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Audio 2 mn RTS: Les Ports francs de #Genève bientôt hors-jeu? #Art #ArtContemporain #EvasionFiscale #TaxFraud

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Audio 2 mn RTS: Les Ports francs de #Genève bientôt hors-jeu? #Art #ArtContemporain #EvasionFiscale #TaxFraud #Suisse

Le week-end dernier à Washington, la #France a placé les Ports francs dans le viseur du #G20 . A la suite d’un nouveau scandale fiscal, Paris cible en particulier les Ports francs de Genève.

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Totalité du dossier sur le #théâtre à #Genève dans Le Temps du 10.01.2013

La peau de chagrin des théâtres genevoisAlexandre Demidoff

De la Comédie au Grand Théâtre, les institutions phares voient leur public bouder. Pendant ce temps, Lausanne continue de rayonner à travers le Théâtre de Vidy et l’Arsenic

 

 

Jean-Jacques Rousseau, qui voulait bannir le théâtre et ses histrions de Genève, aurait-il gagné la partie? Au creux de l’hiver, l’amateur croit avoir la berlue. L’autre soir, au Théâtre du Grütli, il compte 15 (!) spectateurs dans une salle qui peut en contenir 200. A la Comédie, principale institution du canton, les travées sont désormais clairsemées, et même les soirées de première, autrefois très prisées, ne font plus le plein. Au Grand Théâtre, où les aficionados se battaient jadis pour obtenir un abonnement, les billets de première catégorie, les plus chers donc, ne trouvent pas toujours preneurs.

Comment comprendre cette désaffection qui confine au désamour? D’abord, l’offre artistique de la Comédie et du Grand Théâtre n’a pas l’allure qui était la sienne dans un passé aussi récent que prestigieux. Dans les années 1980-1990, Hugues Gall au Grand Théâtre, Benno Besson puis Claude Stratz à la Comédie impriment une ligne racée, excitante et souvent allègre. Les grands créateurs européens frappent à Genève, de Giorgio Strehler à Patrice Chéreau. Un public se forme, dans l’éblouissement souvent. Ensuite, le nombre de spectacles à l’affiche a augmenté jusqu’à l’absurde, dans un canton où chaque commune s’enorgueillit d’un théâtre comme d’un trophée de chasse. Enfin, l’amateur a changé: il butine, s’abonne moins, ne supporte pas la médiocrité, pardonne peu.

Mais la psyché du spectateur est une chose, la politique une autre. A Lausanne, le Théâtre de Vidy et ses quatre salles sont une manufacture qui produit des pièces marquantes en chaîne. Dans une veine alternative, l’Arsenic s’apprête à inaugurer des locaux tout neufs, de nature à galvaniser les ambitions de sa directrice Sandrine Kuster. Cette vitalité est l’héritage d’une politique qui s’enracine dans les années 1980, époque où Lausanne fait appel au magistral Matthias Langhoff pour diriger Vidy.

Par défaut d’ambition, méconnaissance surtout, souci encore de complaire à une corporation inquiète, les responsables culturels genevois ont fait des choix étriqués. Le public n’est pas dupe. Il cherche l’inspiration ailleurs.

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Genève à l’ère des théâtres videsMarie-Pierre Genecand Les salles genevoises peinent à se remplir. La Comédie, en particulier, est souvent désertée. Trop d’offre? Effet de la crise? Réponses dans les travées

Vendredi 2 novembre, la Comédie de Genève. Le Citoyen, création d’Hervé Loichemol, directeur des lieux, vit sa deuxième représentation. Devant un parterre très clairsemé. La pièce manque d’inspiration, certes, mais le bouche-à-oreille ne peut pas avoir encore frappé. Les sièges vides de la première institution théâtrale du canton qui fête ses cent ans cette année témoignent d’un autre phénomène, plus préoccupant: la difficulté de la nouvelle direction, en place depuis la rentrée 2011, à fidéliser un public.

