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#FortMcMurray, le paradis de l’individualisme et de la bêtise #Canada #énergie #environnement

#FortMcMurray, le paradis de l’individualisme et de la bêtise #Canada #énergie #environnement

16 mai 2016 / Jean-François Hotte pour Reporterre.net

L’auteur a travaillé à Fort McMurray, attiré par les possibilités d’enrichissement rapide. L’incendie qui a ravagé la forêt boréale de cet eldorado des sables bitumeux lui a inspiré ce texte. Il y décrit un « paradis de l’individualisme et de la bêtise » qu’il n’est pas nécessaire de reconstruire.

"

Je m’excuse à l’avance, il est possible que la poussière ne soit pas encore retombée.

Avant de lire ces quelques lignes, il faut mettre de côté la sensibilité et la compassion pour les gens qui ont perdu leur maison. Sans cœur, aussi immonde que ça puisse paraître, il faut faire abstraction de ces vies chamboulées. Il y a parfois des événements ironiques dans la vie. Des situations qui nous permettent de penser autrement, en perspective, à quelque chose de plus grand.

J’ai déménagé à Fort McMurray en 2009. Comme plusieurs autres canadiens, je cherchais un moyen facile de faire de l’argent. Un salaire de 100.000 $ canadiens [environ 68.000 euros] par année, c’était attrayant pour un jeune de 19 ans tout juste gradué du Cégep. « Je vais placer de l’argent de côté, payer mes dettes d’études, et je reviendrai au Québec avec un gros char. » C’est la même pensée qui traverse l’esprit de milliers de jeunes canadiens chaque année. Il n’en fallait pas plus pour nous attirer ! Mon ami et moi étions déjà en route pour le trou du cul du monde : Fort McMurray.

Jamais auparavant je n’avais vu autant de pick-up ! Que ce soit dans les rues, les entrées de maisons ou le stationnement du Walmart, il y en avait partout. À Fort McMurray, il y a plus de concessionnaires que d’organismes communautaires, de bibliothèques et d’écoles mis ensemble.

On se le répétait, bientôt, nous allions être riches ! Quelques nuits difficiles à dormir dans notre vieille caravane, le temps de trouver un emploi… et le tour est joué !

En investissant dans cette ville éloignée, le Canada participe au génocide intellectuel d’une nation 

Quelques jours plus tard, nous avions trouvé une chambre à louer chez une famille de Québécois. Le visage de Fort McMurray, c’était cette famille de la Beauce. Ils avaient déclaré faillite, ils étaient sans ressource et sans moyen. Pour eux, avec leurs deux adolescents, « Le Mac », c’était leur dernier espoir.

Ces Beaucerons n’avaient aucune éducation, toute la famille était obèse, à chaque soir ils commandaient du poulet frit ou de la pizza. Les caisses de Coca Cola et de Molson Canadian faisaient partie intégrante de la décoration. Bref, une famille colonisée, des truckers de Fort Mc.(...)

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La Liberté, cette belle chimère... : Julien Cart #intéressant #individualisme #libéralisme

La Liberté, cette belle chimère... : Julien Cart #intéressant #individualisme #libéralisme | Infos en français | Scoop.it
La Liberté, cette belle chimère...

Nous l'adorons tellement, nous focalisons tellement d'attention sur elle, et pourtant : c'est sans doute le vocable qui a perdu le plus de signification aujourd'hui.

Spinoza, Nietzsche et d'autres ont fait cette critique de l'illusion d'un libre arbitre qui préfère ignorer les véritables causes qui nous font agir:

Spinoza écrit dans L'Ethique : « Telle est cette liberté humaine que tous se vantent de posséder et qui consiste en cela seul que les hommes ont conscience de leurs appétits et ignorent les causes qui les déterminent. Un enfant croit librement appéter le lait, un jeune garçon irrité vouloir se venger et, s'il est poltron, vouloir fuir. Un ivrogne croit dire par un libre décret de son âme ce qu'ensuite, revenu à la sobriété, il aurait voulu taire. De même un délirant, un bavard, et bien d'autres de même farine, croient agir par un libre décret de l'âme et non se laisser contraindre ».

