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Le Gros Journal de #MoniquePinçonCharlot : le futur appartient aux riches ? - #sociologie de la bourgeoisie

Le Gros Journal de #MoniquePinçonCharlot : le futur appartient aux riches ? -#sociologie de la bourgeoisie #inégalités #luttedesclasses
Ajoutée le 24 juil. 2017

Monique Pinçon-Charlot : ancienne directrice de recherche au CNRS, elle publie la 4e édition de sa Sociologie de la bourgeoisie aux éditions La Découverte. Accompagnée de son mari Michel Pinçon, avec lequel elle signe la plupart de ses livres, elle s’est immergée dans le monde des « riches » afin de comprendre les mécanismes de domination et de reproduction d’une classe sociale qui préfère le secret à l’exposition.

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L'influence des grandes familles protestantes à Genève #mecenat #philantropie #pétrole #art #culture

Article de Sylvain Besson pour "Le Temps" du 26 janvier 2013

 

Mécène du futur Musée d’art et d’histoire, le magnat du pétrole Jean-Claude Gandur a su s’ouvrir les portes du milieu des «vieux Genevois». Un parcours quasi initiatique, qui en dit long sur l’influence des grandes familles protestantes dans la cité

LES LIENSWebdoc. Les grandes familles genevoises

Un magnat du pétrole prêt à descendre dans la rue pour distribuer des tracts, c’est insolite. Mais Jean-Claude Gandur n’en démord pas: il s’engagera physiquement pour vanter l’extension du Musée d’art et d’histoire (MAH), qu’il finance à hauteur de quelque 40 millions de francs. La version remodelée du projet dû à l’architecte Jean Nouvel, qui se heurte à des oppositions de la gauche radicale et de défenseurs du patrimoine, sera présentée le 7 février. Ensuite commencera un marathon politique qui pourrait s’achever en 2015, par un référendum.

Mécène, collectionneur d’antiquités et de peinture moderne, Jean-Claude Gandur a cédé sa société Addax au chinois Sinopec en 2009, pour quelque 7,2 milliards de dollars. Depuis, il consacre beaucoup de temps au nouveau musée, qui abritera une partie de ses collections. Il a dîné avec le Conseil municipal, rencontré les riverains, discouru à l’Institut national genevois. Surtout, il s’est ménagé des entrées dans le monde feutré et secret des «vieux Genevois» ou «VG», ces patriciens protestants qui ont dirigé la cité durant des siècles. Sa réception dans ce milieu, que Le Temps a partiellement reconstitué, permet de mesurer l’influence que ce dernier exerce aujourd’hui encore à Genève.

Au départ, tout semble séparer l’entrepreneur pétrolier et ce que certains appellent «la caste». Fils d’un médecin chassé d’Egypte par Nasser, Jean-Claude Gandur a grandi dans le canton de Vaud, fait sa fortune en Afrique et résidé à Londres. Il est divorcé, volubile, pas très mondain, voire solitaire. Mais à partir de 2009, il se montre davantage à Genève. On le reçoit d’abord à déjeuner, puis à dîner. La promotion est d’importance, car les anciens usages veulent qu’on reçoive le soir les gens qu’on estime être de sa condition. Ce passage, presque initiatique, a pris un peu de temps: «Il a fallu que les gens se rendent compte de qui j’étais, explique Jean-Claude Gandur. Il fallait convaincre la bourgeoisie, celle-là même qui a contribué aux collections du musée, et qui se demandait: «Est-ce qu’il fait partie de la famille?»

 

Ce processus précautionneux, par lequel les élites traditionnelles jaugent un riche étranger, est typique de Genève, observe le ministre de la Culture de la Ville, Sami Kanaan: «Ici, on peut s’intégrer, mais il faut prendre le temps de voir les gens qui sont déjà là, d’écouter ce qu’ils ont à dire. Et Gandur l’a pris, effectivement.»

