L’éco-acousticien Jérôme Sueur est passé maître dans l’art d’écouter la nature. Au petit matin, dans la forêt guyanaise, se mélangent stridulations, coassements élastiques et chants harmoniques. Cela marche aussi près de chez soi.
par Jérôme Sueur, Enseignant-chercheur au Muséum national d’histoire naturelle, spécialiste d'éco-acoustique, auteur du livre «Histoire naturelle du silence» (Actes Sud, 2023)
A l’écoute des fourmis qui passent sur les feuilles mortes
Majoritairement citadins, cloîtrés entre les hauts murs de nos habitations bétonnées, nous ignorons beaucoup des murmures et des grondements du dehors. Nous ne savons plus qui sont les autres vivants, comment ils se nomment, où ils vivent, ce qu’ils font de leurs journées et de leurs nuits, ce qu’ils ressentent. Engoncés dans nos pays exigus dont on resserre encore plus les frontières, concentrés sur nos petits problèmes humains, égoïstes, prétentieux et ridicules, nous nous éloignons du vivant auquel nous sommes pourtant irrémédiablement liés par des millions d’années d’évolution partagée.
«A quoi cela sert-il d’écouter les oiseaux ?». Combien de fois m’a-t-on posé cette question utilitaire ? A rien, car nous ne guérirons évidemment pas le monde comme cela. A tout, car à l’écoute des oiseaux et des fourmis qui passent sur les feuilles mortes, nous connaîtrons, respecterons et protégerons un tout petit peu mieux la vie des autres. Le son est un médium de reconnexion avec le vivant."
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