Élagage synaptique : Comment le cerveau élimine ses synapses | Pour la Science | EntomoScience | Scoop.it
Les cellules microgliales sont chargées de « l'élagage synaptique » : elles éliminent les synapses les moins efficaces pour permettre aux autres de se renforcer.

 

Sébastien Bohler
30 septembre 2011
 
Sébastien Bohler est docteur en neurosciences et rédacteur en chef de Cerveau & Psycho.
 
"Le cerveau ressemble à un vaste jardin. Celui du jeune enfant est un buisson où les branches poussent en toutes directions. Il faut un jardinier pour éliminer certains rameaux, afin que des branches maîtresses puissent se développer. Certaines cellules semblent jouer ce rôle : les cellules microgliales.
 

La « taille » des arbres qui a lieu dans le cerveau se nomme élagage synaptique. Dès l’âge de trois ans, le nombre de connexions entre neurones (les synapses), diminue à un rythme de trois millions par seconde environ. Une armée de jardiniers œuvre en ce sens, et élimine les synapses les moins efficaces pour permettre aux autres de se renforcer : des équipes de Rome et de Turin ont découvert que les cellules microgliales joueraient ce rôle.

 

Les cellules microgliales sont très nombreuses, même si elles ne participent pas directement au traitement de l’information nerveuse. Elles jouent un rôle nourricier, de soutien, de défense immunitaire, et assurent également l’évacuation des débris cellulaires. Rosa Paolicelli et ses collègues ont observé au microscope que ces cellules se referment autour de certaines synapses et les engloutissent dans leur cytoplasme. Les synapses sont purement et simplement détruites, éliminées du paysage cérébral. Ensuite, les membranes des neurones « cicatrisent ».

 

Ce qui détruit certaines synapses profite alors aux autres : les neurobiologistes ont réduit artificiellement (par des mutations génétiques) le nombre de cellules microgliales dans le cerveau de souris. Ils ont constaté que ces souris ont des synapses plus nombreuses, mais moins efficaces. Comme les branches d’un buisson non élagué.

 

Comment s’effectue le tri entre les « bonnes » et les « mauvaises » synapses ? La question reste ouverte ; peut-être les cellules microgliales détruisent-elles indistinctement les synapses, et seules les plus actives parviennent-elles à résister à leurs assauts. Il est également possible que les synapses moins vaillantes émettent des signaux chimiques qui attireraient les « jardiniers cellulaires ». Quoi qu’il en soit, le cerveau est une jungle où règne la sélection des plus forts, confirmant en la précisant la notion de darwinisme neuronal chère au neurobiologiste américain Gerald Edelman."

 

Références
  • R. C. Paolicelli et al., Science, à paraître

 

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NDÉ

Référence ci-dessus

 

 

 

Ultérieurement (2014)

 

"... L'élagage des axones, ou la dégénération, est le processus selon lequel les neurones étendent les branches (les synapses) excessives et suppriment les moins efficaces en contrôlant le temps et l'espace. Dans certains cas, les neurones ré-étendent leurs axones pour qu'ils forment alors le système nerveux mature. L'élagage est un processus observé chez les vertébrés et les invertébrés.

 

Chez la drosophile, les scientifiques ont découvert qu'une forme mutante permettait aux neurones de subir l'élagage, à savoir une ramification axonale initiale, mais sans régénération axonale. Ce résultat suggère qu'il existe un interrupteur moléculaire responsable de modifier le statut de croissance des neurones. Une hormone stéroïdienne, la HR51, ou UNF, a été identifiée comme étant un interrupteur potentiel.

 

Suite à cette découverte, les chercheurs ont établi que HR51/UNF est nécessaire à la croissance axonale de structures particulières dans le cerveau de la drosophile, appelées des neurones gamma des organes champignons (ou corpora pedunculata) après l'élagage mais pas pour leur développement axonal initial. Pour différencier ces deux processus, le premier a été appelé relance de développement des axones."

 

 

 

Plus récemment (2021)

 

"Le cerveau de tous les animaux subit un remodelage neuronal, au cours du développement, essentiel à l’élimination des axones inutiles et à la formation d’un système nerveux précis et fonctionnel. Chez la drosophile, les axones des neurones les plus anciens du centre de la mémoire subissent, au moment de la métamorphose, un élagage indispensable à la mémoire de la mouche.  Dans cette étude publiée dans la revue Nature Communications, les scientifiques identifient Orion, un signal produit par les axones qui déclenche leur élimination par une armée de cellules gliales."

 

 

via "Comment les vieux axones attirent les cellules gliales pour être mangés." | INSB, 29.03.2021 https://www.insb.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/comment-les-vieux-axones-attirent-les-cellules-gliales-pour-etre-manges

 

[Image] On voit ici un faisceau axonal (GFP en vert) des corps pédonculés, centre de la mémoire chez la drosophile, dont les axones secrètent la protéine Orion (Myc en rouge) à leur extrémité. Orion sécrété permet aux axones d’être identifiés et détruits par les cellules gliales réceptrices. Cet élagage axonal est indispensable afin de permettre la repousse de nouveaux axones.

Crédit : Ana Boulanger & Jean-Maurice Dura (2021)