Jeudi 6 décembre, Théâtre du Grütli, à Genève. Mein Kampf(farce), création de Frédéric Polier, également maître des lieux, se joue dans la grande salle du sous-sol. Devant 15 personnes. Ce qui devrait être une pochade sur Hitler manque du coup de corps et de cœur. On bâille et on s’interroge. Que se passe-t-il? Pourquoi le public genevois boude-t-il ses salles? Y a-t-il trop d’offre? Pas assez de visibilité? Pas assez de qualité? Car on annonce un autre blessé d’envergure: le Grand Théâtre, qui affiche lui aussi un taux de fréquentation à la baisse. Bien sûr, des scènes comme le Théâtre de Carouge, Saint-Gervais ou Le Poche résistent à la vague de froid. Mais ce n’est pas le plein soleil non plus. Entre la crise qui touche tous les foyers, les changements de pratiques des publics et la déferlante de propositions artistiques, chaque directeur joue serré.

Et lorgne en soupirant du côté de Lausanne où tout semble plus léger. Avec Vincent Baudriller, directeur sortant du Festival d’Avignon, Vidy vient de se doter d’un timonier ambitieux pour septembre 2013 (LT du 21.12.12). Par ailleurs, l’Arsenic, en voie d’être reconstruit plus beau qu’avant, donne des ailes à la scène contemporaine. Enfin, à Lausanne, il y a encore la Manufacture, Haute Ecole de théâtre de Suisse romande, qui ancre l’avenir de l’art dramatique dans la cité lémanique. Alors quoi, Genève souffre d’un gros mal de scène? La patrie de la future Nouvelle Comédie, théâtre de dimension européenne prévu en 2018 sur le site de la Gare des Eaux-Vives, aurait perdu ses couleurs théâtrales? Parcours dans le noir de ses salles.

 

En mal d’identification

Quand, dans une ville, le théâtre principal est plein, toutes les autres salles se portent bien. Or, à Genève, depuis la prise de fonction d’Hervé Loichemol en septembre 2011, la Comédie, souvent désertée, ne remplit plus son rôle de locomotive. Plusieurs facteurs expliquent cette désaffection, à commencer par le simple changement de direction. Chaque succession nécessite un temps d’adaptation, une re-fidélisation du public.

L’ennui, c’est que durant sa première année, Hervé Loichemol a connu de gros ratages qui ont miné sa saison inaugurale. C’est que, fidèle à sa ligne philosophico-littéraire plutôt austère, le directeur privilégie des pièces à thèse sur des productions spectaculaires. C’est son droit, mais le public a aussi le droit de s’ennuyer et de ne pas revenir. L’opération de dissuasion s’est renouvelée cet automne avec Le Citoyen. Consacrée à Jean-Jacques Rousseau, figure qui a pourtant généré de beaux moments de théâtre à Genève durant l’année de son tricentenaire, la production signée Hervé Loichemol et Denis Guénoun a commencé ses représentations mollement en termes de public pour finir de manière catastrophique. «C’est une création qui n’a pas trouvé son public», confirme Bernard Laurent, administrateur de la Comédie de Genève, qui admet plus généralement que «l’identification de la population à la Comédie ne s’est pas encore faite et qu’un travail doit être entrepris pour redresser la barre». Cela, sans sacrifier à la prise de risque inhérente à un théâtre de création, souligne l’administrateur. Encore que, poursuit-il, «les prochaines saisons devront peut-être contenir plus d’accueils et/ou plus d’auteurs connus. Lorsqu’en décembre, nous avons présenté un spectacle basé sur un texte de Nancy Huston, on a rempli.» De là à dire que le public aime voir ce qu’il connaît déjà…

