Selon Michel Ferry, spécialiste des palmiers, la stratégie choisie par la Ville d'Ajaccio pour lutter contre le charançon rouge conduira inévitablement à la disparition de l'ensemble de ces arbres. Il est encore temps, plaide-t-il, d'adopter un autre plan de lutte, massif et collectif
Que préconisez-vous ?
Le gros problème ne réside pas dans les techniques mais plutôt dans la stratégie. L'éradication du charançon rouge a réussi en quelques années là où a été appliquée une organisation collective de la lutte. Ainsi, les îles Canaries l'ont éradiqué en quatre ans, d'autres ont réussi la protection de leurs palmiers : Israël, Ceuta, Mauritanie, diverses oasis du Moyen orient.
En France, le territoire de la communauté d'agglomération Var-Esterel-Méditerranée (Cavem) a organisé une lutte massive et collective très efficace impliquant plus de 2 000 particuliers. Les résultats des traitements ont abouti à un recul très important de l'insecte. Dans cette interco, l'endothérapie, qui est un traitement chimique, est aujourd'hui peu à peu remplacée par des traitements biologiques. Quelques contacts avaient été pris entre Frédéric Ferrero, directeur du pôle environnement de cette agglomération de communes et les services de la Ville d'Ajaccio. Il est dommage qu'ils n'aient pas abouti à un travail commun.
Vous parlez de lutte collective, mais de nombreux terrains sont en indivis, aussi comment intervenir chez les particuliers ?
Les mairies peuvent s'appuyer sur la loi.
En 2018, l'Union européenne a abandonné la lutte obligatoire. Mais en France, dans les villes de la zone méditerranéenne, l'obligation d'intervenir sur un palmier infesté a été maintenue. L'obligation de traiter préventivement autour du palmier malade est, elle, décidée par les mairies.
La mairie a souligné le coût trop important de l'endothérapie. Le plan de lutte massif et collectif que vous préconisez n'est-il pas trop onéreux, notamment pour les particuliers ?
À titre d'exemple, la Cavem, en engageant une lutte collective, a pu faire baisser le prix de l'endothérapie, l'injection est passée de 250 euros à 72 euros. De plus, il est certainement moins coûteux de préserver son patrimoine constitué de plusieurs milliers d'arbres centenaires que de le laisser dépérir.
L'abattage, le dessouchage et le remplacement d'un palmier se chiffrent à des prix très élevés. Mais il n'est pas trop tard à Ajaccio. Au contraire. Avec l'expérience acquise et une bonne organisation, le patrimoine exceptionnel dont dispose la ville peut encore être sauvé.
Michel Ferry a été en poste en Espagne pour l'Inra pendant près de 30 ans. Il a créé et dirigé la station de recherche Phoenix dont la mission est la sauvegarde de la palmeraie d'Elche, inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco. En 2005, quand le charançon du palmier est identifié en Espagne, son centre d'études met en place une stratégie de lutte. Il a travaillé avec plusieurs collectivités en France.
[Image] Palmiers Place Foch. Paule Santoni
[Rhynchophorus ferrugineus]
'Charançon rouge du palmier' in EntomoNews
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