Par Anne Claire Nonnotte
13 12 2017
Chapitre 40 sur les Punaises de lit de l’ouvrage Parasitologie et mycologie médicales – Guide des analyses et des pratiques diagnostiques
Épidémiologie
Les punaises de lit sont des insectes hématophages vivant au côté de l’homme depuis des milliers d’années, comme le démontre leur présence dans certaines tombes égyptiennes datant de 3550 ans. Parfaitement connu par nos parents ou grands parents avant la Seconde Guerre mondiale, cet insecte, Cimex lectularius, tout en se maintenant dans les pays pauvres, a disparu de notre vie quotidienne vers les années 1950. La nette amélioration de l’hygiène de notre habitat due à l’augmentation globale du niveau social et économique en est l’une des principales causes. Depuis les années 1990, une recrudescence mondiale est observée dans de nombreux pays « développés ». Cette explosion des cas est manifestement due à un accroissement du tourisme et du commerce international et à l’arrêt de l’utilisation des insecticides toxiques à forte rémanence dans le milieu extérieur (par exemple DDT) suite à leur interdiction [1].
Les punaises de lits sont des insectes cosmopolites. Tous les niveaux de contamination ont été décrits : cas isolés, cas groupés, contamination totale d’un bâtiment, ou flambée épidémique dans une ville (par exemple New York en 2009- 2010). Les cas sont principalement urbains. Cette expansion mondiale est due à deux types de déplacement de l’insecte. Localement, la distribution se fera par « déplacement actif » de la punaise à la recherche d’un repas sanguin, de son lieu de vie vers son lieu de repas. Dégagement de gaz carbonique, chaleur et odeur sont par ordre d’importance les principaux attractifs. Quelques mètres ou dizaines de mètres peuvent ainsi être franchis. A priori, cette distance et donc cette surface de répartition sont dépendantes du nombre d’individus. Pour de faibles infestations, cette distance est à peine de quelques mètres : « dessous du matelas vers dessus du matelas », « structure du lit vers dessus de lit », « placard à linge vers lit », etc.
Signes cliniques d’orientation et rôle vecteur
Les piqûres vont entraîner des conséquences différentes selon les individus.
Atteinte dermatologique
La lésion cutanée la plus typique se présente sous forme de prurit érythémateux et maculopapuleux de 5 mm à 2 cm de diamètre avec un point hémorragique central ou une vésicule similaire à toute piqûre d’arthropodes. Le prurit s’exprime généralement au matin avec une légère amélioration le soir. Mais cette présentation classique varie en réalité de l’asymptomatique au prurit paucisymptomatique jusqu’à un purpura avec lésions vésicobulleuses. Certaines atteintes peuvent s’assimiler à une urticaire. Le diagnostic clinique n’est donc pas toujours aisé. Seul un interrogatoire rigoureux du patient permettra d’évoquer cet insecte. Le diagnostic de certitude ne pourra s’établir que par l’identification entomologique d’un spécimen apporté par le patient ou prélevé sur site par un entomologiste ou une société de désinsectisation. Sur les parties découvertes, les lésions se présentent parfois en ligne de 4 à 5 piqûres assez caractéristiques de cet insecte. Les piqûres de puces peuvent également présenter cet aspect en ligne [2] .
Risques infectieux
Comme toute piqûre d’arthropode, la surinfection bactérienne, notamment par grattage avec des mains contaminées, ne doit pas être négligée. Cependant, il n’a jamais été démontré à ce jour que les punaises de lits soient vectrices de bactéries, de parasites, de champignons ou de virus [4] .
Troubles psychologiques
Les punaises de lit sont sources de troubles psychologiques phobiques variés, voire aussi d’anémie en cas d’infestation sévère. Ces désordres psychologiques peuvent perdurer, même si le problème d’infestation est terminé.
Diagnose
Les punaises de lit appartiennent à l’ordre des Hémiptères et à la famille des Cimicidae [4] . Il existe deux espèces du genre Cimex pouvant piquer l’homme : Cimex lectularius et Cimex hemipterus.
Les adultes des deux espèces ont une taille comprise entre 4 et 7 mm et sont généralement bruns à beige, très plats, sans aile et proche de l’aspect d’un confetti (figure 40.1). Pour un œil non averti, les 2 espèces sont d’aspect proche. Pour un œil initié, la marge latérale du pronotum ou thorax (« du col ») de C. lectularius est beaucoup plus large (figure 40.2).