Absence de ligne

Le manque de notoriété, c’est exactement ce dont souffre aussi Frédéric Polier à la tête du Théâtre du Grütli, à Genève. Entré en fonction en septembre 2012, celui qui fut pourtant pendant cinq ans directeur du Théâtre d’été de l’Orangerie n’est pas arrivé dans son nouveau lieu avec un public déjà fidélisé. Au contraire. Au Grütli, il succède à Maya Bösch et Michèle Pralong qui, après six ans, avaient réussi à mobiliser un public autour de la création contemporaine et expérimentale, alors que Frédéric Polier revendique comme seule ligne «le fait de donner du travail aux comédiens et metteurs en scène locaux». Difficile de dégager une esthétique de ce postulat. Dès lors, l’audience attend la deuxième semaine de représentations, les critiques et le bouche-à-oreille pour venir au Grütli. Ainsi, Mein Kampf (farce), production du maître des lieux, a fini complet après avoir connu un début plus que laborieux. Soit 59% de fréquentation pour un total de 1165 spectateurs. «Sans doute, le public peine à situer notre offre, concède Lionel Chiuch. Mais nous revendiquons cette programmation panachée avec tantôt des formes très contemporaines, tantôt des formes plus classiques.» Par contre l’adjoint à la direction reconnaît qu’il faut gagner le public à ce principe. «Dans une saison, j’envisage de lancer une publication. Tout de suite, nous pensons organiser des dîners publics-artistes pour que les spectateurs puissent rencontrer les artistes dans un cadre informel et chaleureux.» Le Grütli s’affole-t-il de ce taux de fréquentation de 53% depuis la rentrée? «Non, répond Lionel Chiuch, nous sommes confiants. Chaque changement de direction implique un temps d’adaptation. Vu la qualité des spectacles déjà programmés, le public va finir par venir dès les premières représentations.»

 

Au théâtre, quand on veut

L’austérité d’une programmation ou le renouvellement d’une direction ne sont pas les seuls facteurs de baisse d’audience. Le Théâtre de Carouge, qui affiche fièrement ses 93,3% de fréquentation en 2011-2012, constate une nouvelle pratique des publics qui l’inquiète. En gros, les gens s’abonnent moins, viennent plus au coup par coup, et surtout, réservent très tard – souvent le jour même –, ce qui provoque des sueurs froides en termes de remplissage. «Ça ne nous était jamais arrivé, relate Francis Cossu, chargé de communication du Carouge. Peu avant le début des représentations de Murmures des murs, de la tête d’affiche Aurélia Thiérrée, nous n’avions pour la première semaine que 68% de taux de fréquentation, soit les places des abonnés. Les places libres, qui en général s’arrachent très vite, peinaient à être réservées.» Branle-bas de combat, le directeur Jean Liermier convoque une séance de travail et organise une contre-attaque avec tractage devant les autres théâtres, sollicitation spéciale des partenaires, envois de mails ciblés. «Grâce à cette mobilisation, on a pu atteindre les 85% de fréquentation sans lesquels notre directeur ne dort pas la nuit! Mais dans la crainte que cette volatilité du public se reproduise sur La Locandiera, qui débute ce vendredi, on a mené une campagne d’arrache-pied avec, entre autres, une répétition ouverte au public suivie de la vente de billets, opération qui a bien réussi.»

Le fléchissement serait donc bien général. Comme si la crise poussait les gens à rester chez soi à regarder des films téléchargés… «Oui, Genève vit à sa mesure ce qu’ont pu vivre d’autres villes françaises avant elle. Plus de morosité, moins de moyens pour aller au théâtre», estime Francis Cossu qui se bat justement pour la «survivance du lien humain». Il est rejoint par Lionel Chiuch: «On parle beaucoup 3D au cinéma. La meilleure 3D reste celle proposée en live par le théâtre!»

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«La fréquentation n’est pas le seul indicateur»Marie-Pierre Genecand

Mathieu Menghini, théoricien du théâtre, au chevet du cas genevois

 

Le Temps: Beaucoup de théâtres genevois voient leur fréquentation baisser. Un des effets de la crise qui pousse le public vers le divertissement?