Au cœur de son dispositif relationnel, on trouve Renaud Gautier, élu libéral issu d’une des plus anciennes familles de la ville, qui a mobilisé les mécènes privés en faveur du nouveau musée. Ou l’affable banquier Pierre Darier, un passionné d’art comme lui. Mais le personnage clé est peut-être Catherine Fauchier-Magnan, femme d’un ancien associé de la banque privée Mirabaud et ex-présidente de la Société des amis du musée (elle vient de passer la main à sa fille Charlotte).

«Pour moi, Catherine est la quintessence de Genève, dit d’elle le directeur du Musée d’art et d’histoire, Jean-Yves Marin. Elle représente toutes les valeurs de la Genève éternelle, si j’ose dire: rigoureuse, discrète, presque secrète.»

Née Vernet, une famille qui reçut la bourgeoisie de Genève en 1659, Catherine Fauchier-Magnan a présidé la Société de lecture, cénacle littéraire de la Vieille-Ville nourri des archives du bon milieu protestant. Son autre fille, Camille, est devenue à son tour associée chez Mirabaud. L’un de ses gendres siège au comité de l’Ecole Brechbühl, établissement dédié aux enfants de l’élite. L’autre est président des Clefs de Saint-Pierre, une fondation vouée à la préservation de la cathédrale de Genève, cœur spirituel du calvinisme.

Le couple Fauchier-Magnan partage sa vie entre une maison du XVIe siècle en Vieille-Ville et sa propriété de Port-Choiseul, à Versoix – une migration saisonnière (hiver en ville, été dans la maison de campagne) que peu de vieilles familles ont encore les moyens de pratiquer. Pour le reste, le couple est «l’antithèse absolue des nouveaux riches», assure une personne qui les connaît bien: on va au travail à pied ou en tram, on fuit la publicité, on s’investit pour la collectivité. «Leur idée, c’est: on a la chance d’être ce qu’on est, alors on donne de son temps, de ses moyens», ajoute la source précitée.

 

Fidèle au goût de son milieu pour la discrétion, Catherine Fauchier-Magnan ne s’épanche guère sur ses relations avec Jean-Claude Gandur. Tout au plus sait-on qu’il a été invité à dîner, à Port-Choiseul et derrière les murs austères de la maison de ville des Fauchier-Magnan. Ces dîners lui ont ménagé d’autres entrées chez les représentants de la «vieille Genève». «Jean-Claude Gandur est devenu un ami, il a rencontré des amis à moi, mais il ne m’a pas investi d’une mission pour rencontrer des gens, précise Catherine Fauchier-Magnan. Il a fait la connaissance de gens qu’il ne connaissait pas, très normalement.»

Autre ami du fondateur d’Addax, le financier Jean-Evrard Dominicé, élu en 2011 meilleur gestionnaire de hedge fund de Suisse par le magazine Bilan. Plus apparent dans le monde que la moyenne de son milieu – il fut invité, en 2009, aux noces brésiliennes de la princesse d’Orléans-Bragance –, il en cumule pourtant les traits distinctifs, comme une adresse du «bon côté» de la rue des Granges, l’appartenance au select Cercle de la Terrasse et le goût des affaires. Car si les vieux Genevois ont, en tant que groupe, réussi à préserver leur cohérence à travers les siècles, c’est qu’il s’agit «avant tout d’une élite de l’argent, qui entretient sa position économique avec beaucoup de soin», atteste l’historien Marc Neuenschwander, l’un des meilleurs connaisseurs du sujet.

En 2009, Jean-Claude Gandur a investi 500 millions de dollars dans un fonds énergétique créé avec Lombard Odier, l’une des plus vénérables banques de la ville. L’affaire a renforcé ses liens personnels avec les partenaires de l’établissement. D’autres indices montrent une convergence entre la haute finance protestante et le monde du pétrole. L’an dernier, l’ancien banquier Ivan Pictet a été nommé au conseil d’administration de Lukoil, une société pétrolière russe. L’un des «amis bienfaiteurs» du Musée d’art et d’histoire, Pierre-Yves Mourgue d’Algue, associé de la banque du même nom, a réalisé des investissements dans le pétrole. Le parrain du fils de Catherine Fauchier-Magnan, Charles de Mestral, est l’un des fondateurs du Geneva Petroleum Club.

