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#megamineria #glencore #xstrata "Glenstrata", un mastodonte rivalisant avec les géants des matières premières

"un nouveau géant capitaliste est né et les politiques laissent faire le libre marché, voici ce que dit Marc Rich, le fondateur de Glencore dans Bilanz", Marc Rich .. un personnage sulfureux par ailleurs ( voir ici .. http://www.lexpress.fr/actualite/economie/les-incroyables-reseaux-de-marc-rich_496411.html et ici http://en.wikipedia.org/wiki/Marc_Rich )

"Ce mariage, "rend Glencore plus fort et encore plus puissant sur le marché des matières premières qu'il ne l'est déjà aujourd'hui", avait récemment indiqué l'homme d'affaires Marc Rich, à l'origine de Glencore, dans un entretien au bimensuel "Bilanz".
"Ce qui compte dans ce secteur est la taille et la puissance. Plus une société est grande, plus elle a de puissance sur le marché et contrôle ainsi plus facilement les prix. A la fin, cela représente plus de bénéfices", avait-il précisé.
Pour les analystes de Moody's, l'entité fusionnée deviendra "un groupe minier et de négoce d'une taille jamais vue auparavant". "Si la combinaison (des deux groupes) est un succès, il accentuera la pression sur les concurrents pour qu'ils créent des filiales de négoce afin de mieux concurrencer Glencore/Xstrata", ont-ils ajouté."

 

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MATIÈRES PREMIÈRES «Glenstrata», un poker à 80 milliards #megamineria #glencore #xstrata #suisse #tonyblair #quatar

Valère Gogniat pour le Journal "Le Temps" le 27 septembre 2012

 

Le décor, d’abord: la nuit du 6 septembre, dans l’un des salons aux plafonds voûtés du Claridge’s – un cinq étoiles du centre de Londres. Les joueurs, ensuite: le milliardaire zougois Ivan Glasenberg, l’ex-chef du gouvernement britannique Tony Blair, le premier ministre du Qatar, le cheikh Hamad bin Jassim al-Thani, et une poignée de banquiers. L’enjeu de cette partie de poker: la naissance d’un mastodonte de 80 milliards de francs de capitalisation boursière (deux fois celle d’UBS), de 219 milliards de chiffre d’affaires annuel (deux fois celui de Nestlé) et d’environ 130 000 employés.

«Après environ deux heures de discussion détendue», selon une personne présente ce soir-là, le verdict est tombé aux premières heures de l’aube. Mûrie depuis des mois en secret sous le nom de code «Everest», la fusion de l’année entre l’entreprise d’Ivan Glasenberg, Glencore, et Xstrata, un conglomérat minier détenu à 12% par les Qataris, revient de loin. Et le 1er octobre, une nouvelle étape pourrait ouvrir la voie à un accord définitif. «On est là sur un coup exceptionnel», assure Christophe Wilhelm, avocat spécialisé dans le droit des sociétés à l’étude FBT Avocats à Lausanne. «C’est le monde des matières premières. Ces hommes sont des joueurs de poker, prêts à faire rater la transaction s’ils estiment possible de gagner plus.»

«C’est la plus grande entreprise la moins connue au monde», aiment dire les observateurs au sujet de Glencore: l’acronyme, dit-on parfois, de «Global Energy Commodities and Resources». Impossible de trouver un stylo ou une publicité marqués du nom du groupe. A l’exception de son quartier général de Baar (ZG) où la moquette, comme les chocolats servis avec le café, sont estampillés Glencore. Les ONG lui reprochent depuis des années son opacité et ses manquements sociaux. «Le respect des standards internationaux en matière de droits humains n’est pas encore pris au sérieux par Glencore, affirme Chantal Peyer, de Pain pour le prochain. En République démocratique du Congo, une enquête a révélé des problèmes de pollution d’eau. En Zambie, la firme a été accusée d’avoir gravement souillé la nappe phréatique. En Colombie, de collusion avec les paramilitaires, etc.» Le groupe récuse systématiquement ces accusations.