Mathieu Menghini: Il est vrai qu’en temps de crise, certains spectateurs formulent ce besoin. Tous les acteurs de la culture doivent-ils toutefois répondre de la même manière? Je ne le crois pas. Se soucier de la rate seule des gens peut bien soulager les trésoreries des théâtres, mais n’est pas ce que l’on attend de l’argent public. La crise doit être l’opportunité d’une remise en question: du développement, par exemple, d’une relation moins commerciale à la population et plus attentive aux obstacles cognitifs dans l’accès à la culture. Par ailleurs, les variables sont nombreuses qui peuvent influer sur la fréquentation des lieux: l’accroissement de la concurrence, une évolution des choix esthétiques, une autre manière de communiquer, une évolution de la politique tarifaire, moins de presse culturelle, etc. Sans monographies fines, il est difficile d’apporter un jugement très définitif. Or, comme personne n’a les moyens de ces enquêtes approfondies, on se plaît à apprécier l’élément le plus sensible: les choix artistiques. Parfois, avec raison; parfois sans.

Enfin, un rappel! La fréquentation n’est pas un indicateur infaillible de pertinence esthétique: certaines œuvres, par leurs audaces formelles ou de fond, leur refus de la complaisance, ne parviennent pas à atteindre de suite une large audience.

– Parmi les facteurs d’influence, vous avez évoqué l’accroissement de la concurrence. Selon vous, y a-t-il simplement trop de spectacles à Genève?

– Je suis personnellement frustré de manquer tant de spectacles du fait d’autres activités et de certains chevauchements calendaires, mais force est d’observer que les salles demeurent aujourd’hui encore – sauf exception – correctement garnies. On pourrait, cependant, s’emparer autrement du sujet et se demander si une autre économie de la production ne serait pas favorable à tous. La démultiplication des projets est à la fois cause et conséquence de la précarité du travail artistique. Une politique culturelle soutenant moins ponctuellement les compagnies, mais établissant davantage de conventions pluriannuelles avec elles permettant des recherches plus approfondies, un répertoire plus riche, des reprises et n’imposant pas un nombre de productions déraisonnable donnerait un autre visage à Genève.

 

– Plutôt qu’une ligne esthétique – qui fait penser à ligne droite, dit-il –, le Grütli revendique le droit au vagabondage dans divers genres théâtraux. Pensez-vous qu’un théâtre qui ne suit pas une esthétique définie puisse trouver son public?

– S’agissant des profils des salles, des projets artistiques forts et distincts sont importants si ce n’est pour les structures prises isolément, du moins pour la diversité du paysage culturel régional dans son ensemble. 
Il existe mille façons de décliner les enjeux de service public 
de la culture: par le déploiement du patrimoine, de la recherche ou d’un art critique. Ces «lignes» théâtrales doivent également cultiver les pièges pour 
inviter le public à accroître 
ses attentes, développer son regard. Les collaborations entre théâtres peuvent favoriser cet aspect.

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Vidy, un modèleMarie-Pierre Genecand

En termes d’accueil du public, le Théâtre Vidy-Lausanne privilégie la liberté

 

L’époque n’est plus aux abonnements contraignants? Depuis la saison 1992-1993, le Théâtre Vidy-Lausanne a compris l’intérêt de laisser son public libre. Une carte d’adhérent d’une valeur de 130 francs (80 francs pour les spectateurs AVS-AI-chômeurs) donne accès à la quarantaine de spectacles annuels pour 16 francs, au lieu des 42 francs du billet plein tarif. «Cinq mille personnes profitent de cette carte, qui est remboursée au bout de cinq spectacles», informe Sarah Turin, responsable de la communication.

Et la fréquentation s’en ressent. Doté d’une grande salle de 400 places, d’une petite salle (La Passerelle) d’environ 100 places, d’une salle à la jauge modulable (la salle de répétition), et encore d’un chapiteau de 150 places, le Théâtre Vidy-Lausanne affiche souvent complet. «Oui, mais cette réputation de saturation nous nuit parfois. Pour L’Atelier volant de Valère Novarina, en novembre dernier, la salle n’était pas pleine. Nous devons réinciter notre public à venir au théâtre comme il va au cinéma, sans avoir forcément réservé des jours à l’avance.»