 

Sami Kanaan, le responsable municipal de la Culture, observe l’émergence de «fortunes liées au négoce [de matières premières], un peu l’antithèse de la vieille Genève, qui ont envie de visibilité. Il y a une évolution des fortunes et un réajustement de nos légataires.» Mais le vieil argent compte encore. Depuis son arrivée en 2011, Sami Kanaan a d’ailleurs entrepris de rétablir les liens avec les grands mécènes traditionnels de la Vieille-Ville. On pense à Jean Bonna, Yves Oltramare, Pierre Darier, Ivan et Charles Pictet…

«Nous avons envie, et besoin, aussi, de ces soutiens historiques» pour faire aboutir le projet de nouveau musée, explique-t-il. «De notre côté, il y a une volonté d’alliance, de se mettre ensemble, car on ne peut plus continuer comme cela. Le MAH est à bout de souffle.»

Le délabrement de l’institution – en octobre, des œuvres ont dû être évacuées dans l’urgence après une forte pluie – est aussi le signe d’un divorce entre les élites traditionnelles et leur ville. Durant un siècle, le musée a été le réceptacle d’objets issus des grandes familles: les dons constituent 80% de ses collections, presque un record mondial. Il a hérité de boiseries, d’antiquités, d’instruments de musique qu’il n’a pas toujours la place d’exposer. En 2009, le municipal vert Patrice Mugny débarque son directeur Cäsar Menz: on l’accuse, entre autres, d’avoir accepté des dons sans discrimination, pour complaire à de riches bienfaiteurs.

Depuis, entre la municipalité de gauche et les vieux Genevois, c’est la guerre froide. Des mécènes se sont éloignés, comme la Fondation Wilsdorf (familles van Berchem, de Saussure, Turrettini…). «Ils ne veulent plus donner tant que Genève sera dirigée par un gouvernement qui méprise l’argent qu’il réclame par ailleurs», raconte un bon connaisseur du milieu. L’historien et théologien Olivier Fatio parle de «sentiment anti-riches»: «Pour mobiliser les donateurs, il faut leur dire «on a besoin de vous». Au lieu de cela, on ne le leur dit jamais, ou alors sur le mode, «vos dons c’est bien, mais il faut remplir telle ou telle condition.»

 

Le projet d’extension serait-il l’arche d’alliance qui permettra aux vieux Genevois de se réconcilier avec «leur» musée et la gauche municipale? Possible. Dans le milieu, la réputation de Sami Kanaan est certainement meilleure que celle de son prédécesseur Patrice Mugny. La Fondation Wilsdorf commence à revenir comme sponsor.

Pour le projet d’extension du MAH, le soutien de la «vieille garde» calviniste sera indispensable: «Ils donnent leurs signaux dans les communes qu’ils tiennent, ils forment un réseau personnel, familial, d’information, que l’on voit à l’œuvre lors des élections, confie un politicien ­genevois bien introduit dans ces cercles. D’un dîner à l’autre, on ne voit pas les mêmes personnes, mais ils savent ce qui s’est dit. Ils représentent quand même 1500 à 2000 personnes! S’ils veulent pousser un projet, ça le fait puissamment avancer.»

Pour autant, les promoteurs du nouveau musée craignent par-dessus tout qu’il soit présenté comme un «projet de riches». «Il faut que ce soit un musée pour tous, le musée des habitants, souhaite Catherine Fauchier-Magnan. Oubliez les vieux Genevois, parlez des Genevois!»

