêve. La petite lumière allumée par Orlan ne demandait qu’à être ravivée. Et j’ai été happée !

Quelle a été la réaction de vos parents ?

Ils ont été très choqués. Ça ne pouvait pas être un métier. J’ai mis des années à comprendre qu’ils étaient angoissés par la précarité de la profession et cette réputation d’univers à piston et à promotion canapé. Ce fut presque une rupture. « Si tel est ton choix, m’ont-ils dit, tu l’assumes entièrement. On va t’assurer gîte et couvert, comme on l’a fait pour tes frères et sœur ; mais tu te débrouilles pour financer ta formation, on ne veut pas savoir ! ». J’ai donc fait tous les boulots possibles pour payer mes cours : femme de service dans un hôpital, gardienne de chiens dans le 16e, caissière, femme de ménage. J’ai posé nue pour un peintre japonais qui faisait des copies de Renoir pour les vendre dans des supermarchés au Japon. C’étaient des poses très pudiques et j’étais bien payée. Mais le peintre s’est approché d’un peu trop près et il fallut arrêter. Tout cela m’apprenait beaucoup et le théâtre s’imposait dans ma vie.

Quelqu’un croyait-il alors en vous ?

François Florent, dont je suivais les cours. Il continuait à me soutenir tout en me disant : «  tu n’auras jamais le Conservatoire, tu n’auras jamais l’Ecole de la rue Blanche. Mais il faut qu’ils te voient ! ».

Pourquoi ce défaitisme ?

Chaque époque a ses critères qui sont à la fois physiques et mystérieux. Et j’ai en effet raté toutes mes auditions. Mais j’ai rencontré Pierre Romans, dont tous les élèves étaient amoureux, et qui avait le talent de transformer ces vilaines chenilles boutonneuses que nous étions en merveilleux papillons. Il avait un tel charisme, une telle gentillesse, un tel amour de notre jeunesse qu’on en devenait invincibles. Et moi, je suis devenue belle pour la première fois. Il m’a tout de suite aimée et donné un rôle dans son spectacle sur Tchekhov qui s’appelait Les jours et les nuits. Nous étions terrorisés car toute la profession, agents et directeurs de casting, devait venir. D’ailleurs mes camarades ont tous plus ou moins trouvé des contacts et du boulot. Sauf moi. Jusqu’au jour où sur mon répondeur téléphonique, j’ai trouvé le message d’un personnage timide et angoissé qui me proposait un rendez-vous. C’était Patrice Chéreau. Il avait fait un aller-retour entre Bayreuth et Paris pour voir le spectacle de son ami Romans et m’avait remarquée. Je n’arrivais pas y croire. Je me demande bien qui pourrait produire aujourd’hui le même effet sur une jeune comédienne !

Alors, la rencontre ?

Je suis allée chez lui, un vendredi, au 4 rue de Braque. Il préparait Peer Gynt d’Ibsen, un spectacle de huit heures, un truc fou, avec Gérard Desarthe, Maria Casarès et une vingtaine d’autres comédiens. Et pendant deux heures, il m’a parlé de son rêve, du texte et de la mise en scène, exactement comme si j’allais jouer le rôle principal. Au bout de l’entretien, il m’a dit : « vous allez lire la pièce, et vous me rappellerez. » J’ai dit : « non non ! Je suis d’accord ! » Ça l’a fait sourire. Et j’ai le souvenir du premier jour de lecture où nous étions tous réunis autour de la table : comédiens, traducteur, techniciens. J’étais tellement terrorisée que je rougissais jusqu’au bout des oreilles lorsque je devais parler, trop inquiète pour regarder quiconque. Chéreau était alors au sommet de sa création théâtrale. Observer ces gens répéter sans cesse et jouer pendant un an fut une école d’excellence.

De quoi vous rendre difficile, exigeante, pour le reste du parcours.

C’est vrai. J’avais connu le sacro-saint des lieux, le reste risquait de paraître fade. Je savais en tout cas que je voulais faire ma carrière dans le théâtre subventionné. J’avais l’impression que dans le privé, le comédien était peut-être considéré comme une vedette, mais aussi comme un guignol, disons plutôt un amuseur. Qu’on y était moins exigeant en matière de texte, qu’il n’y avait guère de temps pour les répétitions. J’étais très inconsciente à l’époque. J’ai écrit à des tas de gens. Et les rôles se sont peu à peu enchaînés. Chéreau, Romans, Bondy, Vincent, Vitez. Avec de longues attentes, hein, car dans ce métier, il faut chaque fois tout recommencer.

Vous rêviez de faire du cinéma ?

