​Etude observe que #surveillance s/ #internet des citoyens engendre #autocensure & favorise penseé dominante

Rue 89

Par Claire Richard Journaliste. Publié le 03/04/2016 à 10h32
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« Pour la majorité des participants, la probabilité d’exprimer son opinion dans un climat hostile diminuait significativement lorsqu’un rappel de la surveillance du gouvernement avait été lu. »

La chercheuse souligne :

« Cette étude est la première à donner des preuves empiriques que les programmes de surveillance en ligne peuvent menacer l’expression des opinions minoritaires, et contribuer à renforcer l’opinion dominante. »

Autre résultat intéressant : les individus qui se disaient le plus en faveur de la surveillance étaient aussi ceux qui se pliaient le plus à ce conformisme, évitant d’exprimer leur opinion quand ils se savaient en minorité.

La chercheuse a déclaré au Washington Post  :

«  Je suis inquiète de voir que la surveillance semble engendrer une culture d’autocensure, parce que celle-ci va encore plus affecter les groupes minoritaires. Il est difficile de protéger et d’étendre les droits des populations vulnérables quand leur point de vue ne se fait entendre nulle part. La démocratie a besoin de diversité intellectuelle pour s’épanouir et l’autocensure l’assèche. »

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La surveillance seule n’est pas en cause. Se reproduisent en ligne des phénomènes sociaux étudiés bien plus tôt. Ainsi, le fait que les gens préfèrent souvent passer sous silence des opinions qu’ils savent minoritaires est connu depuis les années 80 comme la « spirale du silence ».

Cette théorie postule que les gens craignent par-dessus tout de se retrouver isolés, physiquement ou figurativement (dans leurs jugements, par exemple). En société, le prix de l’isolation est lourd, écrit [PDF] Elisabeth Noëlle-Neumann, à l’origine du concept :

« Là est le point de vulnérabilité de l’individu  ; c’est là que les groupes sociaux peuvent le punir de ne pas avoir su se conformer. »

Pour jauger de leur position, les individus passent donc leur temps à évaluer leur environnement : quelles opinions y sont majoritaires, quelles opinions provoquent l’ostracisme. Sur la base de ces informations, ils décident le plus souvent de taire leurs opinions.

En ligne, les fameux « liens faibles », ces formes de sociabilité distantes dont on a beaucoup dit qu’elles permettaient de s’ouvrir les horizons, reproduisent un environnement social où les posts, tweets, commentaires... expriment des opinions. Avec la différence qu’ils restent pour toujours en ligne. Comme l’écrit Elizabeth Stoycheff :

« Il y a une permanence inédite, associée avec un désir sans équivalent de s’exprimer en ligne. »

Dans ce nouveau contexte – incitation à la parole couplée à la permanence de toute opinion –, la « spirale du silence » jouerait à plein.

Bien sûr, ces études sont à prendre avec précaution car elles ne concernent qu’un petit échantillon de personnes.

Mais si ces phénomènes se confirment, ils indiquent une mutation importante : le début d’une modification en profondeur des comportements en ligne à cause de la surveillance – celle exercée par les Etats, les autres et surtout par nous-mêmes.