Détail important: si un référendum est lancé contre le musée, le vote aura lieu uniquement au niveau municipal. «S’il y a votation, ça se jouera à la Jonction ou à la Servette, pas à Vandœuvres ou Cologny», résume Sami Kanaan. C’est donc dans des quartiers populaires de Genève, plus que dans des banlieues chics, que Jean-Claude Gandur devra distribuer ses tracts. Ce sera un test redoutable, qui dira quel pouvoir de persuasion les vieux Genevois – et leurs nouveaux amis du pétrole – conservent dans leur ville.

 

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Qu’entend-on par «vieilles familles genevoises»?

Des centaines de lignées peuvent prétendre au titre de «Vieux genevois». Mais une hiérarchie subtile les distingue entre elles. Et une famille sort du lot…

l n’existe pas de liste officielle des noms qui devraient figurer dans la catégorie des «vieilles familles genevoises». Ce terme (auquel certains préfèrent ceux de «vieux Genevois», «bonne société genevoise», «bonne société protestante», etc.) recouvre plusieurs définitions. La plus étroite désigne les familles qui vivaient en ville de Genève avant la Réforme, dont seule une poignée (Pictet, Rilliet, Gautier, Favre…) a subsisté jusqu’à aujourd’hui. On parle ensuite des «dix noms de la banque», c’est-à-dire des familles ayant un établissement à leur nom, toujours en activité aujourd’hui ou jusqu’à une période très récente: Lullin, Cramer, Ferrier, Darier, Hentsch, Lombard, Odier, Pictet, Mirabaud, Bordier.

Un document qui fait référence sur le sujet, l’Armorial des familles dressé en 1922 par Henry Deonna, cite 368 lignées qui possédaient la bourgeoisie de la ville en 1792, avant la Révolution qui abolit les privilèges de l’Ancien Régime. Mais une hiérarchie subtile distingue, dans ce groupe large, des familles plus prestigieuses que d’autres: celles qui ont compté des syndics (membres du gouvernement) sous l’ancien régime – c’est le «label» qui certifie les «vieux Genevois», selon le théologien et historien Olivier Fatio – , celles qui sont arrivées avant ou juste après la Réforme (Pictet, Lullin, Naville…), celles qui sont issues de réfugiés protestants français ou toscans du XVIe siècle (Candolle, Duval, Micheli, Turrettini…), par opposition aux huguenots arrivés plus tardivement. Au final, les Pictet (prononcer «Pittet») sortent du lot par leur ancienneté, le nombre de leurs syndics et leur prospérité maintenue au cours des âges, jusqu’à aujourd’hui.


Pour Barbara Roth, conservatrice des manuscrits à la Bibliothèque de Genève, la notion de «vieille famille genevoise» repose sur un faisceau d’indices: l’ancienneté, la religion protestante avec ce qu’elle implique de rigueur et de retenue, la participation aux affaires publiques sous l’Ancien Régime, la fortune, la possession d’une «campagne» (maison de maître située hors les murs), ainsi qu’un certain conservatisme politique qui les identifie naturellement avec l’ancien Parti libéral, aujourd’hui fusionné avec les radicaux, ennemis historiques de l’oligarchie. 

Certaines familles possèdent un titre de noblesse, parfois lié au service étranger – les Pictet du Reposoir (l’une des deux branches de la famille, l’autre étant celle de la banque) sont comtes, par exemple. Mais il serait mal vu chez les «vieux Genevois» d’en faire étalage et de le porter dans la République. Philippe Monnier l’explique bien dans son ouvrage de 1930, La Genève de Töpffer: l’aristocratie genevoise «n’est pas une noblesse» mais une «élite», pas une «caste» mais une «façon d’être», et était – de son temps du moins – «d’autant plus fermée qu’aucune loi ne la protège comme dans les monarchies, que c’est à chacun d’y veiller, de prendre garde à ne pas se compromettre, se mélanger, se mésallier».

