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Discours sur les Fils-De-Pute #littérature #politique #corruption #libéralisme #néolibéralisme #genève

Par Alberto Pimenta, écrivain portugais né en 1937, texte écrit en 1977 dans "Discurso Sobre o Filho-da-Puta (Teorema, Lisbonne)" :

 

 "Il y a des gens pour prétendre que le fils-de-pute n’est qu’une façon de parler. Pourtant, l’existence de tant de portraits de lui, de tant de rues, de places, de collèges qui portent son nom ne suffit-t-elle pas pour en finir avec d’éventuels doutes quant à son existence réelle ? Qui, en effet, aurait assez d’imagination pour inventer tant de variétés de fils-de-pute? Non ! Le fils-de-pute existe. Le fils-de-pute existe/ et se trouve pratiquement partout :

Pour définir le fils-de-pute, la situation qu’il occupe est primordiale: presque toujours le fils-de-pute occupe la situation qui est le mieux faite pour lui. Il est extrêmement rare que de grands fils-de-pute occupent des situations inférieures ; moins rares est le cas inverse des petits fils-de-pute qui occupent des situations élevées. Cependant, la plupart des fils-de-pute occupent diverses situations, parce que les situations pour fils-de-pute sont plus nombreuses encore que les fils-de-pute eux-mêmes, et, comme on sait, les situations pour fils-de-pute ne peuvent être occupées que par des fils-de-pute, un point c’est tout.

Jamais personne n’a exigé de lui qu’il transforme et qu’il humanise la société et que, pour cela, il crée les intérêts, les enclos, le fils de fer barbelé, les normes, les règles et les exceptions, les grades, les habilitations, les certificats, les rapports, les commissions, les tests, les traités, les théories, les codes, les accords, les formules, personne ne l’a chargé de se sacrifier pour l’ordre et le progrès, personne ne veut le voir en proie à des préoccupations ; c’est lui-même qui le veut ainsi.

Combien et combien de variétés de fils-de-pute ! Que de temps, que de patience n’exigerait pas leur étude ! Et comme ils sont si nombreux et qu’ils occupent tant de situations, quelques-uns peuvent même se permettre de faire semblant de n’être pas des fils-de-pute.

Aussi loin que remonte la mémoire, nous savons que les fils-de-pute qualifiés pour faire collaborent étroitement avec les fils-de-pute qualifiés pour ne pas laisser faire ; ils collaborent, c’est-à-dire que les fils-de-pute qualifiés pour ne pas laisser faire ont pour occupation et préoccupation suprême de ne rien laisser faire qui défasse ce que font les fils-de-pute qualifiés pour faire.

Une des situations que ce fils-de-pute qualifié pour ne pas laisser faire aime le plus occuper est un bureau de secrétariat, parce que le secrétariat/ n’est pas / le lieu où l’on fait / mais le lieu où l’on ne fait pas / où l’on met sous le tas le papier qui devrait être au-dessus, où l’on crée des difficultés, où l’on retarde la remise des papiers, où l’on affirme ignorer ce que l’on sait et savoir ce que l’on ignore ; c’est au secrétariat que l’on commence à cesser de faire ce pourquoi la vie est faite et où l’on se met à faire ce qu’il convient au secrétariat que l’on fasse, au point de ne plus rien faire que ce qui arrange le secrétariat, c’est-à-dire ce qui n’arrange pas les gens, mais bien ce qui arrange le secrétariat.

Être fils-de-pute détruit la vie des autres sans améliorer la sienne.

Tous les fils-de-pute cherchent à rabaisser, à bafouer la dignité de tout ce qui n’est pas propre aux occupations du fils-de-pute. Si le fils-de-pute a besoin d’acheter le travail de quelqu’un et met dans le journal une annonce à cet effet, il ne demande pas un travailleur, il dit qu’il accepte un travailleur, qu’il accepte le travail de quelqu’un : « On accepte un travailleur » disent alors tous les fils-de-pute, et ils rabaissent ainsi le travail dont ils ont besoin et qu’ils prétendent accepter.

A force de ne pas vouloir abandonner les situations qu’il occupe et à force d’occuper toujours plus de situations, le fils-de-pute constate, de plus en plus, que la vie est une source de préoccupations. Il est d’autant plus préoccupé qu’il est plus fils-de-pute. Même quand il est en vacances, le fils-de-pute se préoccupe de ce que les autres peuvent bien faire en son absence et même de ce que les autres ne font pas mais pourraient faire. Et s’il en est ainsi, et il en est ainsi, comment est-il possible qu’il y ait encore des gens pour soutenir que la vie du fils-de-pute est agréable ? La vie du fils-de-pute ne varie pas, elle ne varie jamais. Pendant qu’il mange il passe son temps à se souvenir d’autres repas, dans d’autres endroits, avec d’autres fils-de-pute. De sorte qu’il mange préoccupé et préoccupant les autres, se rappelant qu’on peut

manger mieux. S’il va au spectacle, il n’y va pas pour satisfaire un besoin; le fils-de-pute va au spectacle parce que cela fait partie de ses obligations de fils-de-pute, il y va pour montrer qu’il y est allé, qu’il a rempli son devoir, et il y va pour voir, pour contrôler si les autres y sont venus, s’ils ont rempli leur devoir, qui est d’aller là où les fils-de-pute entendent que l’on doit aller. Le fils-de-pute y va et se préoccupe de ceux qui sont là et de ceux qui n’y sont pas, il se préoccupe de l’endroit où sont ceux qui sont là et de la manière qu’ils ont d’y être, et il se préoccupe de ceux qui ne sont pas là, et demande toujours d’un air étonné et légèrement réprobateur « si un tel n’est pas là », « si un tel n’est pas venu », « si un tel est absent et pourquoi », « pourquoi il est absent », « à quoi il a occupé son temps » celui qui n’a pas occupé son temps comme le fils-de-pute entend que le temps devait être occupé.

On est fils-de-pute full-time. Du matin au soir et du soir au matin, le fils-de-pute n’oublie jamais qu’il est un fils-de-pute.

Malgré tout, oui, malgré tout le fils-de-pute est/ relativement content de soi.

Comme naître est la pire des choses qui pouvait lui arriver, le fils-de-pute fils ne pense qu’à devenir bien vite fils-de-pute père en en fabriquant un autre qui soit à sa merci, il éprouve de l’orgueil à mesure que son fils cesse de faire ce qu’il serait naturel qu’il fit pour se mettre à faire ce que lui, fils-de-pute, fait ; il éprouve de l’orgueil à mesure qu’il voit son fils se transformer toujours plus en son fils-de-pute à lui, en un nouveau fils-de-pute lui aussi fils-de-pute. « Je veux que tu sois plus fils-de-pute que moi ».

