Une mouche, ça apprend à s’envoyer en l’air ! | EntomoScience | Scoop.it
Cet été, l’« HD » vous propose une série incandescente sur les... bêtes de sexe ! Autrement dit, sur la sexualité des animaux. Cette semaine, zoom sur les pratiques de la drosophile. De « speed learning » en « peep-show », l’insecte a mouché les chercheurs en se révélant apte à acquérir sa préférence sexuelle par l’observation de ses congénères, au point de développer des traditions locales. Une découverte qui pulvérise l’idée que la culture sexuelle serait l’apanage des humains. 

 

Par Marie-Noëlle Bertrand, 23.07.2020

 

"Passer du rose au vert peut relever d’une appétence qui n’a rien d’inné, et cette hypothèse seule ouvre un champ encore peu exploré du comportement sexuel animal. Parce qu’il n’y a pas que les hormones et les gènes dans la vie, il y a aussi les goûts et les couleurs. Même chez les mouches, il semblerait que ceux-ci puissent se transmettre d’une génération à une autre, au point de créer une tradition locale. Les scientifiques vont jusqu’à parler de culture, pulvérisant du même coup l’idée que celle-ci serait l’apanage de l’humain.

Une idée qui fait mouche

« Si vous m’aviez dit, il y a encore 3 ans, qu’une transmission culturelle pourrait exister chez la drosophile, je n’y aurais pas cru », atteste Étienne Danchin, directeur de recherche émérite au CNRS. C’est pourtant sur cet insecte minuscule, au cerveau dix millions de fois plus petit que le nôtre, que ce chercheur du laboratoire Évolution et Diversité biologique de l’université de Toulouse-III a décidé de se pencher. Et le fait est que la mouche l’a mouché.

Tout est parti d’une marotte et d’un manque de moyens. « J’ai des idées un peu anachroniques, et parfois du mal à trouver des financements pour mes projets de recherche », précise Étienne Danchin. L’idée que la drosophile, également appelée mouche du fruit, puisse apprendre de ses congénères comment choisir son partenaire lui trottait en tête. « J’en avais parlé à une de mes étudiantes qui a ensuite fait une expérience concluante. » Travailler sur cette mouche n’impliquant pas un gros budget, le biologiste a décidé de se lancer pour de bon sur le sujet, rejoint par Guillaume Isabel, spécialiste de la mémoire de la drosophile au Centre de recherches sur la cognition animale. Le 30 novembre 2018, leurs conclusions étaient publiées dans la revue Science, fournissant « la première boîte à outils expérimentale pour étudier l’existence de cultures animales », relevait alors le CNRS."

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[Image] La drosophile possède un cerveau 10 millions de fois plus petit que le nôtre. Pourtant, la femelle est capable de choisir un certain type de partenaire et de transmettre sa préférence aux générations suivantes. Crédit : SPL/Solvin Zankl/Visuals unlimited/Biosphoto