Si la surface de forêt a augmenté sur le territoire métropolitain ces dernières décennies, les peuplements forestiers dépérissent. Une approche écosystémique s’impose.
Pourquoi la forêt française a besoin d’un traitement de fond
Guillaume Decocq et Serge Muller, 20.02.2022
Une fausse bonne idée : le recours aux essences exotiques
La prétendue « inadaptation » des essences autochtones justifie le recours à des essences exotiques, venant souvent d’autres continents, dont l’intérêt et l’innocuité sont plus que douteux… L’idée de privilégier les essences naturellement résistantes au stress hydrique serait séduisante, si elle ne faisait pas preuve d’une certaine amnésie (en plus de faire l’impasse sur des millions d’années d’histoire évolutive).
Car l’introduction d’essences exotiques en forêt n’est pas nouvelle. Beaucoup se sont soldées soit par des échecs d’acclimatation, soit par de graves crises écologiques : introductions accidentelles de bioagresseurs exotiques (l’actuelle épidémie de chalarose du frêne en est un exemple parmi des dizaines d’autres), invasions biologiques (le cerisier tardif, jadis vanté pour ses mérites en foresterie est devenu aujourd’hui l’ennemi du forestier), érosion de la biodiversité autochtone (les sous-bois fantomatiques de nombreuses plantations de conifères en plaine en sont un exemple criant) ; ou encore, aggravation des conséquences de certains aléas (les méga-feux que connaît la Péninsule ibérique sont étroitement liés aux plantations d’eucalyptus, très inflammables, et pourtant promues en région méditerranéenne française).
Une analyse détaillée de ces risques est présentée dans un livre blanc sur l’introduction d’essences exotiques en forêt, récemment publié par la Société botanique de France.
Les risques associés aux essences exotiques, difficilement prévisibles, mais réels et coûteux pour la société, justifient que les nouvelles plantations soient davantage réglementées. Celles-ci devraient faire l’objet d’une étude d’impact préalable avec analyse de risque.
Plus généralement, il est urgent d’évaluer le rapport bénéfice/risque à moyen et à long terme de ces plantations, et, dans l’attente d’une telle évaluation, de soumettre à un moratoire les mesures politiques et financières incitant leur introduction en forêt."
[Image] Coupe à blanc d’une parcelle de Douglas dans une forêt de l’Oise. Guillaume Decocq, CC BY-NC-ND