On n’a pas encore bien établi si l’incapacité de vivre ou de laisser vivre qui caractérise le fils-de-pute est congénitale ou acquise ; en d’autres mots, on ne sait pas encore bien si le fils-de-pute naît fils-de-pute ; je crois cependant pouvoir affirmer qu’on naît fils-de-pute et qu’on le devient. Si l’une de ces conditions manque, nous voici devant le fils-de-pute frustré, c’est-à-dire ce fils-de pute pour qui la situation qui lui convient est déjà occupée ou alors n’existe pas encore.

Le fils-de-pute est-il éternel ? Est-il éternel, le fils-de-pute ? Oui, tout porte à croire que le fils-de-pute est éternel. Qui n’a observé par exemple ce qui arrive chaque fois que les fils-de-pute institutionnalisés et bien en place commencent à s’user et à se fatiguer? Qui n’a observé que c’est parmi ces fils-de-pute encore novices que sont alors recrutés les nouveaux fils-de-pute, et il y a toujours un nombre infini de fils-de-pute qui passent leur vie à attendre la place qui leur est due dans le gratin des fils-de-pute.

Comment expliquer que les fils-de-pute, parfois même entre eux, se laissent mourir, se font mourir, se trucident et s’entre-trucident ? Est-ce seulement le désir, l’ambition d’être toujours plus fils-de-pute, le meilleur fils-de-pute, jusqu’à arriver à être, si possible, le nec plus ultra des fils-de-pute ?

Cela ne le dérange jamais de laisser, ou même de faire mourir les autres. Cependant, tous ceux que le fils-de-pute a internés, leur vie durant, dans des maisons de fous et des asiles, des prisons, tous ceux dont il a maquillé le meurtre en suicide, tous ceux que le fils-de-pute a exclu de la vie parce qu’il les craignait, ils les reçoit à nouveau, après

leur mort, en son sein de fils-de-pute. C’est toujours la mort que les fils-de-pute commémorent, c’est toujours la date de la mort: célébrer les morts et mettre en pièce les vivants.

Juan Carlos Hernandez's curator insight, March 27, 2013 9:00 AM

Car ce texte de l'écrivain portugais Alberto Pimenta  est essentiel 

Quelques personnes se reconnaîtront parmi mes "amis" FB et suiveurs Twitter

Merci de me virer illico presto si vous vous reconnaissez

 

"

Par Alberto Pimenta, écrivain portugais né en 1937, texte écrit en 1977 dans "Discurso Sobre o Filho-da-Puta (Teorema, Lisbonne)" :

 

 "Il y a des gens pour prétendre que le fils-de-pute n’est qu’une façon de parler. Pourtant, l’existence de tant de portraits de lui, de tant de rues, de places, de collèges qui portent son nom ne suffit-t-elle pas pour en finir avec d’éventuels doutes quant à son existence réelle ? Qui, en effet, aurait assez d’imagination pour inventer tant de variétés de fils-de-pute? Non ! Le fils-de-pute existe. Le fils-de-pute existe/ et se trouve pratiquement partout :

Pour définir le fils-de-pute, la situation qu’il occupe est primordiale: presque toujours le fils-de-pute occupe la situation qui est le mieux faite pour lui. Il est extrêmement rare que de grands fils-de-pute occupent des situations inférieures ; moins rares est le cas inverse des petits fils-de-pute qui occupent des situations élevées. Cependant, la plupart des fils-de-pute occupent diverses situations, parce que les situations pour fils-de-pute sont plus nombreuses encore que les fils-de-pute eux-mêmes, et, comme on sait, les situations pour fils-de-pute ne peuvent être occupées que par des fils-de-pute, un point c’est tout.

Jamais personne n’a exigé de lui qu’il transforme et qu’il humanise la société et que, pour cela, il crée les intérêts, les enclos, le fils de fer barbelé, les normes, les règles et les exceptions, les grades, les habilitations, les certificats, les rapports, les commissions, les tests, les traités, les théories, les codes, les accords, les formules, personne ne l’a chargé de se sacrifier pour l’ordre et le progrès, personne ne veut le voir en proie à des préoccupations ; c’est lui-même qui le veut ainsi.

Combien et combien de variétés de fils-de-pute ! Que de temps, que de patience n’exigerait pas leur étude ! Et comme ils sont si nombreux et qu’ils occupent tant de situations, quelques-uns peuvent même se permettre de faire semblant de n’être pas des fils-de-pute...."

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Discours sur les Fils-De-Pute #littérature #politique #corruption #libéralisme #néolibéralisme

Par Alberto Pimenta, écrivain portugais né en 1937, texte écrit en 1977 dans "Discurso Sobre o Filho-da-Puta (Teorema, Lisbonne)" :

 

 "Il y a des gens pour prétendre que le fils-de-pute n’est qu’une façon de parler. Pourtant, l’existence de tant de portraits de lui, de tant de rues, de places, de collèges qui portent son nom ne suffit-t-elle pas pour en finir avec d’éventuels doutes quant à son existence réelle ? Qui, en effet, aurait assez d’imagination pour inventer tant de variétés de fils-de-pute? Non ! Le fils-de-pute existe. Le fils-de-pute existe/ et se trouve pratiquement partout :

Pour définir le fils-de-pute, la situation qu’il occupe est primordiale: presque toujours le fils-de-pute occupe la situation qui est le mieux faite pour lui. Il est extrêmement rare que de grands fils-de-pute occupent des situations inférieures ; moins rares est le cas inverse des petits fils-de-pute qui occupent des situations élevées. Cependant, la plupart des fils-de-pute occupent diverses situations, parce que les situations pour fils-de-pute sont plus nombreuses encore que les fils-de-pute eux-mêmes, et, comme on sait, les situations pour fils-de-pute ne peuvent être occupées que par des fils-de-pute, un point c’est tout.

Jamais personne n’a exigé de lui qu’il transforme et qu’il humanise la société et que, pour cela, il crée les intérêts, les enclos, le fils de fer barbelé, les normes, les règles et les exceptions, les grades, les habilitations, les certificats, les rapports, les commissions, les tests, les traités, les théories, les codes, les accords, les formules, personne ne l’a chargé de se sacrifier pour l’ordre et le progrès, personne ne veut le voir en proie à des préoccupations ; c’est lui-même qui le veut ainsi.

Combien et combien de variétés de fils-de-pute ! Que de temps, que de patience n’exigerait pas leur étude ! Et comme ils sont si nombreux et qu’ils occupent tant de situations, quelques-uns peuvent même se permettre de faire semblant de n’être pas des fils-de-pute.

Aussi loin que remonte la mémoire, nous savons que les fils-de-pute qualifiés pour faire collaborent étroitement avec les fils-de-pute qualifiés pour ne pas laisser faire ; ils collaborent, c’est-à-dire que les fils-de-pute qualifiés pour ne pas laisser faire ont pour occupation et préoccupation suprême de ne rien laisser faire qui défasse ce que font les fils-de-pute qualifiés pour faire.