Pas du tout. Une simple figuration dans un film de Godard avait été une expérience odieuse. Mais Régis Varnier m’a vue jouer à Nanterre au moment où il cherchait une actrice pour interpréter une jeune alcoolique dans La femme de ma vie. Il m’a dit que j’étais le sosie de sa sœur, elle-même alcoolique, et il m’a engagée. Forte de l’enseignement de Chéreau, je me suis donc inscrite aux Alcooliques anonymes. J’ai eu un parrain et une marraine, me suis rendue à l’Eglise américaine où se rencontraient des femmes de toutes les classes sociales, pour l’alcoolisme mondain, ou celui de la femme qui cache ses bouteilles dans le tambour de sa machine à laver et picole dès que les gamins sont partis à l’école. Cela m’a beaucoup aidée et j’ai eu le César du meilleur espoir féminin pour le rôle. Alors dans la foulée, on ne m’a proposé que des rôles d’alcooliques !

Comment évoluait alors la jeune personne qui avait si peu confiance dans la vie ?

Je vivais une métamorphose. Florent avait été mon découvreur. Romans m’avait révélée une dimension sensuelle et érotique que j’ignorais. Et le regard de Chéreau, qui m’avait choisie alors que je n’avais encore rien fait, m’avait libérée. L’aventure avec lui fut si exceptionnelle que j’ai encore du mal à parler de lui sans pleurer. Il avait une capacité d’hypnose. Il parlait à chaque comédien à voix basse, longuement, d’une intimité à une autre. Et on avait l’impression qu’il nous confiait des secrets. Il trouvait les mots, infiniment proche. Et me parlait à moi, la débutante, avec la même attention, la même acuité et la même exigence qu’avec Maria Casarès. On était tous au même niveau. C’est une chance folle d’avoir débuté avec un tel artiste.

Cela donne des armes et de la force pour le reste de la carrière ?

Certainement ! D’autant que nous nous sommes régulièrement retrouvés. Mais je suis quelqu’un qui doutera toujours. La fragilité reste immense. Et dans les mauvais moments, j’ai peur d’être bâtie sur du sable.

A quoi est-ce dû ?

Aux toutes premières années d’enfance je crois. Beaucoup de monde à ce moment-là, pas le temps du regard, pas le temps de ce qu’il faudrait…

Pas la dose d’amour attendue ?

Probablement.

Est-ce donc pour cela qu’on devient comédien ? Pour attirer enfin les regards ?

Non. Pour moi, le désir le plus profond, surtout quand je repense à Orlan, c’est le désir d’être quelqu’un d’autre. Mais de façon forcenée. De se débarrasser de soi pour adhérer à l’autre, défendre l’autre à tout prix, davantage que soi.

Parce que l’autre est plus intéressant que soi ?

Mille fois plus intéressant ! L’autre avec un A majuscule. Et ce goût de l’humain, cette attirance pour la douleur de vivre, les vertiges de la souffrance et les états d’âme les plus sombres me ramènent à la psychiatrie qui m’a tant attirée. J’ai une admiration immense pour les psychiatres qui sont des rédempteurs et nous sauvent de nos folies.

Avez-vous expérimenté vous-même le trou noir ?

Oui. Ce métier, vous savez, nous rend très perméables. On endosse bien des douleurs… Et Phèdre, « la lumineuse », m’a emmenée très loin. Très très loin. Mais c’est ce qui m’intéresse : aller aux frontières de l’humain. L’humain dans tous ses égarements, ses errances, ses fragilités. Et chaque personnage est pour moi un continent immense à aborder. Mais que de rencontres étonnantes lors de ces explorations ! Récemment, pour jouer le rôle d’une chirurgienne dans le film Réparer les vivants, j’ai dû passer deux jours à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière où j’ai assisté à une transplantation cardiaque. Extraordinaire ! J’ai vu arriver le cœur dans la glacière, observé le visage du chirurgien qui, pendant six heures, n’a pas failli. J’ai pleuré pendant toute l’opération. Mais j’avais la pêche en sortant !

Et voilà que la Comédie Française vous réclame et vous accueille, à 59 ans, en ce mois de mars 2016.

Oui ! Ça vient comme un cadeau et je me sens à la fois intimidée et profondément honorée. Les meilleurs sont là, hommes et femmes confondus. Et j’aime énormément Eric Ruf, son administrateur, qui, depuis que nous avons joué ensemble Phèdre, sera mon Hippolyte jusqu’au bout de ma vie. Je vais donc retrouver Racine, les alexandrins et le rôle d’Agrippine, grande femme politique. Quel bonheur !