Les cinq mille adhérents voient, en moyenne, dix spectacles par année et «se montrent plus curieux que s’ils devaient chaque fois payer plein tarif», se réjouit Sarah Turin, en soulignant le grand succès du «nouveau cirque» dans la programmation. Pareil pour les jeunes: moyennant une carte de 20 francs, les moins de 25 ans vont au théâtre pour 10 francs. La Comédie de Genève a lancé une telle carte d’adhérent en septembre dernier, «mais sans grand succès à ce stade», constate l’administrateur Bernard Laurent.

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En chiffres : 

 

Pour la saison 2011-2012

Théâtre de Vidy

Nombre d’abonnés: 5000

Taux de fréquentation: 82,56%

Nombre de spectateurs: 83 124

Théâtre de Carouge

Nombre d’abonnés: 4082

Taux de fréquentation: 93,3%

Nombre de spectateurs: 51 585

La Comédie de Genève

Nombre d’abonnés: 923

Taux de fréquentation: 66,93%

Nombre de spectateurs: 25 306

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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L'influence des grandes familles protestantes à Genève #mecenat #philantropie #pétrole #art #culture

Article de Sylvain Besson pour "Le Temps" du 26 janvier 2013

 

Mécène du futur Musée d’art et d’histoire, le magnat du pétrole Jean-Claude Gandur a su s’ouvrir les portes du milieu des «vieux Genevois». Un parcours quasi initiatique, qui en dit long sur l’influence des grandes familles protestantes dans la cité

LES LIENSWebdoc. Les grandes familles genevoises

Un magnat du pétrole prêt à descendre dans la rue pour distribuer des tracts, c’est insolite. Mais Jean-Claude Gandur n’en démord pas: il s’engagera physiquement pour vanter l’extension du Musée d’art et d’histoire (MAH), qu’il finance à hauteur de quelque 40 millions de francs. La version remodelée du projet dû à l’architecte Jean Nouvel, qui se heurte à des oppositions de la gauche radicale et de défenseurs du patrimoine, sera présentée le 7 février. Ensuite commencera un marathon politique qui pourrait s’achever en 2015, par un référendum.

Mécène, collectionneur d’antiquités et de peinture moderne, Jean-Claude Gandur a cédé sa société Addax au chinois Sinopec en 2009, pour quelque 7,2 milliards de dollars. Depuis, il consacre beaucoup de temps au nouveau musée, qui abritera une partie de ses collections. Il a dîné avec le Conseil municipal, rencontré les riverains, discouru à l’Institut national genevois. Surtout, il s’est ménagé des entrées dans le monde feutré et secret des «vieux Genevois» ou «VG», ces patriciens protestants qui ont dirigé la cité durant des siècles. Sa réception dans ce milieu, que Le Temps a partiellement reconstitué, permet de mesurer l’influence que ce dernier exerce aujourd’hui encore à Genève.

Au départ, tout semble séparer l’entrepreneur pétrolier et ce que certains appellent «la caste». Fils d’un médecin chassé d’Egypte par Nasser, Jean-Claude Gandur a grandi dans le canton de Vaud, fait sa fortune en Afrique et résidé à Londres. Il est divorcé, volubile, pas très mondain, voire solitaire. Mais à partir de 2009, il se montre davantage à Genève. On le reçoit d’abord à déjeuner, puis à dîner. La promotion est d’importance, car les anciens usages veulent qu’on reçoive le soir les gens qu’on estime être de sa condition. Ce passage, presque initiatique, a pris un peu de temps: «Il a fallu que les gens se rendent compte de qui j’étais, explique Jean-Claude Gandur. Il fallait convaincre la bourgeoisie, celle-là même qui a contribué aux collections du musée, et qui se demandait: «Est-ce qu’il fait partie de la famille?»