Une des situations que ce fils-de-pute qualifié pour ne pas laisser faire aime le plus occuper est un bureau de secrétariat, parce que le secrétariat/ n’est pas / le lieu où l’on fait / mais le lieu où l’on ne fait pas / où l’on met sous le tas le papier qui devrait être au-dessus, où l’on crée des difficultés, où l’on retarde la remise des papiers, où l’on affirme ignorer ce que l’on sait et savoir ce que l’on ignore ; c’est au secrétariat que l’on commence à cesser de faire ce pourquoi la vie est faite et où l’on se met à faire ce qu’il convient au secrétariat que l’on fasse, au point de ne plus rien faire que ce qui arrange le secrétariat, c’est-à-dire ce qui n’arrange pas les gens, mais bien ce qui arrange le secrétariat.

Être fils-de-pute détruit la vie des autres sans améliorer la sienne.

Tous les fils-de-pute cherchent à rabaisser, à bafouer la dignité de tout ce qui n’est pas propre aux occupations du fils-de-pute. Si le fils-de-pute a besoin d’acheter le travail de quelqu’un et met dans le journal une annonce à cet effet, il ne demande pas un travailleur, il dit qu’il accepte un travailleur, qu’il accepte le travail de quelqu’un : « On accepte un travailleur » disent alors tous les fils-de-pute, et ils rabaissent ainsi le travail dont ils ont besoin et qu’ils prétendent accepter.

A force de ne pas vouloir abandonner les situations qu’il occupe et à force d’occuper toujours plus de situations, le fils-de-pute constate, de plus en plus, que la vie est une source de préoccupations. Il est d’autant plus préoccupé qu’il est plus fils-de-pute. Même quand il est en vacances, le fils-de-pute se préoccupe de ce que les autres peuvent bien faire en son absence et même de ce que les autres ne font pas mais pourraient faire. Et s’il en est ainsi, et il en est ainsi, comment est-il possible qu’il y ait encore des gens pour soutenir que la vie du fils-de-pute est agréable ? La vie du fils-de-pute ne varie pas, elle ne varie jamais. Pendant qu’il mange il passe son temps à se souvenir d’autres repas, dans d’autres endroits, avec d’autres fils-de-pute. De sorte qu’il mange préoccupé et préoccupant les autres, se rappelant qu’on peut

manger mieux. S’il va au spectacle, il n’y va pas pour satisfaire un besoin; le fils-de-pute va au spectacle parce que cela fait partie de ses obligations de fils-de-pute, il y va pour montrer qu’il y est allé, qu’il a rempli son devoir, et il y va pour voir, pour contrôler si les autres y sont venus, s’ils ont rempli leur devoir, qui est d’aller là où les fils-de-pute entendent que l’on doit aller. Le fils-de-pute y va et se préoccupe de ceux qui sont là et de ceux qui n’y sont pas, il se préoccupe de l’endroit où sont ceux qui sont là et de la manière qu’ils ont d’y être, et il se préoccupe de ceux qui ne sont pas là, et demande toujours d’un air étonné et légèrement réprobateur « si un tel n’est pas là », « si un tel n’est pas venu », « si un tel est absent et pourquoi », « pourquoi il est absent », « à quoi il a occupé son temps » celui qui n’a pas occupé son temps comme le fils-de-pute entend que le temps devait être occupé.

On est fils-de-pute full-time. Du matin au soir et du soir au matin, le fils-de-pute n’oublie jamais qu’il est un fils-de-pute.

Malgré tout, oui, malgré tout le fils-de-pute est/ relativement content de soi.

Comme naître est la pire des choses qui pouvait lui arriver, le fils-de-pute fils ne pense qu’à devenir bien vite fils-de-pute père en en fabriquant un autre qui soit à sa merci, il éprouve de l’orgueil à mesure que son fils cesse de faire ce qu’il serait naturel qu’il fit pour se mettre à faire ce que lui, fils-de-pute, fait ; il éprouve de l’orgueil à mesure qu’il voit son fils se transformer toujours plus en son fils-de-pute à lui, en un nouveau fils-de-pute lui aussi fils-de-pute. « Je veux que tu sois plus fils-de-pute que moi ».

On n’a pas encore bien établi si l’incapacité de vivre ou de laisser vivre qui caractérise le fils-de-pute est congénitale ou acquise ; en d’autres mots, on ne sait pas encore bien si le fils-de-pute naît fils-de-pute ; je crois cependant pouvoir affirmer qu’on naît fils-de-pute et qu’on le devient. Si l’une de ces conditions manque, nous voici devant le fils-de-pute frustré, c’est-à-dire ce fils-de pute pour qui la situation qui lui convient est déjà occupée ou alors n’existe pas encore.

Le fils-de-pute est-il éternel ? Est-il éternel, le fils-de-pute ? Oui, tout porte à croire que le fils-de-pute est éternel. Qui n’a observé par exemple ce qui arrive chaque fois que les fils-de-pute institutionnalisés et bien en place commencent à s’user et à se fatiguer? Qui n’a observé que c’est parmi ces fils-de-pute encore novices que sont alors recrutés les nouveaux fils-de-pute, et il y a toujours un nombre infini de fils-de-pute qui passent leur vie à attendre la place qui leur est due dans le gratin des fils-de-pute.

Comment expliquer que les fils-de-pute, parfois même entre eux, se laissent mourir, se font mourir, se trucident et s’entre-trucident ? Est-ce seulement le désir, l’ambition d’être toujours plus fils-de-pute, le meilleur fils-de-pute, jusqu’à arriver à être, si possible, le nec plus ultra des fils-de-pute ?

Cela ne le dérange jamais de laisser, ou même de faire mourir les autres. Cependant, tous ceux que le fils-de-pute a internés, leur vie durant, dans des maisons de fous et des asiles, des prisons, tous ceux dont il a maquillé le meurtre en suicide, tous ceux que le fils-de-pute a exclu de la vie parce qu’il les craignait, ils les reçoit à nouveau, après

leur mort, en son sein de fils-de-pute. C’est toujours la mort que les fils-de-pute commémorent, c’est toujours la date de la mort: célébrer les morts et mettre en pièce les vivants.

 

 

Juan Carlos Hernandez's curator insight, March 27, 2013 9:00 AM

Car ce texte de l'écrivain portugais Alberto Pimenta  est essentiel 

Quelques personnes se reconnaîtront parmi mes "amis" FB et suiveurs Twitter

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Par Alberto Pimenta, écrivain portugais né en 1937, texte écrit en 1977 dans "Discurso Sobre o Filho-da-Puta (Teorema, Lisbonne)" :

 

 "Il y a des gens pour prétendre que le fils-de-pute n’est qu’une façon de parler. Pourtant, l’existence de tant de portraits de lui, de tant de rues, de places, de collèges qui portent son nom ne suffit-t-elle pas pour en finir avec d’éventuels doutes quant à son existence réelle ? Qui, en effet, aurait assez d’imagination pour inventer tant de variétés de fils-de-pute? Non ! Le fils-de-pute existe. Le fils-de-pute existe/ et se trouve pratiquement partout :

Pour définir le fils-de-pute, la situation qu’il occupe est primordiale: presque toujours le fils-de-pute occupe la situation qui est le mieux faite pour lui. Il est extrêmement rare que de grands fils-de-pute occupent des situations inférieures ; moins rares est le cas inverse des petits fils-de-pute qui occupent des situations élevées. Cependant, la plupart des fils-de-pute occupent diverses situations, parce que les situations pour fils-de-pute sont plus nombreuses encore que les fils-de-pute eux-mêmes, et, comme on sait, les situations pour fils-de-pute ne peuvent être occupées que par des fils-de-pute, un point c’est tout.

