Gouverner l’air du temps | Insect Archive | Scoop.it
Ouvrir les portes et les fenêtres, lutter contre l’insalubrité : tout au long du XIXe siècle, les hygiénistes n’ont cessé d’interpeller les pouvoirs publics sur la nécessité d’un investissement massif dans une politique sanitaire de l’air. Les débats datant de plus d’un siècle font ainsi écho à ceux des derniers mois autour de la crise du Covid-19.

 

Par Caroline Muller, maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l'université Rennes-II — 7 octobre 2020

 

"Pour lutter contre la transmission de la tuberculose, éducateurs et réformateurs ont beaucoup travaillé à la mise en place de programmes d’éducation à l’hygiène, à l’ouverture de dispensaires permettant d’identifier les malades. La vie «au grand air» a été présentée comme la solution à l’épidémie, et garante de bonne santé en général ; on peut citer le mouvement des écoles de plein air - celle de Suresnes, par exemple - qui naissent au début du XXe siècle et dont les élèves suivent leur scolarité à l’extérieur. A lire le ministre Jean-Michel Blanquer s’exclamer sur Twitter «la classe en plein air ! Une des innovations très belles de cette période exceptionnelle», on peut regretter qu’une concertation - et le déblocage de moyens supplémentaires - n’ait pas eu lieu dès la mise en place du confinement pour réfléchir à un accueil renouvelé des élèves et des étudiant·e·s, alors que la rentrée a bien souvent eu lieu dans des salles étroites, mal ventilées, qui horrifieraient les hygiénistes du XIXe siècle. Ouvrir les portes et les fenêtres, donner à chacun le volume d’air nécessaire, lutter contre l’insalubrité : tout au long du XIXe siècle, les hygiénistes n’ont cessé d’interpeller les pouvoirs publics sur la nécessité d’un investissement massif dans une politique sanitaire de l’air. On peut s’interroger sur la réaction qui aurait été la leur si le gouvernement de la IIIe République avait demandé à l’ensemble de la population, dont les plus précaires, de financer eux-mêmes l’achat de leurs masques de protection."

 

 

[Image] Le 28 août à Rochefort (Charente-Maritime). Préparation de «l’école du dehors» dans une peupleraie où les maternelles de Nadia Lienhard passeront leurs matinées. Photo Théophile Trossat