 

Ce processus précautionneux, par lequel les élites traditionnelles jaugent un riche étranger, est typique de Genève, observe le ministre de la Culture de la Ville, Sami Kanaan: «Ici, on peut s’intégrer, mais il faut prendre le temps de voir les gens qui sont déjà là, d’écouter ce qu’ils ont à dire. Et Gandur l’a pris, effectivement.»

Au cœur de son dispositif relationnel, on trouve Renaud Gautier, élu libéral issu d’une des plus anciennes familles de la ville, qui a mobilisé les mécènes privés en faveur du nouveau musée. Ou l’affable banquier Pierre Darier, un passionné d’art comme lui. Mais le personnage clé est peut-être Catherine Fauchier-Magnan, femme d’un ancien associé de la banque privée Mirabaud et ex-présidente de la Société des amis du musée (elle vient de passer la main à sa fille Charlotte).

«Pour moi, Catherine est la quintessence de Genève, dit d’elle le directeur du Musée d’art et d’histoire, Jean-Yves Marin. Elle représente toutes les valeurs de la Genève éternelle, si j’ose dire: rigoureuse, discrète, presque secrète.»

Née Vernet, une famille qui reçut la bourgeoisie de Genève en 1659, Catherine Fauchier-Magnan a présidé la Société de lecture, cénacle littéraire de la Vieille-Ville nourri des archives du bon milieu protestant. Son autre fille, Camille, est devenue à son tour associée chez Mirabaud. L’un de ses gendres siège au comité de l’Ecole Brechbühl, établissement dédié aux enfants de l’élite. L’autre est président des Clefs de Saint-Pierre, une fondation vouée à la préservation de la cathédrale de Genève, cœur spirituel du calvinisme.

Le couple Fauchier-Magnan partage sa vie entre une maison du XVIe siècle en Vieille-Ville et sa propriété de Port-Choiseul, à Versoix – une migration saisonnière (hiver en ville, été dans la maison de campagne) que peu de vieilles familles ont encore les moyens de pratiquer. Pour le reste, le couple est «l’antithèse absolue des nouveaux riches», assure une personne qui les connaît bien: on va au travail à pied ou en tram, on fuit la publicité, on s’investit pour la collectivité. «Leur idée, c’est: on a la chance d’être ce qu’on est, alors on donne de son temps, de ses moyens», ajoute la source précitée.

 

Fidèle au goût de son milieu pour la discrétion, Catherine Fauchier-Magnan ne s’épanche guère sur ses relations avec Jean-Claude Gandur. Tout au plus sait-on qu’il a été invité à dîner, à Port-Choiseul et derrière les murs austères de la maison de ville des Fauchier-Magnan. Ces dîners lui ont ménagé d’autres entrées chez les représentants de la «vieille Genève». «Jean-Claude Gandur est devenu un ami, il a rencontré des amis à moi, mais il ne m’a pas investi d’une mission pour rencontrer des gens, précise Catherine Fauchier-Magnan. Il a fait la connaissance de gens qu’il ne connaissait pas, très normalement.»

Autre ami du fondateur d’Addax, le financier Jean-Evrard Dominicé, élu en 2011 meilleur gestionnaire de hedge fund de Suisse par le magazine Bilan. Plus apparent dans le monde que la moyenne de son milieu – il fut invité, en 2009, aux noces brésiliennes de la princesse d’Orléans-Bragance –, il en cumule pourtant les traits distinctifs, comme une adresse du «bon côté» de la rue des Granges, l’appartenance au select Cercle de la Terrasse et le goût des affaires. Car si les vieux Genevois ont, en tant que groupe, réussi à préserver leur cohérence à travers les siècles, c’est qu’il s’agit «avant tout d’une élite de l’argent, qui entretient sa position économique avec beaucoup de soin», atteste l’historien Marc Neuenschwander, l’un des meilleurs connaisseurs du sujet.

