Prud'homme B, Minervino C, Hocine M, Cande JD, Aouane A, Dufour HD, Kassner VA, Gompel N: Body plan innovation in treehoppers through the evolution of an extra wing-like appendage. Nature 2011, 473(7345):83-86. Moczek AP: Evolutionary biology: The origins of novelty. Nature 2011, 473(7345):34-35.
Kukalova Peck J: Origin and evolution of insect wings and their relation to metamorphosis, as documented by the fossil record. Journal of Morphology 1978, 156(1):53-125.
Tomoyasu Y, Wheeler SR, Denell RE: Ultrabithorax is required for membranous wing identity in the beetle Tribolium castaneum. Nature 2005, 433(7026):643-647.
On en reste cependant avec un scénario évolutif plutôt convaincant et résumé dans le schéma suivant:
(Scénario évolutif du déploiement du programme génétique de la formation des ailes chez les insectes, Prud'homme et al., 2011)
L’idée est qu’au cours de l’évolution des insectes, un programme génétique de formation des ailes, développé tout d’abord dans tous les segments (nœud 2), s’est vu inhibé dans le segment T1 (nœud 3) chez l’ancêtre de tous les insectes actuels, mais que cette inhibition ne fonctionne plus chez les membracides car le programme génétique de formation de l’aile s’enclenche dans ce segment malgré l’action de Scr.
Les auteurs avancent également que l’émergence d’une telle structure, sans aucune utilité pour le vol, explique pourquoi elle présente une telle diversité: il s’agit de l’effet de relâche de la sélection naturelle. Contrairement aux ailes qui subissent une pression de sélection gigantesque (toute modification du plan de l’aile peut avoir des conséquences dramatiques sur les capacités de vol de l’animal), cette troisième paire d’appendices pouvait subir des modifications drastiques sans trop de conséquences sur la survie de l’animal. Le paysage évolutif du casque des membracides était beaucoup plus large à explorer, ce qui explique pourquoi, en 40 millions d’années, les casques des 3600 espèces de membracides présentent une telle variété de formes! Le casque des membracides devenait ainsi la plateforme de jeu de l’évolution…
Bon, je vous laisse digérer ce billet riche en concepts évolutifs.
Quant à moi, je n’ai plus qu’un dernier mot à dire aux auteurs de cette fantastique étude: Chapeau bas!
À l’inverse si on déploie partout la protéine Scr chez une mouche voici ce qu’on obtient:
(Mouche où la protéine Scr est surexprimée, Prud'homme et al., 2011)
Et oui, vu que la protéine Scr inhibe la formation d’ailes dans le segment T1, si on met Scr partout ailleurs, et bien on obtient une mouche sans ailes!
Pour comprendre comment le casque des membracides est apparu, nos chercheurs ont voulu voir comment fonctionnait leur protéine Sex comb reduced (Scr). Ce qu’il faut savoir, c’est que lorsque Scr ne fonctionne pas chez les coléoptères, voici ce qu’on obtient:
(Tribolium castaneum mutant Scr (Cx) avec trois paires d'ailes)
Si vous comptez bien, vous trouverez que ce coléoptère possède bien 3 paires d’ailes, dont une paire fichée sur le segment T1!
A vrai dire, on a retrouvé des larves d’éphémeroptères du paléozoïque qui laissent penser que les premiers insectes portaient des mini ailes sur l’ensemble de leur corps:
(Nymphe typique d'éphéméroptère du paléozoïque)
Mais bon, ces fossiles datent de plus de 250 millions d’années! Ca fait un sacré bail quand même que les ailes des insectes sont restreintes à pousser uniquement sur les segment T2 et T3! Par exemple, si aucune aile ne pousse sur le segment T1, c’est parce qu’un gène appelé Sex-comb reduced, inhibe la formation d’une paire d’aile dans ce segment.
Bref, tout ça pour dire qu’il ne faut pas particulièrement être surpris par les noms des trois gènes les plus connus étant impliqués dans la formation des ailes de Drosophila: Nubbin, Distal-less et homothorax… Chacun de ces gènes codent pour des protéines et quand on observe la localisation de ces protéines au cours du développement de la mouche, on les retrouve principalement dans le bourgeon d’aile… logique ma foi… Et bien quand on localise ces protéines chez un Membracide, non seulement on les retrouve dans le bourgeon d’aile… mais aussi dans le bourgeon de casque!
(Les gènes d'ailes sont exprimés dans le casque, Prud'homme et al., 2011)
Y’a force là quand même! Grâce à ses résultats, on comprend que le casque et les ailes partagent un même programme génétique développemental, ce qui appuie fortement la balance pour considérer le casque comme une structure homologue de l’aile… enfin, comme on dit en Evo-Devo, un homologue sérié. Qu’est ce que c’est au juste un homologue sérié? Et bien c’est une structure homologue mais non pas retrouvée chez deux espèces distinctes, mais sur le même individu… Nos vertèbres, par exemple, sont des structures homologues sériées…
Bernadette Cassel's insight:
IMAGES :
Les gènes de formation de l’aile sont localisés dans le casque en développement
a, Nymphe de P. modesta montrant les plans de sections dans b.
b–e, Nymphes de P. modesta avec la localisation de Nubbin (en blanc) Sections de l’aile (b, d) et du casque (c, e) f, g, Sections sagittales révélant la localisation de Distal-less (DLL) et homothorax (HTH) dans le casque
Il y a certains photographes dont on connaît le travail, tant il est prolifique, mais sans s’en apercevoir. C’est d’autant plus facile lorsque le travail du photographe met en valeur les sujets et non la prise. C’est exactement ce qui s’est passé quand j’ai découvert le travail d’Arthur Anker.
Encore un insecte de la famille des membracides, lui aussi équipé d’une imposante excroissance. Il vit en Amérique du Sud et se nourrit de la sève des arbres.
Revenons-en à nos membracides: si ça se trouve, leur protéine Scr n’est plus capable d’inhiber la formation d’ailes. Un moyen de tester cette hypothèse, c’est de faire qu’une mouche produise la protéine Scr de membracide partout dans son corps: si la protéine Scr de membracide n’est plus capable d’inhiber la formation d’ailes, on devrait retrouver une mouche normale. Alors? Qu’est-ce que ça donne?
(Mouche où la protéine Scr de membracide est surexprimée, Prud'homme et al., 2011)
Ah… Fausse piste. La protéine Scr de membracide marche très bien, même chez un autre insecte… Du coup les auteurs se trouvent dans une impasse. Malheureusement, les membracides ne se prêtent pas bien aux expériences génétiques et il faudra attendre un nouvel article dans un futur lointain pour avoir le fin mot de l’histoire.
Les modifications majeures qu’ont subi les ailes des insectes durant ces 250 millions d’années d’évolution, c’est la perte ou la modification des ailes qui poussent en T2 et T3. Exemple, chez les coléoptères, la première paire d’ailes en T2 ne sert pas à voler: il s’agit d’ailes modifiées appelées élytres et qui servent plutôt de fourreau ou étui (l’origine du mot élytre en grec):
(Élytres et ailes du coléoptère Tribolium castaneum, Tomoyasu et al., 2005)
Mais comment est-ce bien possible que les Membracides se retrouvent avec des simili-ailes sur le segment T1, le pronotum, sachant qu’aucun insecte actuel ne possède de telles structures sur ce segment? Bon déjà, ce n’est pas le cas de tous les insectes fossiles… Il y a par exemple des insectes fossiles sur lesquels on a retrouvé des ptits-bouts d’ailes sur le segment T1, comme pour Stenodyctya lobata:
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