1 an, 100 000 victimes, 1 décideur - Tribune des co-présidents de Cap Ecologie | Re Re Cap | Scoop.it

À la veille du confinement du 18 mars 2020 il y a bientôt 13 mois et de l’intrusion de ce virus dans nos vies, une grève historique, 1300 médecins décidant de cesser leur travail administratif à l’hôpital interroge sur notre système de santé, ” le meilleur du monde “…

 

Le corona viendra répondre : un désastre.

 

Depuis, on constate que les soignants portent ce système à bout de bras ; que notre record de dépenses “santé”, le plus fort en % du PIB de l’Union européenne, est inefficace ; que les dépenses de prévention plafonnent de 2 à 6% selon le mode de calcul ; que 12 millions de personnes sont en affection de longue durée ; que 1700 personnes décèdent chaque jour, de façon souvent prématurée ; que le coronavirus, qui a causé 9% des décès en 2020, n’est en fait que la partie visible de l’iceberg de notre fiasco sanitaire ; que la faiblesse du nombre de lits de réanimation et son évolution défavorable entre mars 2020 et mars 2021, tout comme la gestion des masques, des tests, des vaccins, des confinements ; que les chefs de petites entreprises, le monde de la culture, la jeunesse et les habitants des quartiers défavorisés sont les plus percutés par une succession d’erreurs et d’échecs ; que quiconque examinerait les faits, sans parti pris, pourrait s’interroger, à défaut de voir une volonté de nuire, sur les raisons d’une telle incompétence de la part des dirigeants politiques, l’importance de la crise et la difficulté de la gérer ne justifiant la succession de fautes.

Car c’est bien de cela dont il s’agit : nous sommes face à un concours d’incompétences, doublées d’une arrogance et d’un contentement de soi qui laissent pantois. Et d’un triple mépris :

Tout d’abord, une forme de mépris à l’égard de nos concitoyens. Des mesures liberticides, autoritaires, contradictoires laissent supposer que la conscience ou au moins le bon sens, sont ignorés par notre population. Or par réflexe, en cas de maladie contagieuse, le malade s’isole, le fragile se protège. Il faut ainsi non pas fliquer mais expliquer, être cohérent, conseiller afin que chacun renforce son système immunitaire par un bon comportement : avoir une alimentation de qualité, variée et sans abus.

 

Ensuite, un mépris affirmé de tout ce qui peut s’apparenter à de la prévention.

  • Prévention en matière environnementale, en raison du mauvais traitement réservé à la biodiversité. Les spécialistes expliquent que la plupart des maladies infectieuses viennent de zoonoses, c’est à dire de maladies transmises de l’animal à l’humain : cela confirme la pertinence du propos écologiste selon lequel l’élevage intensif, la surconsommation de viande, la chute de la biodiversité et notre appropriation de l’habitat naturel de l ‘animal, sont des fléaux.
  • Prévention de la pollution de l’air notamment par les particules fines, qui fragilisent nos poumons, directement affectés par la Covid, et qui tuent 60000 Français tous les ans, de diverses pathologies.
  • Prévention en matière de santé publique alimentaire. Illustration caricaturale, les salles d’accueil des urgences hospitalières elles-mêmes, qui proposent des distributeurs des boissons trop sucrées, trop chimiques, trop excitantes qui conduisent certains de leurs consommateurs sur les brancards des mêmes services d’urgence, pour diabète, obésité, cardiopathies, déficiences immunitaires, en cause dans la mortalité Covid. Lorsque les Français mangent mal, la Covid a démontré que finalement l’hôpital trinque et la France paye la note.
  • prévention surtout en matière sanitaire puisque les politiques conduites – et pas seulement par les politiques actuelles – ont conduit à une pénurie généralisée de masques, respirateurs et autres moyens dans les hôpitaux et à un déficit dramatique de moyens humains, directement affectés au soin.

 

Mépris enfin à l’égard des mécanismes démocratiques, totalement ignorés, en dépit des propositions formulées par le conseil de l’Europe et la cour européenne des droits de l’homme. La gestion par le seul conseil de défense, structure de type militaire, dont l’usage vise peut-être à préserver les responsabilités personnelles des décideurs (sachant que le décideur en chef est irresponsable du fait de la Constitution ) est une insulte à la démocratie et au Parlement, qui nous rapproche d’un système monarchiste où seule une personne décide pour 67 000 000 d’individus.

La manipulation des données statistiques fournis en janvier 2021 au parlement, dénoncée par leur auteur le Pr Renaud Piarroux, constitue l’illustration la plus choquante de ce mépris.

Le soutien de l’économie, évidemment pas critiquable en soi se traduit par une situation budgétaire extrêmement périlleuse. Sans utilisation des milliards d’euros des plans de relance français et européen pour aller vers une économie durable, solide, résiliente, fondée sur la décentralisation notamment énergétique et mettant en valeur les milliers d’initiatives qui ont été prises,  notre pays risque de renforcer la spirale de déclassement déjà engagée.

Aujourd’hui, nous pouvons et devons faire autrement.

 

Alors que nous atteignons ce chiffre fatidique de 100 000 victimes, nous demandons que, dès que la situation se stabilise, nous procédions à trois mesures essentielles :

  1. des Etats généraux de la prévention sanitaire, avec experts, citoyens, industriels et élus pour planifier une politique d’anticipation et d’économie de long terme,
  2. une refonte administrative du ministère de la santé et des hôpitaux pour retrouver notamment un ratio de soignants par rapport aux administratifs comparable à celui des pays performants,
  3. une commission d’enquête parlementaire et des propositions législatives ou constitutionnelles pour doter la France de structures pour une gestion de crise plus transparente, plus démocratique et moins solitaire pour permettre une adhésion populaire et une solidarité plus grande face à une nouvelle situation de crise, que malheureusement les déséquilibres climatiques et écologique risquent de reproduire dans les années qui viennent.

 

À un moment où l’intelligence artificielle pénètre de plus en plus nos vies, nous gagnerions à ce que l’intelligence collective, le bon sens, la pédagogie et la responsabilité trouvent leurs places dans notre quotidien.

 

Par Corinne LEPAGE &  Jean Marc GOVERNATORI, co-présidents de Cap Ecologie