A Londres, lors de ce poker à 80 milliards, Tony Blair joue le croupier. La presse britannique assure qu’il aurait touché près de 1 million de dollars pour distribuer les cartes (d’autres sources évoquent un montant bien moindre). Fin connaisseur des pays du Golfe, il est également l’un des habitués du Forum économique de Davos. Le travailliste de 59 ans, qui a quitté Downing Street en juin 2007, a été engagé par la banque JP Morgan Chase en janvier 2008 en tant que «conseiller sur les questions internationales». Mais ce poste à la banque – bien qu’elle soit l’une des quatre qui conseillent Xstrata pour cette fusion – n’est pas la raison de sa présence. Ce soir, il vient animer la partie, qui promet d’être tendue.

D’un côté du tapis vert est assis Ivan Glasenberg, 55 ans, patron de Glencore. L’arrivée de son groupe, réputé pour sa discrétion, sur les marchés de Londres et de Hong­kong en mai 2011 a levé une partie du voile sur ses activités: 4,06 milliards de dollars de bénéfices en 2011 pour 186 milliards de chiffre d’affaires, 50 bureaux dans une quarantaine de pays, en bonne place parmi les premiers fournisseurs mondiaux de pétrole, de charbon, de sucre… Le titan zougois possède sa flotte de vaisseaux (2,5 fois plus que n’en compte la Royal Navy), des dizaines de fonderies, des installations portuaires disséminées sur tous les continents, etc. Les analystes estimaient que l’un des objectifs de son entrée en bourse était d’acquérir les liquidités suffisantes pour s’offrir de nouveaux actifs… Comme par exemple le conglomérat Xstrata.

Pas si simple. Face à Ivan Glasenberg, le cheikh Hamad bin Jassim al-Thani, 53 ans, premier ministre du Qatar, est venu brouiller les cartes. Le fonds souverain du petit pays du Golfe (Qatar Holding) est l’un des bras de la Qatar Investment Authority, qui gère 100 milliards de dollars d’actifs. Deuxième actionnaire de Xstrata (après Glencore), il «voit les mérites de la combinaison des deux compagnies», mais estime alors que les termes du contrat ne sont pas adéquats. Glencore propose à chaque détenteur d’une action de Xstrata 2,8 actions de l’entité fusionnée. Les Qataris jugent qu’un ratio de 3,25 «fournirait une distribution plus appropriée des bénéfices de la fusion». Comme la structure de la proposition de Glencore implique que seuls 16,48% des actionnaires suffisent pour bloquer le vote, ce membre de la famille princière du Qatar possède avec ses titres un confortable tas de jetons devant lui. En sept mois, ce pays grand comme deux cantons des Grisons a progressivement augmenté ses parts dans Xstrata, dépensant au total plus de 5 milliards de dollars pour en détenir aujour­d’hui 12%.

A lire l’histoire des deux groupes, on comprend que le poker était censé se jouer en famille. Au vu des liens étroits entre Glencore et ­Xstrata (dont les quartiers généraux sont distants de seulement 2,9 km le long de l’Industriestrasse qui relie Baar à Zoug), l’annonce, en février 2012, de la «fusion d’égal à égal» n’a surpris personne. Xstrata, la «petite sœur» de Glencore dirigée par Michael «Big Mick» Davis, est née Südelektra en 1926. Cette société suisse avait déjà été investie par Glencore en 1990 pour y adjoindre d’autres filiales, notamment les sociétés Rhoex et Vantech. Baptisé Xstrata en 1999, le groupe prendra le large pour se développer dans l’industrie minière.

En 2002, Ivan Glasenberg vend certaines mines de charbon à ­Xstrata et lui laisse les coudées franches pour épaissir son portefeuille. En dix ans, 35 milliards de dollars seront dépensés en acquisitions minières, sous l’œil du grand frère Glencore, qui conserve 34% du groupe. Présent dans 20 pays – des Philippines à l’Argentine en passant par la Tanzanie – Xstrata est aujourd’hui le premier exportateur de charbon thermique et le numéro un des alliages ferrochromes. Grâce à de nombreux accords, la majorité de ses cargaisons est commercialisée par… Glencore.

Mais les liens ne sont pas seulement commerciaux: Ivan Glasenberg et Michael Davis se connaissent depuis leurs années à l’Université sud-africaine de Wit­watersrand tandis que les présidents des conseils d’administration – les septuagénaires Simon Murray et Sir John Bond – ont partagé la table du CA de Vodafone entre 2007 et 2010.