Et Nietzsche aussi : "Aussi longtemps que nous ne nous sentons pas dépendre de quoi que ce soit, nous nous estimons indépendants : sophisme qui montre combien l'homme est orgueilleux et despotique. Car il admet ici qu'en toutes circonstances il remarquerait et reconnaîtrait sa dépendance dès qu'il la subirait, son postulat étant qu'il vit habituellement dans l'indépendance et qu'il éprouverait aussitôt une contradiction dans ses sentiments s'il venait exceptionnellement à la perdre."

En fait supposer que nous puissions être libre est déjà de l'ordre de la croyance - surtout dans une société telle que la nôtre où notre conscience est attaquée à longueur de journée avec le matraquage des informations, publicités, etc. qui nous déconnectent de nous-mêmes. Seuls les ermites ou les sages pourraient prétendre nous parler de Liberté : mais ils auraient tellement cultivé cette conscience les amenant à la liberté intérieure qu'ils seraient trop humbles pour prétendre la posséder.

Tout démontre, si on y réfléchit quelque peu, que notre liberté est bien peu réelle, et qu'elle dépend de tant de facteurs. Nos performances proviennent en effet de multiples événements en amont, de rencontres, d'influences, d'expériences, qui nous font être tels que nous sommes aujourd'hui et nous laisse présupposer ce que nous serons demain.

Ce qui importe donc, c'est de s'inscrire dans ce changement perpétuel, plutôt que dans l'idée bien chimérique d'une liberté déjà conquise - qui nous donnerait l'illusion de n'appartenir à personne, sauf à nous-mêmes.

Or si nous continuons de revendiquer avec tant d'ardeur une bien chimérique liberté, n'est-ce pas le signe profond d'une crainte de perdre l'idée d'une indépendance perçue comme le nouveau Saint Graal ?

Préoccupation bien légitime. Crainte fondamentale de se retrouver dépendant des autres, incapable de se débrouiller par soi-même. Mais certaines expériences de vie nous transmettent bien des choses, comme le fait de différencier liberté et autonomie. Être autonome c'est se mettre ses propres lois/règles/limites. C'est être réellement libre dans sa capacité d'auto-limitation. C'est connaître ses limites, c'est les accepter, c'est accepter de dépendre d'autrui : mieux, c'est reconnaître qu'autrui me fonde. Il faut lire Lévinas (ma responsabilité naît dans le regard d'autrui), et Butler aussi qui le reprend et va plus loin, en parlant du concept de Vulnérabilité. Il faut lire Alexandre Jollien pour qui parler de la norme est, sans doute comme parler de la liberté, une chimère : lui qui fait, dans un monde toujours plus aliéné au pouvoir et aux rapports de force, l'éloge de la faiblesse !

Un jour il faudra écrire l' "Eloge de la dépendance". Il faudra écrire combien, en nous retrouvant dépendant d'autrui, ce qui nous arrive chaque jour plusieurs fois si on y réfléchit bien, nous nous construisons nous-mêmes, et que c'est dans cette dépendance même, que nous pouvons nous situer, évoluer, grandir, bâtir, déconstruire, nous tromper, recommencer, etc. C'est bel et bien aux contacts d'autrui que nous apprenons à nous construire : et pas seulement le tout petit par imitation des adultes : mais tout au long de nos existences.

