L'artiste qui murmurait à l'oreille des abeilles | Insect Archive | Scoop.it
“Quoi que vous fassiez, prévient Tomáš Libertíny, n’énervez pas les abeilles.” Nous sommes à Skanzen, en Slovaquie, face à une rangée de ruches – et à la toute dernière œuvre de Libertiny, 32 ans.

 

Courrier international / The Guardian - Londres

Publié le 13/08/2012

 

"Le travail de Libertíny avec les abeilles a commencé il y a cinq ans. A cette époque, il laissait ces insectes essaimer autour de vases recouverts de cire d’abeille dans son studio à Rotterdam. Les formes qu’elles créaient étaient beaucoup plus belles et naturelles que ce qu’il avait pu imaginer. “Dans nos sociétés, le consommateur aime le design épuré. Je voulais m’éloigner de cette tendance. J’ai donc commencé à travailler avec un matériau fragile et éphémère : la cire d’abeille. Elle provient des fleurs, se transforme en vase et finit par accueillir des fleurs pour leur dernier voyage.”

 

En 2009, à la foire d’art contemporain de Bâle, il expose Unbearable Lightness [Insoutenable légèreté]. Cette œuvre représente un Christ en croix, sur lequel 40 000 abeilles sont venues construire un corps en cire. Chaque alvéole a été rempli de miel. En outre, Libertíny a mis un colorant dans la nourriture des abeilles, si bien que sa sculpture était colorée en rouge. C’est la seule couleur que les abeilles ne peuvent pas voir ; elle représente aussi, sans doute, le sang du Christ martyr. Cette œuvre a valu à son auteur le prix du designer du futur, décerné par la foire de Bâle, et des musées comme le Museum of Modern Art (MoMA) de New York ont commencé à acquérir ses créations.
 
Libertíny n’est pas le premier à travailler avec les abeilles : l’Américain Garnett Puett, élevé dans une famille d’apiculteurs, s’est également servi de ces insectes pour créer des sculptures de cire représentant des formes humaines. Mais Libertíny n’est pas arrivé à l‘ “art apicole” par le même chemin. Avant d’installer le Studio Libertíny à Rotterdam, il se forme au design industriel à Bratislava, Seattle et Eindhoven. Il trouve son inspiration dans le design néerlandais, plus particulièrement dans le travail novateur de l’agence Droog design. Puis il commence à voir dans la cire d’abeille un matériau qui peut aller à l’encontre de la futilité et de la froideur du design industriel moderne. Aujourd’hui, son œuvre se situe aux confins de l’art et du design.
 
Lorsque j’ai demandé à Libertíny s’il y avait des parallèles entre son travail et celui de Damien Hirst, il m’a répondu que non. Hirst, qui travaille aussi avec des insectes, enferme des mouches dans des vitrines contenant des carcasses en décomposition et expose en ce moment à la Tate Modern, des papillons dans des “vanités” lugubres. « Quand il travaille avec des insectes, m’explique Libertíny, il a une vision destructrice, alors que la mienne est constructive.»"

(...) 

Stuart Jeffries

 

 

[Image] Sculpture en cire d'abeille de Tomáš Libertíny.