En 2009, Jean-Claude Gandur a investi 500 millions de dollars dans un fonds énergétique créé avec Lombard Odier, l’une des plus vénérables banques de la ville. L’affaire a renforcé ses liens personnels avec les partenaires de l’établissement. D’autres indices montrent une convergence entre la haute finance protestante et le monde du pétrole. L’an dernier, l’ancien banquier Ivan Pictet a été nommé au conseil d’administration de Lukoil, une société pétrolière russe. L’un des «amis bienfaiteurs» du Musée d’art et d’histoire, Pierre-Yves Mourgue d’Algue, associé de la banque du même nom, a réalisé des investissements dans le pétrole. Le parrain du fils de Catherine Fauchier-Magnan, Charles de Mestral, est l’un des fondateurs du Geneva Petroleum Club.

 

Sami Kanaan, le responsable municipal de la Culture, observe l’émergence de «fortunes liées au négoce [de matières premières], un peu l’antithèse de la vieille Genève, qui ont envie de visibilité. Il y a une évolution des fortunes et un réajustement de nos légataires.» Mais le vieil argent compte encore. Depuis son arrivée en 2011, Sami Kanaan a d’ailleurs entrepris de rétablir les liens avec les grands mécènes traditionnels de la Vieille-Ville. On pense à Jean Bonna, Yves Oltramare, Pierre Darier, Ivan et Charles Pictet…

«Nous avons envie, et besoin, aussi, de ces soutiens historiques» pour faire aboutir le projet de nouveau musée, explique-t-il. «De notre côté, il y a une volonté d’alliance, de se mettre ensemble, car on ne peut plus continuer comme cela. Le MAH est à bout de souffle.»

Le délabrement de l’institution – en octobre, des œuvres ont dû être évacuées dans l’urgence après une forte pluie – est aussi le signe d’un divorce entre les élites traditionnelles et leur ville. Durant un siècle, le musée a été le réceptacle d’objets issus des grandes familles: les dons constituent 80% de ses collections, presque un record mondial. Il a hérité de boiseries, d’antiquités, d’instruments de musique qu’il n’a pas toujours la place d’exposer. En 2009, le municipal vert Patrice Mugny débarque son directeur Cäsar Menz: on l’accuse, entre autres, d’avoir accepté des dons sans discrimination, pour complaire à de riches bienfaiteurs.

Depuis, entre la municipalité de gauche et les vieux Genevois, c’est la guerre froide. Des mécènes se sont éloignés, comme la Fondation Wilsdorf (familles van Berchem, de Saussure, Turrettini…). «Ils ne veulent plus donner tant que Genève sera dirigée par un gouvernement qui méprise l’argent qu’il réclame par ailleurs», raconte un bon connaisseur du milieu. L’historien et théologien Olivier Fatio parle de «sentiment anti-riches»: «Pour mobiliser les donateurs, il faut leur dire «on a besoin de vous». Au lieu de cela, on ne le leur dit jamais, ou alors sur le mode, «vos dons c’est bien, mais il faut remplir telle ou telle condition.»

 

Le projet d’extension serait-il l’arche d’alliance qui permettra aux vieux Genevois de se réconcilier avec «leur» musée et la gauche municipale? Possible. Dans le milieu, la réputation de Sami Kanaan est certainement meilleure que celle de son prédécesseur Patrice Mugny. La Fondation Wilsdorf commence à revenir comme sponsor.

Pour le projet d’extension du MAH, le soutien de la «vieille garde» calviniste sera indispensable: «Ils donnent leurs signaux dans les communes qu’ils tiennent, ils forment un réseau personnel, familial, d’information, que l’on voit à l’œuvre lors des élections, confie un politicien ­genevois bien introduit dans ces cercles. D’un dîner à l’autre, on ne voit pas les mêmes personnes, mais ils savent ce qui s’est dit. Ils représentent quand même 1500 à 2000 personnes! S’ils veulent pousser un projet, ça le fait puissamment avancer.»

Pour autant, les promoteurs du nouveau musée craignent par-dessus tout qu’il soit présenté comme un «projet de riches». «Il faut que ce soit un musée pour tous, le musée des habitants, souhaite Catherine Fauchier-Magnan. Oubliez les vieux Genevois, parlez des Genevois!»