Jamais personne n’a exigé de lui qu’il transforme et qu’il humanise la société et que, pour cela, il crée les intérêts, les enclos, le fils de fer barbelé, les normes, les règles et les exceptions, les grades, les habilitations, les certificats, les rapports, les commissions, les tests, les traités, les théories, les codes, les accords, les formules, personne ne l’a chargé de se sacrifier pour l’ordre et le progrès, personne ne veut le voir en proie à des préoccupations ; c’est lui-même qui le veut ainsi.

Combien et combien de variétés de fils-de-pute ! Que de temps, que de patience n’exigerait pas leur étude ! Et comme ils sont si nombreux et qu’ils occupent tant de situations, quelques-uns peuvent même se permettre de faire semblant de n’être pas des fils-de-pute...."

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Discours sur les Fils-De-Pute #littérature #politique #corruption #libéralisme #néolibéralisme

Par Alberto Pimenta, écrivain portugais né en 1937, texte écrit en 1977 dans "Discurso Sobre o Filho-da-Puta (Teorema, Lisbonne)" :

 

 "Il y a des gens pour prétendre que le fils-de-pute n’est qu’une façon de parler. Pourtant, l’existence de tant de portraits de lui, de tant de rues, de places, de collèges qui portent son nom ne suffit-t-elle pas pour en finir avec d’éventuels doutes quant à son existence réelle ? Qui, en effet, aurait assez d’imagination pour inventer tant de variétés de fils-de-pute? Non ! Le fils-de-pute existe. Le fils-de-pute existe/ et se trouve pratiquement partout :

Pour définir le fils-de-pute, la situation qu’il occupe est primordiale: presque toujours le fils-de-pute occupe la situation qui est le mieux faite pour lui. Il est extrêmement rare que de grands fils-de-pute occupent des situations inférieures ; moins rares est le cas inverse des petits fils-de-pute qui occupent des situations élevées. Cependant, la plupart des fils-de-pute occupent diverses situations, parce que les situations pour fils-de-pute sont plus nombreuses encore que les fils-de-pute eux-mêmes, et, comme on sait, les situations pour fils-de-pute ne peuvent être occupées que par des fils-de-pute, un point c’est tout.

Jamais personne n’a exigé de lui qu’il transforme et qu’il humanise la société et que, pour cela, il crée les intérêts, les enclos, le fils de fer barbelé, les normes, les règles et les exceptions, les grades, les habilitations, les certificats, les rapports, les commissions, les tests, les traités, les théories, les codes, les accords, les formules, personne ne l’a chargé de se sacrifier pour l’ordre et le progrès, personne ne veut le voir en proie à des préoccupations ; c’est lui-même qui le veut ainsi.

Combien et combien de variétés de fils-de-pute ! Que de temps, que de patience n’exigerait pas leur étude ! Et comme ils sont si nombreux et qu’ils occupent tant de situations, quelques-uns peuvent même se permettre de faire semblant de n’être pas des fils-de-pute.

Aussi loin que remonte la mémoire, nous savons que les fils-de-pute qualifiés pour faire collaborent étroitement avec les fils-de-pute qualifiés pour ne pas laisser faire ; ils collaborent, c’est-à-dire que les fils-de-pute qualifiés pour ne pas laisser faire ont pour occupation et préoccupation suprême de ne rien laisser faire qui défasse ce que font les fils-de-pute qualifiés pour faire.

Une des situations que ce fils-de-pute qualifié pour ne pas laisser faire aime le plus occuper est un bureau de secrétariat, parce que le secrétariat/ n’est pas / le lieu où l’on fait / mais le lieu où l’on ne fait pas / où l’on met sous le tas le papier qui devrait être au-dessus, où l’on crée des difficultés, où l’on retarde la remise des papiers, où l’on affirme ignorer ce que l’on sait et savoir ce que l’on ignore ; c’est au secrétariat que l’on commence à cesser de faire ce pourquoi la vie est faite et où l’on se met à faire ce qu’il convient au secrétariat que l’on fasse, au point de ne plus rien faire que ce qui arrange le secrétariat, c’est-à-dire ce qui n’arrange pas les gens, mais bien ce qui arrange le secrétariat.

Être fils-de-pute détruit la vie des autres sans améliorer la sienne.

Tous les fils-de-pute cherchent à rabaisser, à bafouer la dignité de tout ce qui n’est pas propre aux occupations du fils-de-pute. Si le fils-de-pute a besoin d’acheter le travail de quelqu’un et met dans le journal une annonce à cet effet, il ne demande pas un travailleur, il dit qu’il accepte un travailleur, qu’il accepte le travail de quelqu’un : « On accepte un travailleur » disent alors tous les fils-de-pute, et ils rabaissent ainsi le travail dont ils ont besoin et qu’ils prétendent accepter.

A force de ne pas vouloir abandonner les situations qu’il occupe et à force d’occuper toujours plus de situations, le fils-de-pute constate, de plus en plus, que la vie est une source de préoccupations. Il est d’autant plus préoccupé qu’il est plus fils-de-pute. Même quand il est en vacances, le fils-de-pute se préoccupe de ce que les autres peuvent bien faire en son absence et même de ce que les autres ne font pas mais pourraient faire. Et s’il en est ainsi, et il en est ainsi, comment est-il possible qu’il y ait encore des gens pour soutenir que la vie du fils-de-pute est agréable ? La vie du fils-de-pute ne varie pas, elle ne varie jamais. Pendant qu’il mange il passe son temps à se souvenir d’autres repas, dans d’autres endroits, avec d’autres fils-de-pute. De sorte qu’il mange préoccupé et préoccupant les autres, se rappelant qu’on peut

manger mieux. S’il va au spectacle, il n’y va pas pour satisfaire un besoin; le fils-de-pute va au spectacle parce que cela fait partie de ses obligations de fils-de-pute, il y va pour montrer qu’il y est allé, qu’il a rempli son devoir, et il y va pour voir, pour contrôler si les autres y sont venus, s’ils ont rempli leur devoir, qui est d’aller là où les fils-de-pute entendent que l’on doit aller. Le fils-de-pute y va et se préoccupe de ceux qui sont là et de ceux qui n’y sont pas, il se préoccupe de l’endroit où sont ceux qui sont là et de la manière qu’ils ont d’y être, et il se préoccupe de ceux qui ne sont pas là, et demande toujours d’un air étonné et légèrement réprobateur « si un tel n’est pas là », « si un tel n’est pas venu », « si un tel est absent et pourquoi », « pourquoi il est absent », « à quoi il a occupé son temps » celui qui n’a pas occupé son temps comme le fils-de-pute entend que le temps devait être occupé.