 

 

 

 

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Les riches sont majoritairement responsables du désastre climatique qu'est l' #aviation #environnement #climat

Les riches sont majoritairement responsables du désastre climatique qu'est l' #aviation #environnement #climat | Infos en français | Scoop.it


Les riches sont majoritairement responsables du désastre climatique qu'est l' #aviation #environnement #climat

L’impact du transport aérien sur le réchauffement climatique est considérable et ne cesse d’augmenter. Et les plus riches, qui prennent le plus l’avion, en sont de loin les plus responsables. L’auteur de cette tribune défend une contestation radicale de ce mode de transport.

Richard Collett-White est un militant de Plane Stupid, mouvement qui lutte contre les aéroports inutiles, et de Reclaim the Power, qui agit en Angleterre pour la justice climatique. Il participera à plusieurs activités de l’Université d’été européenne des mouvements sociaux, organisée par Attac, qui se tiendra à l’université Jean-Jaurès de Toulouse du 23 au 27 août prochain.

L’avion : quelle allégorie plus puissante de la mobilité apparemment sans effort qui nous est offerte par l’incroyable développement économique, ou de l’immensité de l’ingéniosité humaine ? Quoi de plus scientifiquement stupéfiant que ces oiseaux de métal géants dont on voit le nez transpercer les nuages ?

Malheureusement, cette image du transport aérien que nous assènent les magazines de luxe spécialisés est une façade qui masque des réalités embarrassantes, auxquelles les propriétaires d’aéroports préfèrent que vous ne réfléchissiez pas.

Outre ses impacts en matière de bruit et de pollution de l’air bien connus des riverains des aéroports, le transport aérien fait payer un lourd tribut au climat. Il constitue à l’heure actuelle le facteur de changement climatique dont l’incidence augmente le plus rapidement, et au Royaume-Uni, où nous prenons davantage l’avion par habitant que nulle part ailleurs, le secteur génère 6 % des émissions de gaz à effet de serre (l’impact sur le réchauffement climatique est double si l’on inclut les effets autres que celui du CO2 en altitude).

Le reflet des inégalités économiques qui définissent nos sociétés 

Aux dires du ministère des Transports du Royaume-Uni, si on laisse le nombre de passagers augmenter au rythme actuel, il devrait doubler à l’échelle mondiale d’ici 2035. Avec une telle croissance, les objectifs de réduction des émissions devenant impossibles à atteindre.

Et pourtant, alors que l’on exige, à juste titre, de tous les autres secteurs de l’économie qu’ils fassent preuve d’un comportement plus écologique (même si c’est très lent) et réduisent leurs émissions en termes absolus, l’industrie aéronautique semble passer systématiquement à travers les mailles du filet. Non seulement aucun objectif n’a été fixé pour l’aviation dans le Climate Change Act signé en 2008 au Royaume-Uni, mais le transport aérien (ainsi que le transport maritime) brille par son absence dans la version finale de l’accord de Paris sur le climat. Et en octobre dernier, l’organe des Nations unies chargé de réglementer le secteur n’a pu convenir que d’un concept douteux de « croissance neutre en carbone d’ici 2020 » : un objectif uniquement réalisable en appliquant des systèmes de compensation controversés qui rejettent la responsabilité sur d’autres secteurs de l’économie. Si elle fait grincer des dents les militants pour le climat, cette approche n’a rien de surprenant à l’heure où l’industrie et le gouvernement sont aussi étroitement liés, le personnel passant souvent de l’un à l’autre au long de sa carrière.

Faut-il déduire de tout cela que nous sommes tous également responsables de cette situation ? Non. Les tendances des vols en avion, comme tant d’autres choses, sont le reflet des inégalités économiques qui caractérisent nos sociétés. Ainsi, au Royaume-Uni, plus de la moitié de la population ne prend jamais l’avion de l’année, et 33 % ne le prennent qu’une ou deux fois. Les 15 % restants prennent 70 % de la totalité des vols, la plupart n’étant pas des vols professionnels, mais de loisir. Avec des revenus annuels moyens de plus de 115.000 £ (130.000 €), ces voyageurs fréquents sont majoritairement responsables de cette demande prétendue impossible à freiner. Mettez en contraste la richesse de ces boulimiques de l’avion et la pauvreté de ceux qui subissent en masse les effets du changement climatique (des études suggèrent qu’il aurait déjà occasionné la mort de 150.000 à 400.000 personnes par an, notamment en Afrique subsaharienne) et cette injustice mondiale crève tristement les yeux.