Détail important: si un référendum est lancé contre le musée, le vote aura lieu uniquement au niveau municipal. «S’il y a votation, ça se jouera à la Jonction ou à la Servette, pas à Vandœuvres ou Cologny», résume Sami Kanaan. C’est donc dans des quartiers populaires de Genève, plus que dans des banlieues chics, que Jean-Claude Gandur devra distribuer ses tracts. Ce sera un test redoutable, qui dira quel pouvoir de persuasion les vieux Genevois – et leurs nouveaux amis du pétrole – conservent dans leur ville.

 

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Qu’entend-on par «vieilles familles genevoises»?

Des centaines de lignées peuvent prétendre au titre de «Vieux genevois». Mais une hiérarchie subtile les distingue entre elles. Et une famille sort du lot…

l n’existe pas de liste officielle des noms qui devraient figurer dans la catégorie des «vieilles familles genevoises». Ce terme (auquel certains préfèrent ceux de «vieux Genevois», «bonne société genevoise», «bonne société protestante», etc.) recouvre plusieurs définitions. La plus étroite désigne les familles qui vivaient en ville de Genève avant la Réforme, dont seule une poignée (Pictet, Rilliet, Gautier, Favre…) a subsisté jusqu’à aujourd’hui. On parle ensuite des «dix noms de la banque», c’est-à-dire des familles ayant un établissement à leur nom, toujours en activité aujourd’hui ou jusqu’à une période très récente: Lullin, Cramer, Ferrier, Darier, Hentsch, Lombard, Odier, Pictet, Mirabaud, Bordier.

Un document qui fait référence sur le sujet, l’Armorial des familles dressé en 1922 par Henry Deonna, cite 368 lignées qui possédaient la bourgeoisie de la ville en 1792, avant la Révolution qui abolit les privilèges de l’Ancien Régime. Mais une hiérarchie subtile distingue, dans ce groupe large, des familles plus prestigieuses que d’autres: celles qui ont compté des syndics (membres du gouvernement) sous l’ancien régime – c’est le «label» qui certifie les «vieux Genevois», selon le théologien et historien Olivier Fatio – , celles qui sont arrivées avant ou juste après la Réforme (Pictet, Lullin, Naville…), celles qui sont issues de réfugiés protestants français ou toscans du XVIe siècle (Candolle, Duval, Micheli, Turrettini…), par opposition aux huguenots arrivés plus tardivement. Au final, les Pictet (prononcer «Pittet») sortent du lot par leur ancienneté, le nombre de leurs syndics et leur prospérité maintenue au cours des âges, jusqu’à aujourd’hui.

 

Pour Barbara Roth, conservatrice des manuscrits à la Bibliothèque de Genève, la notion de «vieille famille genevoise» repose sur un faisceau d’indices: l’ancienneté, la religion protestante avec ce qu’elle implique de rigueur et de retenue, la participation aux affaires publiques sous l’Ancien Régime, la fortune, la possession d’une «campagne» (maison de maître située hors les murs), ainsi qu’un certain conservatisme politique qui les identifie naturellement avec l’ancien Parti libéral, aujourd’hui fusionné avec les radicaux, ennemis historiques de l’oligarchie. 

Certaines familles possèdent un titre de noblesse, parfois lié au service étranger – les Pictet du Reposoir (l’une des deux branches de la famille, l’autre étant celle de la banque) sont comtes, par exemple. Mais il serait mal vu chez les «vieux Genevois» d’en faire étalage et de le porter dans la République. Philippe Monnier l’explique bien dans son ouvrage de 1930, La Genève de Töpffer: l’aristocratie genevoise «n’est pas une noblesse» mais une «élite», pas une «caste» mais une «façon d’être», et était – de son temps du moins – «d’autant plus fermée qu’aucune loi ne la protège comme dans les monarchies, que c’est à chacun d’y veiller, de prendre garde à ne pas se compromettre, se mélanger, se mésallier».

 

 

 

 

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