On est fils-de-pute full-time. Du matin au soir et du soir au matin, le fils-de-pute n’oublie jamais qu’il est un fils-de-pute.

Malgré tout, oui, malgré tout le fils-de-pute est/ relativement content de soi.

Comme naître est la pire des choses qui pouvait lui arriver, le fils-de-pute fils ne pense qu’à devenir bien vite fils-de-pute père en en fabriquant un autre qui soit à sa merci, il éprouve de l’orgueil à mesure que son fils cesse de faire ce qu’il serait naturel qu’il fit pour se mettre à faire ce que lui, fils-de-pute, fait ; il éprouve de l’orgueil à mesure qu’il voit son fils se transformer toujours plus en son fils-de-pute à lui, en un nouveau fils-de-pute lui aussi fils-de-pute. « Je veux que tu sois plus fils-de-pute que moi ».

On n’a pas encore bien établi si l’incapacité de vivre ou de laisser vivre qui caractérise le fils-de-pute est congénitale ou acquise ; en d’autres mots, on ne sait pas encore bien si le fils-de-pute naît fils-de-pute ; je crois cependant pouvoir affirmer qu’on naît fils-de-pute et qu’on le devient. Si l’une de ces conditions manque, nous voici devant le fils-de-pute frustré, c’est-à-dire ce fils-de pute pour qui la situation qui lui convient est déjà occupée ou alors n’existe pas encore.

Le fils-de-pute est-il éternel ? Est-il éternel, le fils-de-pute ? Oui, tout porte à croire que le fils-de-pute est éternel. Qui n’a observé par exemple ce qui arrive chaque fois que les fils-de-pute institutionnalisés et bien en place commencent à s’user et à se fatiguer? Qui n’a observé que c’est parmi ces fils-de-pute encore novices que sont alors recrutés les nouveaux fils-de-pute, et il y a toujours un nombre infini de fils-de-pute qui passent leur vie à attendre la place qui leur est due dans le gratin des fils-de-pute.

Comment expliquer que les fils-de-pute, parfois même entre eux, se laissent mourir, se font mourir, se trucident et s’entre-trucident ? Est-ce seulement le désir, l’ambition d’être toujours plus fils-de-pute, le meilleur fils-de-pute, jusqu’à arriver à être, si possible, le nec plus ultra des fils-de-pute ?

Cela ne le dérange jamais de laisser, ou même de faire mourir les autres. Cependant, tous ceux que le fils-de-pute a internés, leur vie durant, dans des maisons de fous et des asiles, des prisons, tous ceux dont il a maquillé le meurtre en suicide, tous ceux que le fils-de-pute a exclu de la vie parce qu’il les craignait, ils les reçoit à nouveau, après

leur mort, en son sein de fils-de-pute. C’est toujours la mort que les fils-de-pute commémorent, c’est toujours la date de la mort: célébrer les morts et mettre en pièce les vivants.

 

 

Juan Carlos Hernandez's curator insight, March 27, 2013 9:00 AM

Car ce texte de l'écrivain portugais Alberto Pimenta  est essentiel 

Quelques personnes se reconnaîtront parmi mes "amis" FB et suiveurs Twitter

Merci de me virer illico presto si vous vous reconnaissez

 

"

Par Alberto Pimenta, écrivain portugais né en 1937, texte écrit en 1977 dans "Discurso Sobre o Filho-da-Puta (Teorema, Lisbonne)" :

 

 "Il y a des gens pour prétendre que le fils-de-pute n’est qu’une façon de parler. Pourtant, l’existence de tant de portraits de lui, de tant de rues, de places, de collèges qui portent son nom ne suffit-t-elle pas pour en finir avec d’éventuels doutes quant à son existence réelle ? Qui, en effet, aurait assez d’imagination pour inventer tant de variétés de fils-de-pute? Non ! Le fils-de-pute existe. Le fils-de-pute existe/ et se trouve pratiquement partout :

Pour définir le fils-de-pute, la situation qu’il occupe est primordiale: presque toujours le fils-de-pute occupe la situation qui est le mieux faite pour lui. Il est extrêmement rare que de grands fils-de-pute occupent des situations inférieures ; moins rares est le cas inverse des petits fils-de-pute qui occupent des situations élevées. Cependant, la plupart des fils-de-pute occupent diverses situations, parce que les situations pour fils-de-pute sont plus nombreuses encore que les fils-de-pute eux-mêmes, et, comme on sait, les situations pour fils-de-pute ne peuvent être occupées que par des fils-de-pute, un point c’est tout.

Jamais personne n’a exigé de lui qu’il transforme et qu’il humanise la société et que, pour cela, il crée les intérêts, les enclos, le fils de fer barbelé, les normes, les règles et les exceptions, les grades, les habilitations, les certificats, les rapports, les commissions, les tests, les traités, les théories, les codes, les accords, les formules, personne ne l’a chargé de se sacrifier pour l’ordre et le progrès, personne ne veut le voir en proie à des préoccupations ; c’est lui-même qui le veut ainsi.

Combien et combien de variétés de fils-de-pute ! Que de temps, que de patience n’exigerait pas leur étude ! Et comme ils sont si nombreux et qu’ils occupent tant de situations, quelques-uns peuvent même se permettre de faire semblant de n’être pas des fils-de-pute...."

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Discours sur les Fils-De-Pute #littérature #politique #corruption #libéralisme #néolibéralisme

Par Alberto Pimenta, écrivain portugais né en 1937, texte écrit en 1977 dans "Discurso Sobre o Filho-da-Puta (Teorema, Lisbonne)" :

 

 "Il y a des gens pour prétendre que le fils-de-pute n’est qu’une façon de parler. Pourtant, l’existence de tant de portraits de lui, de tant de rues, de places, de collèges qui portent son nom ne suffit-t-elle pas pour en finir avec d’éventuels doutes quant à son existence réelle ? Qui, en effet, aurait assez d’imagination pour inventer tant de variétés de fils-de-pute? Non ! Le fils-de-pute existe. Le fils-de-pute existe/ et se trouve pratiquement partout :

Pour définir le fils-de-pute, la situation qu’il occupe est primordiale: presque toujours le fils-de-pute occupe la situation qui est le mieux faite pour lui. Il est extrêmement rare que de grands fils-de-pute occupent des situations inférieures ; moins rares est le cas inverse des petits fils-de-pute qui occupent des situations élevées. Cependant, la plupart des fils-de-pute occupent diverses situations, parce que les situations pour fils-de-pute sont plus nombreuses encore que les fils-de-pute eux-mêmes, et, comme on sait, les situations pour fils-de-pute ne peuvent être occupées que par des fils-de-pute, un point c’est tout.

