Un chercheur burundais a conçu une crème au karité chargée d’une molécule répulsive efficace durant au moins cinq heures.
Par Sophie Douce, 20.03.2019
Un savon qui prend l’eau
"Quand Gérard Niyondiko se lance dans ce projet « un peu fou », il a 36 ans. Il vient tout juste d’arriver au Burkina Faso pour reprendre ses études à l’Institut international de l’eau et de l’environnement (2ie) de Ouagadougou. Cet ancien professeur de chimie qui a grandi au milieu des savonneries du Burundi espère y réaliser son rêve de toujours : monter sa propre usine de fabrication. « Plutôt que de créer un simple savon, pourquoi ne pas y ajouter une molécule pour lutter contre les moustiques ? », se demande-t-il un jour sur les bancs de la fac avec Moctar Dembélé un camarade de classe. Le projet Faso Soap, le premier savon anti-paludisme, est né ce jour-là.
L’idée séduit. En 2013, les deux étudiants deviennent les premiers Africains à remporter la Global Social Venture Competition (GSVC), un concours international organisé à Berkeley, en Californie. Très vite, des particuliers passent commande, mais le savon n’en est encore qu’au stade de prototype et doit être testé en laboratoire. « Nous avions besoin de fonds pour continuer les recherches, mais aucun bailleur ne voulait financer le projet, il ne rentrait dans aucune case », se souvient Gérard Niyondiko qui poursuivra l’aventure seul après l’abandon du cofondateur.
"Une campagne de financement participatif leur permet de récolter 70 000 euros pour finir les tests en labo et se rendre compte alors « que les molécules répulsives du savon partaient avec l’eau du rinçage ». Retour à la case départ.
Les deux entrepreneurs ne se découragent pas. En 2017, après avoir lancé une analyse sociologique sur les habitudes d’hygiène domestique de mille femmes dans les villes et campagnes du pays, ils découvrent que, « au Burkina, 80 % des enfants sont pommadés avec du beurre de karité après avoir été lavés ». « La solution était là, il fallait un produit déjà ancré dans le quotidien des familles pour qu’il soit facilement adopté », poursuit Gérard Niyondiko, installé dans son bureau de La Fabrique, l’incubateur de start-up sociales ouagalais qui l’a accompagné. Pendant près de deux ans, le chercheur burundais travaille donc avec des groupements de femmes pour mettre au point un baume à double fonction, hydratant et antimoustiques, composé à 15 % de DEET, un répulsif efficace, et de produits locaux : du beurre de karité, de l’huile de coton et de la cire d’abeille. Une fois appliquée sur le corps, la crème Maïa offre au moins cinq heures de protection."
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