À ce stade, il serait tentant de se tourner avec optimisme vers la technologie, en quête d’une solution miracle. L’industrie aéronautique nous assure que l’efficacité énergétique et les biocarburants suffiront à faire baisser les émissions. Mais la réalité est tout autre : la hausse du nombre de passagers noiera les améliorations en matière d’efficacité et à l’évidence, aucun biocarburant n’est en passe de remplacer de manière significative le très énergétique kérosène (qui alimente les avions à réaction). Ajoutez à cela le fait que les biocarburants épuisent une terre précieuse nécessaire à l’agriculture, et il devient manifeste qu’aucune solution technique ne peut suffire à résoudre ce problème.

Une taxe sur les voyageurs fréquents

C’est donc dans ce contexte (une industrie à la fois extrêmement polluante et avide de croissance se retrouvant en conflit avec des données climatologiques irrévocables pendant que le monde politique ferme les yeux) que Plane Stupid a vu le jour il y a douze ans. Le groupe n’a cessé depuis de mener des actions directes, occupant des pistes d’aéroport, envahissant des conférences et parvenant même à dérouler une banderole du haut du Parlement. C’est une partie de cette opposition qui a fait apparaître au grand jour les nombreux projets d’expansion d’aéroports à l’initiative du New Labour de Tony Blair, et qui n’a pas lâché d’une semelle, ces deux dernières années, le projet de nouvelle piste à l’aéroport d’Heathrow (encore remis sur le tapis en dépit de nombreuses promesses du contraire) qui augmenterait de 50 % le nombre de vols et effacerait de la carte deux villages entiers.

Le champ de l’activisme anti-aviation s’est également élargi, des liens se dessinant entre des problèmes différents, mais non moins liés. Des groupes ont ainsi occupé l’aéroport de Londres-City pour braquer les projecteurs sur les inégalités raciales inhérentes au changement climatique et celui de Stansted pour stopper un vol d’expulsion massive renvoyant vers le Nigeria et le Ghana des personnes craignant pour leur vie dans ces pays, souvent du fait de leur sexualité.

Mais Plane Stupid n’a jamais prôné la cessation pure et simple du transport aérien et encourage les initiatives qui vont dans le bon sens, comme la taxe sur les voyageurs fréquents popularisée par A Free Ride, qui ferait avancer le transport aérien en favorisant davantage les voyageurs à faible revenu qu’à l’heure actuelle.

De fait, c’est la mise en regard de tous ces différents aspects qui rend si passionnante la rencontre prévue à Toulouse en août dans le cadre de l’Université d’été européenne des mouvements sociaux : des militants, des ONG, des universitaires et des scientifiques partageront leurs connaissances et leurs expériences, puis réfléchiront à de possibles stratégies pour s’attaquer à ce problème. En octobre dernier, à l’occasion d’une semaine d’action internationale, divers groupes de lutte venant du Mexique, d’Autriche, du Royaume-Uni et de chez vous avec les opposants au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes se sont retrouvés pour exprimer leur solidarité. Cette rencontre sera une continuation particulièrement enrichissante de ce processus. La lutte contre la croissance du transport aérien se doit d’être aussi internationale que l’est ce secteur !

Traduit depuis l’anglais (Grande-Bretagne) par Christelle Roche

  • Richard Collett-White et des dizaines d’intervenants seront à l’Université d’été européenne des mouvements sociaux, organisée par Attac à Toulouse, du 23 au 27 août. Reporterre en est partenaire et y sera présent. Toutes les infos ici
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