Jamais personne n’a exigé de lui qu’il transforme et qu’il humanise la société et que, pour cela, il crée les intérêts, les enclos, le fils de fer barbelé, les normes, les règles et les exceptions, les grades, les habilitations, les certificats, les rapports, les commissions, les tests, les traités, les théories, les codes, les accords, les formules, personne ne l’a chargé de se sacrifier pour l’ordre et le progrès, personne ne veut le voir en proie à des préoccupations ; c’est lui-même qui le veut ainsi.

Combien et combien de variétés de fils-de-pute ! Que de temps, que de patience n’exigerait pas leur étude ! Et comme ils sont si nombreux et qu’ils occupent tant de situations, quelques-uns peuvent même se permettre de faire semblant de n’être pas des fils-de-pute.

Aussi loin que remonte la mémoire, nous savons que les fils-de-pute qualifiés pour faire collaborent étroitement avec les fils-de-pute qualifiés pour ne pas laisser faire ; ils collaborent, c’est-à-dire que les fils-de-pute qualifiés pour ne pas laisser faire ont pour occupation et préoccupation suprême de ne rien laisser faire qui défasse ce que font les fils-de-pute qualifiés pour faire.

Une des situations que ce fils-de-pute qualifié pour ne pas laisser faire aime le plus occuper est un bureau de secrétariat, parce que le secrétariat/ n’est pas / le lieu où l’on fait / mais le lieu où l’on ne fait pas / où l’on met sous le tas le papier qui devrait être au-dessus, où l’on crée des difficultés, où l’on retarde la remise des papiers, où l’on affirme ignorer ce que l’on sait et savoir ce que l’on ignore ; c’est au secrétariat que l’on commence à cesser de faire ce pourquoi la vie est faite et où l’on se met à faire ce qu’il convient au secrétariat que l’on fasse, au point de ne plus rien faire que ce qui arrange le secrétariat, c’est-à-dire ce qui n’arrange pas les gens, mais bien ce qui arrange le secrétariat.

Être fils-de-pute détruit la vie des autres sans améliorer la sienne.

Tous les fils-de-pute cherchent à rabaisser, à bafouer la dignité de tout ce qui n’est pas propre aux occupations du fils-de-pute. Si le fils-de-pute a besoin d’acheter le travail de quelqu’un et met dans le journal une annonce à cet effet, il ne demande pas un travailleur, il dit qu’il accepte un travailleur, qu’il accepte le travail de quelqu’un : « On accepte un travailleur » disent alors tous les fils-de-pute, et ils rabaissent ainsi le travail dont ils ont besoin et qu’ils prétendent accepter.

A force de ne pas vouloir abandonner les situations qu’il occupe et à force d’occuper toujours plus de situations, le fils-de-pute constate, de plus en plus, que la vie est une source de préoccupations. Il est d’autant plus préoccupé qu’il est plus fils-de-pute. Même quand il est en vacances, le fils-de-pute se préoccupe de ce que les autres peuvent bien faire en son absence et même de ce que les autres ne font pas mais pourraient faire. Et s’il en est ainsi, et il en est ainsi, comment est-il possible qu’il y ait encore des gens pour soutenir que la vie du fils-de-pute est agréable ? La vie du fils-de-pute ne varie pas, elle ne varie jamais. Pendant qu’il mange il passe son temps à se souvenir d’autres repas, dans d’autres endroits, avec d’autres fils-de-pute. De sorte qu’il mange préoccupé et préoccupant les autres, se rappelant qu’on peut

manger mieux. S’il va au spectacle, il n’y va pas pour satisfaire un besoin; le fils-de-pute va au spectacle parce que cela fait partie de ses obligations de fils-de-pute, il y va pour montrer qu’il y est allé, qu’il a rempli son devoir, et il y va pour voir, pour contrôler si les autres y sont venus, s’ils ont rempli leur devoir, qui est d’aller là où les fils-de-pute entendent que l’on doit aller. Le fils-de-pute y va et se préoccupe de ceux qui sont là et de ceux qui n’y sont pas, il se préoccupe de l’endroit où sont ceux qui sont là et de la manière qu’ils ont d’y être, et il se préoccupe de ceux qui ne sont pas là, et demande toujours d’un air étonné et légèrement réprobateur « si un tel n’est pas là », « si un tel n’est pas venu », « si un tel est absent et pourquoi », « pourquoi il est absent », « à quoi il a occupé son temps » celui qui n’a pas occupé son temps comme le fils-de-pute entend que le temps devait être occupé.

On est fils-de-pute full-time. Du matin au soir et du soir au matin, le fils-de-pute n’oublie jamais qu’il est un fils-de-pute.

Malgré tout, oui, malgré tout le fils-de-pute est/ relativement content de soi.

Comme naître est la pire des choses qui pouvait lui arriver, le fils-de-pute fils ne pense qu’à devenir bien vite fils-de-pute père en en fabriquant un autre qui soit à sa merci, il éprouve de l’orgueil à mesure que son fils cesse de faire ce qu’il serait naturel qu’il fit pour se mettre à faire ce que lui, fils-de-pute, fait ; il éprouve de l’orgueil à mesure qu’il voit son fils se transformer toujours plus en son fils-de-pute à lui, en un nouveau fils-de-pute lui aussi fils-de-pute. « Je veux que tu sois plus fils-de-pute que moi ».

On n’a pas encore bien établi si l’incapacité de vivre ou de laisser vivre qui caractérise le fils-de-pute est congénitale ou acquise ; en d’autres mots, on ne sait pas encore bien si le fils-de-pute naît fils-de-pute ; je crois cependant pouvoir affirmer qu’on naît fils-de-pute et qu’on le devient. Si l’une de ces conditions manque, nous voici devant le fils-de-pute frustré, c’est-à-dire ce fils-de pute pour qui la situation qui lui convient est déjà occupée ou alors n’existe pas encore.

Le fils-de-pute est-il éternel ? Est-il éternel, le fils-de-pute ? Oui, tout porte à croire que le fils-de-pute est éternel. Qui n’a observé par exemple ce qui arrive chaque fois que les fils-de-pute institutionnalisés et bien en place commencent à s’user et à se fatiguer? Qui n’a observé que c’est parmi ces fils-de-pute encore novices que sont alors recrutés les nouveaux fils-de-pute, et il y a toujours un nombre infini de fils-de-pute qui passent leur vie à attendre la place qui leur est due dans le gratin des fils-de-pute.

Comment expliquer que les fils-de-pute, parfois même entre eux, se laissent mourir, se font mourir, se trucident et s’entre-trucident ? Est-ce seulement le désir, l’ambition d’être toujours plus fils-de-pute, le meilleur fils-de-pute, jusqu’à arriver à être, si possible, le nec plus ultra des fils-de-pute ?