On craint parfois les étiquettes partisanes. On craint de nous engager dans tel mouvement car on risquerait de perdre notre âme, notre "indépendance d'esprit". C'est une des critiques que l'on fait souvent aux partis politiques : une fois adhéré dans un parti, nous perdrions notre liberté d'expression. Or si l'on adhère à un parti, c'est d'abord que nous nous retrouvons dans ses idées d'une manière large : c'est que nous avons quelque chose en commun qui nous unit avec les autres membres. On puise ensuite dans cette idéologie commune des idées, pensées, attitudes, puis on se forge nos propres idées, on évolue, influencé que nous sommes par cette mouvance. Est-ce que, pour autant, notre liberté est moindre ?! Bien au contraire : s'engager, se laisser influencer par certaines idées, est indispensable pour pouvoir ensuite les comprendre, les critiquer, voir les dépasser ou en changer. On ne perd pas en liberté, mais au contraire on devient davantage conscient-e de où nous nous situons. De plus, tout est engagement en fin de compte : dès que nous adhérons à un groupe, fréquentons telle ou telle population, classe, bref, dès que nous nous socialisons, nous sommes influencés et perdons notre "indépendance".

L'important est de pouvoir s'attacher, de reconnaître notre dépendance envers quelqu'un-e, envers une idée, un mouvement, d'une histoire (et cela nous arrive à toutes et tous, qu'on l'accepte et le conscientise ou non, qu'on le verbalise ou le revendique ou pas), et de parvenir à en prendre assez de distance pour ne pas s'y aliéner, s'y enliser : mais comment le faire si nous n'acceptons pas l'idée même que nous ayons pu être touché, changé, influencé par telle ou telle idée, telle ou telle personne, telle ou telle groupe, mouvement, etc. ?

L'important est de reconnaître nos dépendances, nos influences, nos faiblesses : c'est davantage elles qui nous fondent - que nos forces, croyances, objectifs, envies et que sais-je encore...

L'idéologie libérale est justement cette prétention que nous ne devrions rien à personne, que notre Liberté serait totale. Elle se fait l'image d'un être humain totalement libre, d'une économie totalement libre, qui serait extraite de toute condition, influence, bref, de toute humanité : seul règnerait un marché totalement libéré de toute influence (il n'y aurait plus de lobby, plus de possédants, plus de possédés, bref, l'idéal d'une liberté chimérique) : les humains seraient auto-suffisants, n'appartiendraient à aucun groupe ou seraient leur propre groupe, leur propre référence. Aucune dépendance envers autrui : seul mon mérite serait la cause de ma réussite (ou de mon échec) : on retrouve l'idéologie protestante méritocratique qui a fait fleurir le capitalisme et nos économies avec l'idée qu'il faut travailler dur pour mériter son salut (économique et religieux) afin de recruter une main d’œuvre corvéable à merci.

La méritocratie fait donc de nous des gens bien peu préoccupés d'autrui, des "individus méritocratiques" : puisqu'elle crée des humains déconnectés des autres, in-dépendants, incapables de dépendre d'autrui, de reconnaître combien ils doivent à tel ou tel personnage, telle ou telle idée, tel ou tel mouvement, tel parent, tel-le ami-e, tel-le voisin-e, etc. Elle nous pousse à croire que le responsable de notre mal-être, c'est justement ce voisin différent. Mais le vrai malaise est au-dedans de nous : c'est cette chimère prométhéenne qui nous persuade d'être nos propres concepteurs, nos propres créateurs.

Mais qui sait, demain c'est nous qui serons cet étranger, refoulé, sans terre d'asile, et gazé dans un camion...

Mais sommes-nous capables d'imaginer que cette horreur peut arriver demain à notre porte, qu'elle est arrivée il y a à peine plus de 50 ans en Europe, qu'elle arrive aujourd'hui en Tanzanie à cause de nous, et que cela dépend de nous pour qu'elle se reproduise ou pas ?

On préfère imaginer qu'on ne doit rien à personne, que personne ne nous doit rien, et vivre notre vie ainsi. Ce n'est pas la liberté, c'est l'esclavage. Se croire libre est la plus grande des illusions, la plus dangereuse des dérives. Mieux vaut prendre conscience de nos dépendances et de nos faiblesses : elles nous préserverons de la tentation de la toute-puissance et de l'individualisme roi.

Et n'oublions pas ce proverbe africain plein de sagesse qui résume beaucoup de chose : "Il faut tout un village pour éduquer un enfant".

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