Les deux sexes sont hématophages (voir tableau 41.2). Les punaises de lit sont des solénophages : elles introduisent des stylets mandibulaires et maxillaires très fi ns à travers la peau jusqu’à un vaisseau sanguin. Le repas dure entre 10 et 20 minutes. Au repos, le rostre, appareil piqueur, est replié sous la tête et le thorax. Une punaise de lit peut vivre sans repas jusqu’à 1 an et demi si les conditions sont favorables (température, abri, etc.).
Les œufs sont émis 3 à 10 jours plus tard pour des températures comprises entre 14 et 27 °C. Un repas sanguin est indispensable pour leur maturation (cycle gonotrophique). Mesurant environ 1 mm, blanchâtres, ils sont operculés et pondus isolés ou en petit amas de 5 à 15 unités. Une femelle pond 200 à 500 œufs dans sa vie. Les Cimex jeunes ou immatures (ou nymphes selon les auteurs anglo-saxons) ont un développement en cinq stades avant de devenir adultes. Un repas sanguin est indispensable pour atteindre le stade supérieur, chaque stade durant de 3 à 15 jours (figure 40.3).
Ces jeunes sont de couleur claire (à jeun) qui les rend parfois peu visibles et difficiles à détecter en début d’infestation (figure 40.4).
Les déjections des punaises sont surtout constituées de sang digéré. Elles sont noires et liquides lors de l’émission. Isolées, leur taille est de 1 à 3 mm et elles imprègnent le tissu. Sur des structures non absorbantes, elles forment un petit amas plus ou moins pâteux. Ces déjections émises en dehors des cachettes sont utiles pour repérer les punaises. Elles sont utiles aussi aux punaises car elles contiennent des phéromones qui les guideront jusqu’à leurs cachettes, une fois le repas de sang terminé.
Adultes et jeunes sont surtout actifs la nuit et fuient toute lumière, qu’elle soit diurne ou artificielle, ce qui ne facilite pas leur découverte. Insecte grégaire, ses lieux de repos, de pontes et de copulations sont généralement difficiles d’accès : cordon de matelas, structures du lit, fente de bois, cadre de tableaux, tringle à rideau, etc. De cette difficile mise en évidence dépendra le succès de la lutte.
La punaise de lit est en forte expansion au niveau mondial. Insecte hématophage et fortement nuisant par les manifestations dermatologiques qu’elle provoque, elle ne présente heureusement, à ce jour, aucun risque de transmission vectorielle d’agents infectieux. La recherche puis l’identification de l’insecte sont une étape essentielle en préalable à la lutte. Les méthodes de lutte contre les punaises de lit sont complexes et multiaxiales. Chaque lutte devant s’adapter au contexte environnemental et humain, dans des invasions extrêmes, il est conseillé de toujours faire appel à un spécialiste qui coordonnera l’action [3, 5].
1. Berenger JM , Delaunay P , Pagès F . Bedbugs (Heteroptera, Cimicidae): biting again . Med Trop 2008 ; 68 : 563 – 7 .
2. Delaunay P , Blanc V , Dandine M , et al. Bedbugs and healthcare-associated dermatitis, France . Emerg Infect Dis 2009 ; 15 : 989 – 90 .
3. Delaunay P , Blanc V , Del-Giudice P , et al. Bed bugs and infectious diseases . Clin Infect Dis 2011 ; 52 : 200 – 10 .
4. Reinhardt K , Siva-Jothy MT . Biology of the bed bugs (Cimicidae) . Annu Rev Entomol 2007 ; 52 : 351 – 74 .
5. www.ars.paca.sante.fr/fileadmin/PACA/Doc/ Actu_2011/punaises_de_lit/Punaises_de_lits_2011.pdf .
ANOFEL, Association française des enseignants de parasitologie et mycologie
Publié sous la coordination de Françoise Botterel
Avec la collaboration de M.-L. Dardé, A. Debourgogne, L. Delhaes, S. Houzé, F. Morio Avec la participation de C. Kauffmann-Lacroix, C. Roques
___________________________________
via Scopus | La plus grande base de données de documentation examinée par les pairs https://www.elsevier.com/fr-fr/solutions/scopus