Cela ne le dérange jamais de laisser, ou même de faire mourir les autres. Cependant, tous ceux que le fils-de-pute a internés, leur vie durant, dans des maisons de fous et des asiles, des prisons, tous ceux dont il a maquillé le meurtre en suicide, tous ceux que le fils-de-pute a exclu de la vie parce qu’il les craignait, ils les reçoit à nouveau, après

leur mort, en son sein de fils-de-pute. C’est toujours la mort que les fils-de-pute commémorent, c’est toujours la date de la mort: célébrer les morts et mettre en pièce les vivants.

 

 

Juan Carlos Hernandez's curator insight, March 27, 2013 9:00 AM

Car ce texte de l'écrivain portugais Alberto Pimenta  est essentiel 

Quelques personnes se reconnaîtront parmi mes "amis" FB et suiveurs Twitter

Merci de me virer illico presto si vous vous reconnaissez

 

"

Par Alberto Pimenta, écrivain portugais né en 1937, texte écrit en 1977 dans "Discurso Sobre o Filho-da-Puta (Teorema, Lisbonne)" :

 

 "Il y a des gens pour prétendre que le fils-de-pute n’est qu’une façon de parler. Pourtant, l’existence de tant de portraits de lui, de tant de rues, de places, de collèges qui portent son nom ne suffit-t-elle pas pour en finir avec d’éventuels doutes quant à son existence réelle ? Qui, en effet, aurait assez d’imagination pour inventer tant de variétés de fils-de-pute? Non ! Le fils-de-pute existe. Le fils-de-pute existe/ et se trouve pratiquement partout :

Pour définir le fils-de-pute, la situation qu’il occupe est primordiale: presque toujours le fils-de-pute occupe la situation qui est le mieux faite pour lui. Il est extrêmement rare que de grands fils-de-pute occupent des situations inférieures ; moins rares est le cas inverse des petits fils-de-pute qui occupent des situations élevées. Cependant, la plupart des fils-de-pute occupent diverses situations, parce que les situations pour fils-de-pute sont plus nombreuses encore que les fils-de-pute eux-mêmes, et, comme on sait, les situations pour fils-de-pute ne peuvent être occupées que par des fils-de-pute, un point c’est tout.

Jamais personne n’a exigé de lui qu’il transforme et qu’il humanise la société et que, pour cela, il crée les intérêts, les enclos, le fils de fer barbelé, les normes, les règles et les exceptions, les grades, les habilitations, les certificats, les rapports, les commissions, les tests, les traités, les théories, les codes, les accords, les formules, personne ne l’a chargé de se sacrifier pour l’ordre et le progrès, personne ne veut le voir en proie à des préoccupations ; c’est lui-même qui le veut ainsi.

Combien et combien de variétés de fils-de-pute ! Que de temps, que de patience n’exigerait pas leur étude ! Et comme ils sont si nombreux et qu’ils occupent tant de situations, quelques-uns peuvent même se permettre de faire semblant de n’être pas des fils-de-pute...."

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"Les Fils-De-Pute "  #littérature #politique #corruption #libéralisme #néolibéralisme

Par Alberto Pimenta, écrivain portugais né en 1937, texte écrit en 1977 dans "Discurso Sobre o Filho-da-Puta (Teorema, Lisbonne)" :

 

 "Il y a des gens pour prétendre que le fils-de-pute n’est qu’une façon de parler. Pourtant, l’existence de tant de portraits de lui, de tant de rues, de places, de collèges qui portent son nom ne suffit-t-elle pas pour en finir avec d’éventuels doutes quant à son existence réelle ? Qui, en effet, aurait assez d’imagination pour inventer tant de variétés de fils-de-pute? Non ! Le fils-de-pute existe. Le fils-de-pute existe/ et se trouve pratiquement partout :

Pour définir le fils-de-pute, la situation qu’il occupe est primordiale: presque toujours le fils-de-pute occupe la situation qui est le mieux faite pour lui. Il est extrêmement rare que de grands fils-de-pute occupent des situations inférieures ; moins rares est le cas inverse des petits fils-de-pute qui occupent des situations élevées. Cependant, la plupart des fils-de-pute occupent diverses situations, parce que les situations pour fils-de-pute sont plus nombreuses encore que les fils-de-pute eux-mêmes, et, comme on sait, les situations pour fils-de-pute ne peuvent être occupées que par des fils-de-pute, un point c’est tout.

Jamais personne n’a exigé de lui qu’il transforme et qu’il humanise la société et que, pour cela, il crée les intérêts, les enclos, le fils de fer barbelé, les normes, les règles et les exceptions, les grades, les habilitations, les certificats, les rapports, les commissions, les tests, les traités, les théories, les codes, les accords, les formules, personne ne l’a chargé de se sacrifier pour l’ordre et le progrès, personne ne veut le voir en proie à des préoccupations ; c’est lui-même qui le veut ainsi.

Combien et combien de variétés de fils-de-pute ! Que de temps, que de patience n’exigerait pas leur étude ! Et comme ils sont si nombreux et qu’ils occupent tant de situations, quelques-uns peuvent même se permettre de faire semblant de n’être pas des fils-de-pute.

Aussi loin que remonte la mémoire, nous savons que les fils-de-pute qualifiés pour faire collaborent étroitement avec les fils-de-pute qualifiés pour ne pas laisser faire ; ils collaborent, c’est-à-dire que les fils-de-pute qualifiés pour ne pas laisser faire ont pour occupation et préoccupation suprême de ne rien laisser faire qui défasse ce que font les fils-de-pute qualifiés pour faire.

Une des situations que ce fils-de-pute qualifié pour ne pas laisser faire aime le plus occuper est un bureau de secrétariat, parce que le secrétariat/ n’est pas / le lieu où l’on fait / mais le lieu où l’on ne fait pas / où l’on met sous le tas le papier qui devrait être au-dessus, où l’on crée des difficultés, où l’on retarde la remise des papiers, où l’on affirme ignorer ce que l’on sait et savoir ce que l’on ignore ; c’est au secrétariat que l’on commence à cesser de faire ce pourquoi la vie est faite et où l’on se met à faire ce qu’il convient au secrétariat que l’on fasse, au point de ne plus rien faire que ce qui arrange le secrétariat, c’est-à-dire ce qui n’arrange pas les gens, mais bien ce qui arrange le secrétariat.

Être fils-de-pute détruit la vie des autres sans améliorer la sienne.

Tous les fils-de-pute cherchent à rabaisser, à bafouer la dignité de tout ce qui n’est pas propre aux occupations du fils-de-pute. Si le fils-de-pute a besoin d’acheter le travail de quelqu’un et met dans le journal une annonce à cet effet, il ne demande pas un travailleur, il dit qu’il accepte un travailleur, qu’il accepte le travail de quelqu’un : « On accepte un travailleur » disent alors tous les fils-de-pute, et ils rabaissent ainsi le travail dont ils ont besoin et qu’ils prétendent accepter.