Dominique Blanc joue, avec Vincent Perez, « Les liaisons dangereuses » dans une mise en scène de Christine Letailleur : à Paris (Théâtre de la Ville du 2 au 18 mars), à Nice (du 23 au 25 mars) et à Quimper (du 29 au 31 mars)

Elle entre à la Comédie Française le 19 mars où elle répétera Britannicus sous la direction de Stéphane Braunschweig

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«Hinkemann» : coup de Toller

«Hinkemann» :  coup de Toller | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Publié par Hugues Le Tanneur pour Libération :

 

Christine Letailleur signe à la Colline une version à fleur de peau de la pièce de l’auteur allemand sur un ex-soldat mutilé.

 


Il y a d’abord ce chardonneret auquel on a crevé les yeux. L’oiseau dans sa main, Hinkemann s’insurge contre la cruauté humaine. Il a surpris la mère de Grete, sa compagne, au moment où elle enfonçait des aiguilles chauffées à blanc dans les yeux de l’animal, soi-disant pour qu’il chante mieux. «Maintenant, il ne voit plus la lumière. Il est plongé dans la nuit, une nuit noire. Et toi, tu restes là, impassible. Ne sens-tu pas une grande obscurité t’envelopper ?» dit-il à Grete.
Baigné dans une semi-pénombre, l’espace de la scène reflète l’état d’esprit de Hinkemann. Car l’animal blessé, le mutilé, c’est d’abord lui. Soldat démobilisé de la Première Guerre mondiale, une balle française lui a traversé le bas-ventre faisant du jeune homme un impuissant.

L’équation guerre-impuissance est le thème obsédant de Hinkemann, pièce écrite en prison en 1922 par Ernst Toller (1893-1939) dont Christine Letailleur présente aujourd’hui une mise en scène d’une rare sensibilité. Pour l’occasion, elle retrouve Stanislas Nordey (avec qui elle avait notamment monté Pasteur Ephraïm Magnus, de Hans Henny Jahnn), lequel joue Hinkemann aux côtés de Charline Grand (Grete), Richard Sammut (Paul), Christian Esnay (le Forain), Michel Demierre (Max Knatsch), Manuel Garcie-Kilian (Michel Unbeschwert) et Jonathan Genet (Sebaldus Singegott).

Ce spectacle est d’autant plus remarquable que le théâtre d’Ernst Toller n’est pour ainsi dire pas ou très peu monté en France. Christine Letailleur a découvert l’auteur en lisant son autobiographie, Une jeunesse en Allemagne - épuisée dans l’édition française - publiée en 1933 aux Pays-Bas, alors que Hitler accédait au pouvoir et que les œuvres du dramaturge étaient brûlées par les nazis.

 

 

Lire l'article entier sur le site de Libération : http://www.liberation.fr/theatre/2015/03/30/hinkemann-coup-de-toller_1231610 ;  (édition abonnés)

 

Autre critique de Myrto Reiss paru dans le blog Au poulailler : http://www.aupoulailler.com/critique-hinkemann-ernst-toller-christine-letailleur

 

 

Hinkemann d’Ernst Toller ms Christine Letailleur. Au théâtre de la Colline, à Paris (75020). Jusqu’au 19 avril.

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La Dispute : à propos des créations de Christiane Jatahy et de Christine Letailleur

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Deux classiques sont au programme ce soir : "What if they went to Moscow", d'après "Les Trois soeurs" d'Anton Tchekhov, et "Les Liaisons dangereuses" de Choderlos de Laclos. Elles sont montées par Christiane Jatahy et Christine Letailleur. Anna Sigalevitch et Fabienne Pascaud seront nos critiques.


Ecouter  l'émission (45mn) http://www.franceculture.fr/emissions/la-dispute/spectacles-vivants-tchekhov-et-laclos-revisites#

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Les Liaisons dangereuses, d'après Laclos, adaptation et mise en scène Christine Letailleur

Les Liaisons dangereuses, d'après Laclos,  adaptation et mise en scène Christine Letailleur | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Brigitte Salino pour Le Monde :

 

Les Liaisons dangereuses les réunissent dans les rôles de Merteuil et Valmont, alors qu’ils sont tous les deux à un tournant de leur histoire. En mars 2016, Dominique Blanc va entrer à la Comédie-Française, une nouvelle étape dans sa longue et belle carrière. Vincent Pérez, lui, veut réinventer la sienne, après des années où il dit s’être « perdu dans des spirales ». Il termine un film qu’il a réalisé d’après Seul dans Berlin, le roman d’Hans Fallada, et il renoue avec le théâtre, qu’il avait délaissé depuis ses débuts, aux Amandiers, à Naterre, à la fin des années 1980.