Début février, le jour de l’annonce de la possible fusion, les titres des deux groupes bondissent d’environ 10%. Les économies tirées de la rationalisation entre extraction et livraison permettraient de dégager «entre 250 et 700 millions de dollars de profit additionnel», selon des analystes de Credit Suisse. D’autres tempèrent la liesse: «Glenstrata contrôlerait la production et les prix des matières premières. Cette entreprise aurait la masse critique pour imposer ses prix», s’inquiète l’avocat vaudois Christophe Wilhelm.

Xstrata a «depuis longtemps reconnu la logique stratégique d’un rapprochement [avec Glencore], assure Sir John Bond, dans une lettre aux actionnaires fin mai 2012. Un [rapprochement] a été discuté formellement et informellement à de nombreuses occasions». Tout en détaillant la structure organisationnelle de l’entité à naître, celui qui a passé quarante-cinq ans au service de HSBC considère les termes de la fusion «justes et raisonnables». Les actionnaires sont d’un autre avis.

Certains détails en froissent plus d’un. Ainsi, le patron de la nouvelle entité, Big Mick, recevra près de 30 millions de dollars de salaire en trois ans pour rester à la tête du groupe. «C’est beaucoup trop, rouspètent des investisseurs dans la presse londonienne. Xstrata devrait porter moins d’attention à son directeur général et davantage à ses actionnaires.»

Alors que les observateurs estimaient que les joueurs laisseraient Glencore et Xstrata s’arranger en ­famille, la partie se corse. Xstrata dont, selon notre source, «aucun membre n’était présent» lors de la réunion secrète à Londres, a quitté le tapis. A l’inverse, ses actionnaires se multiplient pour faire grimper la mise. En plus des Qataris qui se manifestent contre les termes de la ­fusion dès le 26 juin, le fonds d’investissement norvégien NBIM, Schroders Plc, et d’autres ont demandé une augmentation des conditions financières offertes par Glencore. Le 3 juillet, le fonds d’investissement Knight Vinke annonce se rallier à l’opposition. La fusion peut être bloquée. Sous pression, Xstrata doit reporter une première assemblée générale. Chez Glencore, pourtant coté en bourse depuis 2011, les actionnaires sont plus dociles: il faut dire que la majorité du capital est entre les mains du patron et de ses lieutenants.

Jusqu’à la dernière mise, Ivan Glasenberg a refusé de plier, martelant que son offre était «généreuse» et donc qu’il n’y en aurait pas d’autres. «Les Qataris et Glasenberg ont joué à celui qui clignera des yeux le premier», ont imagé les observateurs du duel. Les dollars se sont empilés sur la table sans qu’aucun des joueurs ne craque… jusqu’au moment où, dos au mur, Ivan Glasenberg a abattu ses cartes.

Au lendemain de la partie de poker, au casino-théâtre de Zoug, le spectacle offert par les présidents des conseils d’administration laisse les actionnaires stupéfaits: l’assemblée de Xstrata est retardée d’une vingtaine de minutes, durant lesquelles une poignée de directeurs marmonnent sur la scène, sans que personne ne comprenne ce qu’il se passe. Les AG des deux groupes – censées voter sur la fameuse fusion – sont coup sur coup ajournées pour cause «d’événements survenus durant la nuit».

Et les annonces finissent par tomber. Le fameux ratio d’échange de titres est revu à la hausse. Une action Xstrata vaudra désormais 3,05 titres «Glenstrata». Ivan Glasenberg «s’est aligné» et payera davantage. Mais avec un joker dans la manche: contrairement à ce qui était initialement prévu, Big Mick ne pilotera l’entité fusionnée que durant les six premiers mois. Par la suite, c’est Ivan Glasenberg qui prendra les rênes du nouveau mastodonte. «En tant qu’actionnaire principal et patron du nouveau groupe, les profits qu’il dégagera lui permettront d’oublier le supplément qu’il doit payer aujourd’hui», estime un banquier au fait des négociations. Plus personne n’est dupe: la «fusion d’égal à égal» prend désormais un visage de rachat hostile.

Lundi, la direction de Xstrata a annoncé qu’elle validerait ou non cette nouvelle offre le 1er octobre. Pour l’heure, le Qatar reste dans l’ombre, jouant la montre en attendant le verdict de Xstrata. Grâce à Tony Blair, un nouvel empire minier est peut-être appelé à naître. Officiellement, il sera baptisé Glencore Xstrata International. Mais peu importe son nom: il n’y aura toujours pas de stylo ou de publicité qui le portera.

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