A force de ne pas vouloir abandonner les situations qu’il occupe et à force d’occuper toujours plus de situations, le fils-de-pute constate, de plus en plus, que la vie est une source de préoccupations. Il est d’autant plus préoccupé qu’il est plus fils-de-pute. Même quand il est en vacances, le fils-de-pute se préoccupe de ce que les autres peuvent bien faire en son absence et même de ce que les autres ne font pas mais pourraient faire. Et s’il en est ainsi, et il en est ainsi, comment est-il possible qu’il y ait encore des gens pour soutenir que la vie du fils-de-pute est agréable ? La vie du fils-de-pute ne varie pas, elle ne varie jamais. Pendant qu’il mange il passe son temps à se souvenir d’autres repas, dans d’autres endroits, avec d’autres fils-de-pute. De sorte qu’il mange préoccupé et préoccupant les autres, se rappelant qu’on peut

manger mieux. S’il va au spectacle, il n’y va pas pour satisfaire un besoin; le fils-de-pute va au spectacle parce que cela fait partie de ses obligations de fils-de-pute, il y va pour montrer qu’il y est allé, qu’il a rempli son devoir, et il y va pour voir, pour contrôler si les autres y sont venus, s’ils ont rempli leur devoir, qui est d’aller là où les fils-de-pute entendent que l’on doit aller. Le fils-de-pute y va et se préoccupe de ceux qui sont là et de ceux qui n’y sont pas, il se préoccupe de l’endroit où sont ceux qui sont là et de la manière qu’ils ont d’y être, et il se préoccupe de ceux qui ne sont pas là, et demande toujours d’un air étonné et légèrement réprobateur « si un tel n’est pas là », « si un tel n’est pas venu », « si un tel est absent et pourquoi », « pourquoi il est absent », « à quoi il a occupé son temps » celui qui n’a pas occupé son temps comme le fils-de-pute entend que le temps devait être occupé.

On est fils-de-pute full-time. Du matin au soir et du soir au matin, le fils-de-pute n’oublie jamais qu’il est un fils-de-pute.

Malgré tout, oui, malgré tout le fils-de-pute est/ relativement content de soi.

Comme naître est la pire des choses qui pouvait lui arriver, le fils-de-pute fils ne pense qu’à devenir bien vite fils-de-pute père en en fabriquant un autre qui soit à sa merci, il éprouve de l’orgueil à mesure que son fils cesse de faire ce qu’il serait naturel qu’il fit pour se mettre à faire ce que lui, fils-de-pute, fait ; il éprouve de l’orgueil à mesure qu’il voit son fils se transformer toujours plus en son fils-de-pute à lui, en un nouveau fils-de-pute lui aussi fils-de-pute. « Je veux que tu sois plus fils-de-pute que moi ».

On n’a pas encore bien établi si l’incapacité de vivre ou de laisser vivre qui caractérise le fils-de-pute est congénitale ou acquise ; en d’autres mots, on ne sait pas encore bien si le fils-de-pute naît fils-de-pute ; je crois cependant pouvoir affirmer qu’on naît fils-de-pute et qu’on le devient. Si l’une de ces conditions manque, nous voici devant le fils-de-pute frustré, c’est-à-dire ce fils-de pute pour qui la situation qui lui convient est déjà occupée ou alors n’existe pas encore.

Le fils-de-pute est-il éternel ? Est-il éternel, le fils-de-pute ? Oui, tout porte à croire que le fils-de-pute est éternel. Qui n’a observé par exemple ce qui arrive chaque fois que les fils-de-pute institutionnalisés et bien en place commencent à s’user et à se fatiguer? Qui n’a observé que c’est parmi ces fils-de-pute encore novices que sont alors recrutés les nouveaux fils-de-pute, et il y a toujours un nombre infini de fils-de-pute qui passent leur vie à attendre la place qui leur est due dans le gratin des fils-de-pute.

Comment expliquer que les fils-de-pute, parfois même entre eux, se laissent mourir, se font mourir, se trucident et s’entre-trucident ? Est-ce seulement le désir, l’ambition d’être toujours plus fils-de-pute, le meilleur fils-de-pute, jusqu’à arriver à être, si possible, le nec plus ultra des fils-de-pute ?

Cela ne le dérange jamais de laisser, ou même de faire mourir les autres. Cependant, tous ceux que le fils-de-pute a internés, leur vie durant, dans des maisons de fous et des asiles, des prisons, tous ceux dont il a maquillé le meurtre en suicide, tous ceux que le fils-de-pute a exclu de la vie parce qu’il les craignait, ils les reçoit à nouveau, après

leur mort, en son sein de fils-de-pute. C’est toujours la mort que les fils-de-pute commémorent, c’est toujours la date de la mort: célébrer les morts et mettre en pièce les vivants.

 

 

Juan Carlos Hernandez's curator insight, March 27, 2013 9:00 AM

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Quelques personnes se reconnaîtront parmi mes "amis" FB et suiveurs Twitter

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Par Alberto Pimenta, écrivain portugais né en 1937, texte écrit en 1977 dans "Discurso Sobre o Filho-da-Puta (Teorema, Lisbonne)" :

 

 "Il y a des gens pour prétendre que le fils-de-pute n’est qu’une façon de parler. Pourtant, l’existence de tant de portraits de lui, de tant de rues, de places, de collèges qui portent son nom ne suffit-t-elle pas pour en finir avec d’éventuels doutes quant à son existence réelle ? Qui, en effet, aurait assez d’imagination pour inventer tant de variétés de fils-de-pute? Non ! Le fils-de-pute existe. Le fils-de-pute existe/ et se trouve pratiquement partout :

Pour définir le fils-de-pute, la situation qu’il occupe est primordiale: presque toujours le fils-de-pute occupe la situation qui est le mieux faite pour lui. Il est extrêmement rare que de grands fils-de-pute occupent des situations inférieures ; moins rares est le cas inverse des petits fils-de-pute qui occupent des situations élevées. Cependant, la plupart des fils-de-pute occupent diverses situations, parce que les situations pour fils-de-pute sont plus nombreuses encore que les fils-de-pute eux-mêmes, et, comme on sait, les situations pour fils-de-pute ne peuvent être occupées que par des fils-de-pute, un point c’est tout.

Jamais personne n’a exigé de lui qu’il transforme et qu’il humanise la société et que, pour cela, il crée les intérêts, les enclos, le fils de fer barbelé, les normes, les règles et les exceptions, les grades, les habilitations, les certificats, les rapports, les commissions, les tests, les traités, les théories, les codes, les accords, les formules, personne ne l’a chargé de se sacrifier pour l’ordre et le progrès, personne ne veut le voir en proie à des préoccupations ; c’est lui-même qui le veut ainsi.

Combien et combien de variétés de fils-de-pute ! Que de temps, que de patience n’exigerait pas leur étude ! Et comme ils sont si nombreux et qu’ils occupent tant de situations, quelques-uns peuvent même se permettre de faire semblant de n’être pas des fils-de-pute...."