Les médias face à leur destin

On dirait que la valse des changements est en train de porter ses fruits à Libération qui, au premier trimestre 2015, affiche la plus forte progression de diffusion (+14,73%), avec 105 779 exemplaires. A confirmer car, après une hausse en fanfare en janvier et février, Libé a limité sa progression à +3,48% en mars, un mois par ailleurs difficile chez tous les concurrents de la PQN.

Un feu de paille?

Vraisemblable, malheureusement.

Le numérique a rapporté 25 millions d'euros de recettes au Monde en 2013. 

Lire aussi

"Le Monde sort sa nouvelle formule et devient la version imprimée de son site internet", une analyse d'Olivier Aïm, publiée dans L'Obs le 19 octobre.

Extrait

Le Canard a enregistré des ventes de 25,2 millions d'euros, en chute de 16% (après -5,7% en 2012). «La diffusion totale payée s'est élevée, en 2013, à 399.567 exemplaires en moyenne par semaine», précise le titre.

Le bénéfice

2 millions en 2013.. Il chute d'un tiers par rapport à 2012 et atteignait près de 5 millions en 2011.

Trésor de guerre

120 millions amassés depuis des années.

Question

Et le numérique, c'est pour quand?

Libération a vu sa diffusion baisser de 15,53% en un an. A l'inverse, le journal Les Echos a progressé de 1,02% et La Croix est stable à +0,02%.

Mois de novembre exceptionnel pour Le Figaro.

Piqûre de rappel par La Voix de Nord: 

"Au moins 300 postes de journalistes seront détruits cette année, selon le Baromètre de l'emploi Journalistes 2013. Déjà 2012 avait vu 1.158 suppressions d'emplois dans la presse, dont 600 journalistes. Derniers exemples, Le Monde veut supprimer 29 postes à Courrier International, Nice-Matin 148 postes, le Groupe Sud-Ouest 180, L'Equipe fait partir 71 salariés et 20 minutes va supprimer son service photo. Pour ne pas licencier, Libération négocie avec ses employés des baisses de salaire."

La remise des conclusions du premier volet de la mission sur l'avenir du schéma de la diffusion de la presse écrite interviendra en décembre. Les recommandations portant sur le moyen terme sont attendues avant la fin du 1er semestre 2014. 

Le contexte (cf post précédent avec Denis Robert) : la disparition annoncée de la presse papier et la multiplication des plans de licenciement.

La courbe de la diffusion des journaux dans le monde. Il y a bien pire que la France, mais ce n'est pas rassurant pour autant.  

La diffusion payée du journal dirigé par Nicolas Demorand a chuté de près de 11% en février, et ses ventes en kiosques de 23,5 %. Une baisse qui vient confirmer celle de janvier (- 10,6 % sur l’ensemble de la diffusion).

La une sur la rumeur "Fabius" ne va certainement pas arranger les choses pour ce journal dans lequel Le Figaro voit "la lanterne rouge du marché". Mais c'est Le Figaro!

En février 2013, Libération a perdu 10,9%, comparé à février 2012, Aujourd'hui en France 10,4%, L'Equipe 4,4% et Les Echos 3,5%...

CHIFFRES CLES

> Le nombre de titres est passé de 150 après la Seconde Guerre mondiale à à peine plus d’une soixantaine actuellement.

> Globalement, la diffusion de la PQR est en baisse, de 2,1 millions d’exemplaires en 1985 à 1,7 million en 2012. Le chiffre d’affaires issu de la publicité est en chute, à 6,8 % en 2013, un niveau au plus bas depuis 1990.

Extrait

lorsqu’un internaute clique sur un lien qui le conduit vers un contenu, il se soucie-t-il de moins en moins de l’identité du média qui héberge ce contenu. Ce qui l’attire est la publicité faite à ce contenu sur une plate-forme numérique qu’il visite fréquemment et ce qu’il retient est l’identité de l’auteur du contenu (qu’il peut ensuite suivre sur Twitter par exemple). 

Commentaire

Je suis tout à fait d'accord avec les bémols de l'auteur. J'en ajoute un autre: le personal branding, c'est bien joli, mais ce qui est décrit ici reste dans une logique de clics et de succès d'audience... mais quid du modèle économique qui fera toujours défaut tant que seulement 12% des gens accepteront de payer pour s'informer (voir post ancien). Il est vrai que c'est un peu plus dans des marchés de niche avec une communauté solide.

Pendant la baisse des ventes papier de 3,4% (-5,1% pour la PQN; -3,9% pour la presse magazine; -3,5% pour la PQR),  la fréquentation des supports numériques de presse a progressé de 23% en terme de visites.

Belle initiative de Jérémie Poiroux qui, à travers son infographie, permet de visualiser rapidement les différences entre la PQR française et allemande:

- Beaucoup plus de titres avec des tirages moins élevés en Allemagne. Idem sur le web. En revanche, des journaux allemands qui résistent mieux à la crise, grâce notamment à de nombreux points de vente, mais surtout un taux d'abonnements très largement supérieur (90,9% contre 54, 7%).

- A noter aussi un CA très supérieur dans la PQR allemande, avec notamment un CA publicitaire multiplié par 3 ou 4 Outre-Rhin.

Le plan de réduction des charges mis en place en 2012 au Figaro semble porter ses fruits. Résultat, des investissements porteurs d'espoir pour l'avenir, et une philosophie intéressante: "les enquêtes, les analyses, les articles à forte valeur ajoutée qui sont payants dans le quotidien doivent l'être aussi sur le site».

Comme quoi, il y a des choses à faire, au-delà de la sinistrose qui gangrène les esprits, dans le monde de la presse française.

La réorganisation de la logistique entre les deux messageries, Presstalis (80% du marché) et MLP (20%) est loin d'être achevée. Quant à la mise en œuvre d'un système informatique commun, elle est encore loin d'être faite. Et pourtant, l'urgence est là. En 2014 et 2015, le marché de la presse devrait baisser de 8% à 10% en volume et de 5% en valeur. 

Encore une année difficile donc. Mais on nous promet le grand virage pour 2015, alors...

Le contexte: "L'année 2013 aura été bien noire pour la presse française, nationale, régionale ou magazine: chute des ventes et des recettes publicitaires, déficits généralisés, plans de départs, cessions en rafales, un déclin que les développements numériques et le soutien de l'Etat pour les accélérer ne compensent pas."

Etat des lieux dans La Tribune... qui n'a pas abandonné le papier par hasard.

Forte tension sur les ventes de la presse magazine en France. Après une année 2012 en recul de 4,4 %, seuls 3 titres des 35 magazines hebdomadaires et 2 des bimensuels qui ont déposé leurs déclarations trimestrielles auprès de l'organe de contrôle de la presse enregistrent une croissance de leur diffusion France payée le 1er trimestre 2013 par rapport au trois premiers mois de l'année dernière. La presse people et les magazines télé sont ceux qui souffrent le plus.

Lucie Robequain, correspondante des Echos aux Etats-Unis, nous casse le moral ce matin.  

Depuis 1956, les journaux américains n'ont ainsi jamais gagné aussi peu d'argent, révèle l'Institut Statista dans un rapport publié cette semaine. Ils ont dégagé 33 milliards de chiffres d'affaires l'an dernier. "Leur revenu a ainsi fondu de plus de moitié depuis 2000", note Lucie. Depuis 12 ans, les revenus de diffusion se sont contractés d'un quart. La publicité sur le papier a chuté de 70 %. Et la publicité sur Internet est très loin de compenser.