C’est grâce à Dominique Blanc que Vincent Pérez opère ce retour sur scène. Les deux comédiens sont amis, et ils ont eu pour connaissance commune Patrice Chéreau, avec qui ils ont travaillé ensemble et séparément : ensemble au cinéma, dans La Reine Margot et Ceux qui m’aiment prendront le train ; séparément au théâtre, où Dominique Blanc fut Phèdre sous sa direction, et Vincent Pérez Laërte dans Hamlet. Quand la metteuse en scène Christine Letailleur a demandé à Dominique Blanc de jouer Merteuil, il a proposé que Vincent Pérez soit Valmont.

Les voilà donc à Rennes, où Les Liaisons dangereuses font l’ouverture du festival Mettre en scène, avant de partir pour une longue tournée. Enfermés dans un décor aux allures de forteresse : de hauts murs troués d’ouvertures, et un escalier en fer desservant une coursive. Privés d’accessoires, sinon parfois une chaise ou une méridienne, Merteuil et Valmont sont livrés à leurs corps, que Christine Letailleur éclaire en s’inspirant des lumières de Fragonard. Ils portent des costumes d’époque, dans cette adaptation qui ne cherche pas à faire œuvre de révolution, mais à servir sur un plateau le roman épistolaire de Pierre Choderlos de Laclos (publié en 1782).

Double équation

De ce point de vue, le contrat est rempli. Christine Letailleur, qui signe l’adaptation (éd. Les Solitaires intempestifs, 178 p., 13 €) opte pour une forme classiquement dialoguée, dont le mérite est de restituer l’histoire, en convoquant les personnages principaux. Tout y est, et l’on suit la marquise de Merteuil de son triomphe à sa chute, à travers le stratagème qu’elle met en œuvre, avec la trouble complicité du vicomte de Valmont, pour se venger de Gercourt, l’amant qui l’a éconduite. Tout irait donc bien, si la mise en scène n’était pas aussi appliquée, et si le libertinage n’était pas réduit à une gaudriole.

« Ma lecture des Liaisons dangereuses s’est faite davantage par le regard que par le sensible », écrit Christine Letailleur dans sa note d’intention. Ce que l’on voit, ce sont des images, efficaces mais sans grâce. Ce que l’on entend, ce sont des bribes des Liaisons dangereuses. Des morceaux choisis pour nourrir ces images. C’est fâcheux que, sauf à de rares moments, comme la confession de Mme de Merteuil, on ne goûte pas pleinement la beauté du style des lettres. Fâcheux aussi que l’on ne sente pas la tristesse que recèle le libertinage, sauf à la fin, mais c’est la mécanique de l’histoire qui l’impose.

Christine Letailleur préfère mettre en avant le « féminisme avant l’heure » de Laclos, sous une double équation : le couvent n’a rien appris à Cécile de Volanges, et Mme de Merteuil a dû conquérir seule sa liberté. « Avez-vous oublié, marquis, que je suis là pour venger mon sexe ? » Cette phrase qu’elle prononce résonne fort, et Dominique Blanc sait l’exprimer à merveille. Comme tout le reste. En grande actrice, elle transcende les intentions de la metteuse en scène. On ne se lasse pas de la regarder, de l’écouter, de la suivre sur le plateau, où sa présence et son jeu allient l’élégance à la profondeur qui mènent au cœur des Liaisons dangereuses.

Il faut voir aussi comme, délicatement, elle « couvre » le jeu de Vincent Pérez. L’acteur a tout pour être un très bon Valmont, et il le serait s’il était dirigé. Comme il réapprend le métier de la scène, il se repose sur des attitudes et sur son charisme. Il lui manque le recul d’un regard, manque que tente de pallier Dominique Blanc, en lui montrant le chemin des zones sombres et subtiles que Christine Letailleur néglige. Les autres personnages souffrent de la même carence de la metteuse en scène.

Les Liaisons dangereuses, de Pierre Choderlos de Laclos. Adaptation et mise en scène : Christine Letailleur. Avec Dominique Blanc, Vincent Pérez, Julie Duchaussoy, Fanny Blondeau, Véronique Willemaers, Manuel Garcie-Kilian, Karen Rencurel, Richard Sammut, Stéphanie Cosserat, Guy Prévost. Théâtre national de Bretagne, Rennes. Du mardi au samedi, à 20 heures, jusqu’au 14 novembre (relâche les 8 et 9). Tournée jusqu’au 31 mars 2016. www.t-n-b.fr

Brigitte Salino
Journaliste au Monde

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